Sting fait partie de ces petits développeurs relativement peu connus
dès lors que l’on s’éloigne du Japon. Mais hormis Treasure Hunter G
qu’il développa pour Squaresoft, le petit studio ne s’est pas vraiment
illustré par la suite en réalisant des titres soit catastrophiques,
comme la série Evolution, soit bancals comme Baroque. Toutefois, Sting a
réussi à attirer l’attention de quelques fans de RPGs avec sa saga
Dept. Heaven comprenant pour le moment les volets Riviera et Yggdra
Union, le troisième étant encore en cours de développement. Disponible
depuis septembre dernier au Japon, le quatrième épisode de la saga,
Knights in the Nightmare, est sorti début juin aux Etats-Unis et a pour
ambition ni plus ni moins de sortir le T-RPG de son classicisme en
revisitant le concept et en y apportant quelques innovations.
L’originalité paie-t-elle ?
A l’origine, tous les mondes ne
faisaient qu’un avant que le Jugement, à la fois un pouvoir
incommensurable et un accord tacite entre toutes les puissances
existantes, ne les divise en trois : Asgard, la Terre des Dieux,
Riviera, le monde des mortels et le Royaume Souterrain où siégeait les
Ténèbres. On raconte que l’île de St Celestina, dans le monde de
Riviera, était jadis le paradis des anges. Au sommet d’une falaise de
l’île se dressait un immense château, Aventheim, symbole de la toute
puissance du royaume de Gleivnir. Le château, nommé aussi "le Palais de
la Profonde Connaissance", aurait été construit un millénaire
auparavant par un puissant sage et par les Tiamats, un peuple censé
exister depuis la création du monde. Il y a de cela plusieurs centaines
d’années, Gleivnir étendit son royaume et s’empara par la force
d’Aventheim, en faisant ainsi sa capitale. Nul ne sait ce qu’il s’est
réellement passé mais toujours est-il que les Tiamats décidèrent après
cela de se retirer sur leurs terres natales et de garder leurs
distances avec les humains. Gleivnir était un royaume antédiluvien
existant depuis des millénaires et pour lequel la lignée de rois
s’étant succédés au trône ne s’est jamais brisée ; le dernier roi en
date étant Wilmgard, surnommé aussi le « Roi Cœur de Lion » en raison
de ses décisions justes, de sa bonté et de son courage sur le champ de
bataille. Depuis le début de son règne, Wilmgard, comme ses
prédécesseurs, trouva un soutien inflexible auprès de son armée
composée de douze ordres de chevalerie.
Malheureusement,
durant plusieurs jours, Gleivnir vécut un cauchemar éveillé. Le climat
politique avec les royaumes voisins étaient tendu, notamment avec les
Tiamat et bon nombre d’incidents se produisirent. Mais le cauchemar ne
commença réellement que le jour de la mort du roi Wilmgard, au sein de
son propre château. Aussitôt le monarque décédé, les ténèbres
envahirent Aventheim et les douze ordres furent littéralement
massacrés. Quasiment tous les chevaliers périrent, des plus jeunes aux
plus expérimentés, les quelques survivants n’ayant quasiment plus
d’espoir et attendant seulement l’heure de leur mort. Comme si cela ne
suffisait pas, une nuit, LA nuit, un autre évènement survint à
Aventheim. Une femme vêtue d’une armure étincelante vola le « Creuset
des Ames » dans laquelle était enfermée l’âme du roi. La jeune femme
parcourut Gleivnir jusqu’à se rendre dans une église abandonnée où elle
put libérer l’âme devenue un feu follet. Cependant, il ne se rappelait
pas qui il avait été jadis. Bien que n’ayant aucun souvenir, il se mit
à parcourir Gleivnir pour retourner à Aventheim, comme s’il y était
poussé par une force extérieure, tout en étant épaulé par la
mystérieuse guerrière qui répondait au nom de Maria. Plus le feu follet
avançait vers le château, plus le cardinal Capehorn qui avait ourdi le
complot et ses alliés étaient en proie au doute et se sentaient
condamnés. Même le régent du Royaume Souterrain, Zolgonark, maintenant
installé à Aventheim, se mit à trembler face à l’avancée du feu follet,
car il était aussi le Médiateur. Le destin des trois mondes bascula…
Players in the dream
La
force de KITN est aussi son principal défaut, à savoir son concept
original et innovant qui dépoussière en grande partie le Tactical-RPG.
En réalité, le gameplay est une aberration réussie, mélange entre le
T-RPG, le puzzle-game et le manic shooter façon Ikaruga ou
Mushihime-sama. Bien qu’au final assez simple, il se révèle
particulièrement complexe et déroutant au départ, d’où la présence d’un
tutoriel assez long. Malheureusement, celui-ci se noie parfois dans un
déluge d’informations textuelles et les exemples in-game présentés ne
sont pas forcément parlant. Aussi est-il recommandé pour bien
appréhender le système d’accomplir les premiers niveaux du mode facile
pour se lancer ensuite dans le mode normal. Il est quasiment impossible
de pouvoir expliquer en détail tout le gameplay et ses subtilités sans
se perdre dans d’obscures explications, aussi seuls les fondamentaux,
déjà conséquents, sont donnés ci-après. Dans tous les cas, si l’on peut
se plaindre que bon nombre de RPGs n’utilisent pas ou partiellement le
stylet, KITN, à l’image de The World Ends With You, en fait son crédo
majeur.
Pour commencer, KITN est découpé en scènes (quarante
sept au total plus une cachée), chaque scène comprenant différentes
phases de dialogue et le niveau (champ de bataille) à proprement parler
; les sauvegardes s’effectuant à chaque fin de scène (il n’y a en
revanche qu’une seule sauvegarde). Les niveaux sont segmentés en tours
définis par une phase de réflexion durant laquelle on pense sa
stratégie et une phase en temps réel dans laquelle on interagit
véritablement. Chaque tour dure un certain temps (timing). Une fois le
timing écoulé, on passe au tour suivant. Par contre, le nombre de tours
par niveau est limité. Si les objectifs ne sont pas accomplis durant le
nombre imparti, c’est le game over. Il existe deux types de niveau :
celui dans lequel on affronte un boss, l’objectif consistant alors
simplement à terrasser ce dernier, et les niveaux dits « classiques »
qui, paradoxalement, sont bien plus originaux. Au cours de ceux-ci est
affichée en bas de l’écran une matrice de n lignes et n colonnes. A
chaque élément de la matrice est associé un monstre lui-même associé à
une couleur représentant son élément (glace, feu, ténèbres, etc.). Quand un
monstre meurt, l’inscription « KILL » apparait dans la case de la
matrice correspondante. L’objectif, pour passer le niveau et atteindre
la scène suivante, est d’aligner un nombre donné de KILL sur une ligne, une colonne ou
une diagonale. Les ennemis n’apparaissent pas tous simultanément durant
le combat. Une fois un tour terminé, une roulette apparait à l’écran et
l’on choisit alors qui seront les prochains ennemis à affronter,
sachant que l’on voit durant cette phase à quelles cases ils
appartiennent. Enfin, il est possible durant les tours de switcher
entre deux phases dites de « Loi » et de « Chaos » détaillées ci-après.
A l’image de Lenneth ou Silmeria des Valkyrie Profile, le feu
follet que l’on dirige a la possibilité de ramener les âmes des
chevaliers morts au combat (plus d’une centaine tout au long de
l’aventure). Les chevaliers sont regroupés en sept
classes différentes : guerrier, archer, sorcier, etc. Maria, elle, est la
seule à appartenir à une classe spécifique : la Valkyrie. La raison
pour laquelle KITN se rapproche plus d’un puzzle-game et non d’un T-RPG
est la suivante : contrairement aux ennemis, les chevaliers ne peuvent
pas se déplacer sur la zone de combat divisée en plusieurs cases et
pour laquelle la vue adoptée est en 2D isométrique. Ainsi, ils occupent
une case spécifique et ne peuvent en bouger. Seuls le cavalier, le
duelliste et la Valkyrie ont la possibilité de se déplacer, mais
uniquement en mode Chaos. Seconde contrainte, les chevaliers ne peuvent
attaquer que dans des directions spécifiques : le guerrier ne peut
combattre que suivant les orientations haut/droite et haut/gauche,
l’archer suivant les orientations bas/droite et bas/gauche… Toutefois,
les aires d’attaques des chevaliers couvrent plusieurs cases de la zone
de combat. De plus, elles diffèrent selon que l’on est en mode Loi ou
Chaos. Devront donc être choisis les chevaliers les plus adaptés à la
situation présente.
Autre originalité : le feu follet, comme les
chevaliers, ne peuvent pas être tués par les ennemis (exception faîte
pour la Valkyrie mais suivant des conditions très spécifiques). Si les
chevaliers attaquent comme dans un T-RPG classique (voir plus loin),
les ennemis eux balancent des boulettes de couleurs et de formes
différentes surchargeant généralement l’écran, d’où l’aspect manic
shooter. Il faudra les esquiver à tout prix car c’est là que réside la
principale difficulté du jeu. Certes, elles ne tuent pas mais ont des
conséquences plus perverses : celui de faire diminuer les points d’EXP
gagnés après avoir vaincu un ennemi mais, surtout, celui de diminuer
drastiquement le timing restant avant la fin du tour. Ainsi, l’écran de
game over n’apparait pas parce que l’on meurt mais parce que l’on n’a
pas eu le temps d’accomplir l’objectif requis du niveau durant le
nombre de tours impartis. Au final, les phases de combat sont très
dynamiques en faisant dans l’action frénétique et non-stop. Le feu
follet peut toujours se rendre invisible de courts instants (mais sans
la possibilité de se déplacer), tout comme empêcher ses adversaires
d’effectuer des attaques spéciales, voire les faire changer d’éléments
s’ils sont étourdis après avoir reçu d’importants dégâts. Malgré tout,
les chevaliers peuvent quand même disparaître à tout jamais car ils
possèdent des points de vitalité (VIT) diminuant à chaque fois qu’ils
exécutent une attaque, la quantité de points perdue dépendant du type
d’attaque.
Par définition, un chevalier est incapable d’attaquer
seul. Le feu follet doit se placer sur le chevalier pour « l’activer
». Dès lors, plus on laisse le stylet appuyé, plus le coût porté une
fois celui-ci relâché sera puissant et la zone de dégâts importante
et/ou éloignée. Autant le dire, l’attaque de base est complètement
inutile. En fait, lorsque l’ennemi est touché, il laisse échapper des
pierres précieuses permettant de remplir une barre de magie dans le but
d’utiliser des armes répertoriées comme objets à raison d’un point de
magie par attaque. Il existe toutes sortes d’armes pour les différentes
classes de chevalier et toutes sont affiliées à un élément. Par
exemple, une épée de feu sera quasiment fatale à un ennemi de type «
glace » mais inefficace contre un de type « feu ». Pour utiliser une
arme, il suffit que le feu follet aille la chercher dans un inventaire
situé à droite de l’écran et équipe le chevalier en se plaçant
simplement dessus, à condition que celui-ci ait le niveau d’expérience
requis pour la porter. Le principe de ces attaques (Skill Attacks)
reste après identique à celui de l’attaque de base. Certaines classes
ont des compétences singulières, comme le sorcier. En mode Chaos,
celui-ci lance un sort sur une vaste zone du champ de bataille alors
qu’en mode Loi, il peut poser un piège magique sur une case du terrain
infligeant des dégâts à l’ennemi s’il va dessus. Certaines armes
possèdent aussi des attaques spéciales (Effects) se lançant quand un
nombre de coups et combos (hits) est atteint. Bien évidemment, il y a
des contraintes. Certaines armes ne peuvent s’utiliser qu’en mode Loi
ou Chaos. Ensuite, elles s’usent : à chaque tour qui passe, elles
perdent un point de durabilité (elles n’en perdent pas en revanche
selon le nombre d’utilisations). Seuls quatre objets peuvent être mis
dans l’inventaire durant un tour. Ils peuvent ensuite être interchangés
avec d’autres objets de l’inventaire général durant la phase de
réflexion du tour suivant.
En plus des armes, il existe un
autre type d’objet très important appelé « Objet Clé ». En effet le feu follet
rencontre à chaque niveau des âmes égarées de chevaliers qui l’aident
à éliminer les différentes créatures maléfiques rencontrées. Seulement, ces âmes ne se
joignent pas à lui automatiquement une fois le niveau terminé et ne
sont plus disponibles au niveau suivant. Pour recruter une âme, il faut
lui présenter un objet clé qui lui rappellera qui elle est. Les objets
clés sont disséminés dans les différents éléments de décors (obstacles)
des niveaux : dans des coffres, dans des buissons, des candélabres… Pour
récupérer le précieux sésame, l’obstacle doit être attaqué. Problème :
l’objet clé ne se récupère que suivant un certain pourcentage de dégâts
infligés. Par exemple, les coffres ne doivent pas être détruits à cent
pour cent, à l’inverse des catapultes, mais à entre quatre-vingt et
quatre-vingt-dix pour cent pour ainsi les ouvrir. Des objets clefs
seront à donner aux âmes de villageois en échange d’armes meurtrières
ou d’autres objets clés. En conclusion, il va falloir se creuser
sévèrement les méninges pour à la fois accomplir les objectifs du
niveau, essayer de gagner un maximum de points d’EXP et récupérer tous
les objets clés dans le nombre de tours impartis. #row_end
Ce n’est
qu’une fois mort que l’on récupère points d’expériences, armes (plus
rarement) mais aussi des orbes et des matériaux, ce qui permet de
passer à un dernier aspect du gameplay. Entre chaque scène, un menu
permet d’attribuer les points d’expérience gagnés à chacun de ces
chevaliers pour les faire monter en level d’EXP. Ils gagnent ainsi en
VIT, LI et CI (respectivement points d’attaque en mode Loi et Chaos),
et enfin en points de loyauté (LOY) Une autre option permet de faire
fusionner l’âme de deux chevaliers en en sacrifiant une pour rendre
l’autre beaucoup plus puissante. La réussite tient à plusieurs aspects
comme la race ou la loyauté. Suivant que la fusion soit plus ou moins
réussies, les caractéristiques de l’âme réceptrice seront boostées
(l’âme peut même gagner plusieurs lvl d’EXP) ou amoindries, cela étant
renseigné avant d’exécuter le transfert. Une âme peut aussi être exilée
(mais elle sera perdue à jamais) afin de récupérer une nouvelle arme.
Enfin le même menu d’entre scènes permettra de customiser ses armes
soit en augmentant leur puissance via un nombre requis d’orbes et de
matériaux, soit en en fusionnant deux du même type et de même puissance
afin d’en obtenir une mais de meilleure durabilité. Enfin, si l’on est
en manque de matériaux et d’orbes, il reste la solution de détruire une
arme pour en récupérer ses composants.
Nights of sorrow
Le
concept sortant de l’ordinaire est accompagné d’une réalisation
technique globale tenant plutôt bien la route. KITN jouit d’une belle
2D et les différents environnements du jeu sont assez soignés, faisant
que le soft est un cran au-dessus d’une majeure partie des T-RPGs que
l’on peut voir sur DS. Aspect inhérent au genre, les animations des
personnages ne sont pas nombreuses mais cette sobriété n’en demeure
pas moins efficace. Le seul vrai regret qui peut être émis concerne les
designs in-game des chevaliers : tous ceux d’une même classe sont
représentés par un sprite identique avec quelques variations au niveau
des coloris (liées à l’élément auquel il appartient). Leurs designs
génériques tranchent ainsi avec leurs artworks personnalisés que l’on
peut admirer à côté des fenêtres de dialogue. Les artworks des ennemis
pouvant eux être vus dès que l’on pointe le stylet sur eux. Tous les
character designers et illustrateurs qui avaient travaillés sur Riviera
et/ou Yggdra Union sont présents dans ce quatrième épisode. Néanmoins,
le style kawaï des autres épisodes a désormais laissé place à un style
bien plus travaillé, mature et adulte, à l’image générale du jeu, même
si in-game chevaliers et ennemis restent mignons. Cela se ressent au
niveau des graphismes. L’ensemble est relativement sombre du fait déjà
que toute l’aventure se déroule de nuit. Les décors que traverse le feu
follet témoignent du chaos régnant dans Gleivnir et des atrocités
survenues en étant délabrés et crades. Tous sont baignés dans de la
brume avec un éclairage blafard. Seules les boulettes flashy balancées
par les monstres apportent un peu de gaîté à l’ensemble.
L’ambiance
du jeu et le visuel sont à l’image du scénario : noir. La trame fait
penser à Valkyrie Profile (le premier), à cause de la Valkyrie (Maria)
et du feu follet ayant la capacité de ramener un court instant les âmes
de ceux qui ont périt, ainsi qu’à Vagrant Story. On saluera d’ailleurs
une traduction fort bien réalisée. L’intrigue est assez complexe et
riche en rebondissements. Au complot, constituant la première moitié de
l’aventure, succède une histoire de vengeance liée au passé de Gleivnir
(sa prise d’Aventheim, l’exil des Tiamats) et à une mystérieuse tour
que le royaume aurait construit pour défier ou égaler Asgard. Le récit,
pour chaque scène, mélange allègrement passé, présent et futur. Le
passé est ressassé au travers de nombreux flashbacks mais introduits
dans le désordre. En conséquence, il arrive qu’on se perde parfois dans
la chronologie et dans l’intrigue du fait que tout le jeu se déroule
intégralement de nuit. Les évènements se produisant dans le présent
donnent l’impression de se dérouler sur une seule et même nuit alors
qu’ils s’étalent au contraire sur plusieurs. Certains aboutissants sont
divulgués assez tôt mais leurs tenants ne seront compris que plus
tardivement, tout comme leurs conséquences. C’est le cas d’un
loup-garou, Jamie, que le feu follet tue dans la scène quatre et dont
la mort aura de nombreuses répercutions une fois sa véritable identité
connue. Toujours dans le but de proposer un scénario dense, chaque lieu
que traversera le feu follet possède aussi sa propre histoire avec ses
bonheurs ou drames.
Meurtres, manipulations, trahisons, vengeances, rancœurs, amertumes, amours
brisées ou impossibles… rien n’est
épargné. Par accomplir sa destinée et mettre un terme au cauchemar, le
feu follet sera parfois amené à tuer des personnages qui, au fond,
n’avaient rien de mauvais et étaient plus des victimes du Sort, comme
une fillette du nom de Vienna. Les manipulateurs sont généralement les
manipulés, le cardinal Capehorn surtout. Il est amusant de la voir
passer du statut de grand ordonnateur à celui de pantin, ce changement
ayant un impact sur sa psychologie. Pendant de très nombreuses années,
Capehorn élabora son plan dans les moindres détails en s’entourant de
nombreux puissants alliés. Là encore, les véritables motivations du
cardinal ne seront pas forcément celles que l’on croit. Pourtant, soit
parce qu’il était aveuglé par ses propres ambitions ou qu’il se sentait
supérieur et croyait en la perfection de son plan, le cardinal n’a
jamais pensé que, peut être, ses alliés pourraient l’utiliser pour
parvenir à des fins qui dépasseraient son entendement. Les voir comme
de simples pions l’a empêché de déceler certaines évidences par
rapport à leurs passés ou à leurs manières d’agir. Capehorn va voir son
plan voler en éclat dès lors que le défunt roi va marcher vers
Aventheim. Le retour du roi était un imprévu, sa nature de Médiateur un
autre. A partir de là, le cardinal va douter du bien-fondé de ses actes
et exprimer des regrets, non pas par rapport au complot, mais parce
qu’il se rend compte des erreurs commises soit par négligence soit à
cause d’une vision étriquée. Au fond, il commence à comprendre qu’il
n’est pas à l’abri du principe d’action-réaction. Il le comprendra
surtout lorsque Zolgonark lui fera d’ailleurs payer un lourd tribut
pour ne pas réussir à mettre en déroute le feu follet, lui rappelant au
passage qui commande réellement. Son égotisme (ou son idiotie) l’aura
poussé à croire que lui, simple mortel, pouvait commander au Seigneur
des Ténèbres s’il lui proposait une alliance de son propre chef.
Les
différents flashbacks mettront en scène les différents chevaliers que
le défunt roi recrutera. La plupart des flashbacks sont touchants,
tristes ou mélancoliques. Dans chacun d’eux, les chevaliers sont perdus
et acculés à chaque minute qui passe en étant les proies du cardinal et
de Zolgonark. Les sentiments sont exacerbés, les liens plus forts que
jamais, qualités et défauts apparaissent au grand jour. Les plus jeunes
sachant leurs fins proches tentent d’être calmés ou consolés par les
plus âgés et expérimentés, bien plus dignes. Bien qu’ils se sachent
condamnés, tous se battront jusqu’à leurs derniers souffles et beaucoup
prendront des initiatives décisives. In-game, il est possible d’en
savoir davantage sur le passé des chevaliers. Pour cela, il faut durant
les tours les sélectionner avec le feu follet et mettre le jeu en
pause, permettant ainsi de découvrir entre autres choses des liens
amoureux ou de filiation. La Fatalité occupe ainsi une place importante
dans KITN. Tous la subissent : les chevaliers, les Tiamats,
apparaissant dans la seconde partie de l’aventure et voués à
disparaître, Capehorn et même Zolgonark. Lors de ces toutes premières
apparitions, le seigneur du Royaume Souterrain apparaît comme
invulnérable et le symbole du Mal absolu, tout en étant posé voire
stoïque. Mais dès qu’il commence à ressentir la présence du feu follet
aux limites du château, sa superbe en prend un coup. Il est le premier
à craindre que le défunt roi soit le Médiateur. Si c’est le cas, il
sera tué par celui-ci avec une extrême aisance car ses pouvoirs seront
inefficaces. Plus l’intrigue progresse, plus Zolgonark va se sentir
acculé, paniquant sérieusement en prenant des décisions hâtives et non
réfléchies sans trop savoir où cela va le mener. Mais quoiqu’il arrive,
il sent son heure proche.
L’ambiance sonore tient aussi une part
importante dans l’immersion. Composées par Shigeki Hayashi qui s’était
auparavant occupé de celles de Riviera et de Yggdra Union, les musiques
sont généralement mélancoliques et empreintes de tristesse durant les
phases de dialogue et des plus épiques lors des combats avec quelques
semblants de chœurs. Au passage, elles rappellent un peu le style de
musique synthétisée que l’on entendait dans les RPGs présents sur les
consoles seize ou trente-deux bits. KITN renvoie de toute manière aux
jeux de cette époque si l’on considère dans sa globalité sa réalisation
technique. En revanche, mis à part l’introduction, aucun dialogue
in-game n’est doublé (ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose
quand on connaît la qualité des doublages US).
Intrinsèquement,
il faut à peu près vingt heures pour boucler l’aventure, quinze au
grand minimum. Cette durée de vie ne prend pas en compte le nombre de
gameover qui risquent de survenir. Au départ, deux modes de difficulté
sont sélectionnables. Si la difficulté du mode easy est inexistante,
bien que ce mode permette de se familiariser assez efficacement avec le
gameplay, le mode normal sera déjà plus retors. Deux autres modes, hard
et nightmare pourront être débloqués, destinés aux plus hard core des
gamers. Enfin, il existe plusieurs fins différentes reposant sur des
conditions tordues et l’aventure peut être refaite avec une autre
valkyrie (mode New Game + pour lequel on peut aussi conserver les
chevaliers recrutés lors de la première partie). Conclusion, la durée
de vie est assez conséquente pour ceux et celles qui voudront terminer
l’aventure à cent pour cent en ayant aussi tous les chevaliers.
Comme
il l’a été écrit au début du test, le concept original et innovant de
KITN est aussi son principal défaut, déjà à cause de son côté manic
shooter. L’écran est en effet généralement surchargé de boulettes de
couleurs et de formes différentes faisant que l’action est parfois
illisible et posant donc des soucis de jouabilité. Il arrive dans la
frénésie de l’affrontement que l’on déclenche sans le vouloir certaines
actions et/ou attaques. Mais cela, c’est le genre qui le veut. Cela
dit, il ne s’agit pas non plus d’un pur manic shooter façon Ikaruga.
Les bases sont ici simplement adaptées au T-RPG. Malgré cela, ceux qui
n’aiment pas le genre risquent quand même d’avoir du mal à adhérer à
KITN. Le mélange manic shooter / puzzle game / T-RPG ne parviendra pas
forcément non plus à convaincre les fans de Tactical pur et dur.
Ensuite, les plus impatients reprocheront au titre son tutoriel long et
pompeux durant bien une grosse heure, mais qui hélas, s’avère
indispensable pour bien comprendre et maîtriser le gameplay qui, par la
suite, deviendra intuitif. Quelques menus sont aussi surchargés
d’informations. Pour la customisation des armes, il est nécessaire de
passer par la vue en icône, la vue « en liste » étant complètement
indigeste. On notera aussi quelques redondances côté décor mais cela ne
nuit pas au jeu. Enfin, KITN souffre d’une certaine répétitivité. Le
concept à beau être original, une fois la surprise passée et le
gameplay assimilé, il finit un peu par tourner en rond, la faute à des
objectifs toujours identiques, à des ennemis finalement peu variés si
on occulte les boss, et aussi au faible nombre de classes de chevalier.
Le déroulement de chaque scène est lui aussi très linéaire : dialogue,
résumé d’une situation donnée (introduisant le titre de la scène),
dialogue, combat, flashback et enfin phase inter-scènes.
Néanmoins,
le studio Sting offre avec KITN un T-RPG rafraichissant se détachant du
reste de la production actuelle sur DS, qui a tendance à s’embourber
dans un certain classicisme, impliquant du coup que son concept ne
plaira pas forcément à un large public et aux fans de « vrais » T-RPGs.
Ceux qui se laisseront tenter seront happés par une réalisation
technique de bonne facture, une histoire sombre et complexe, un
character design inspiré, de sublimes musiques et un challenge bien
présent. A condition toutefois de lui excuser une certaine répétitivité
et linéarité.
Sting fait partie de ces petits développeurs relativement peu connus
dès lors que l’on s’éloigne du Japon. Mais hormis Treasure Hunter G
qu’il développa pour Squaresoft, le petit studio ne s’est pas vraiment
illustré par la suite en réalisant des titres soit catastrophiques,
comme la série Evolution, soit bancals comme Baroque. Toutefois, Sting a
réussi à attirer l’attention de quelques fans de RPGs avec sa saga
Dept. Heaven comprenant pour le moment les volets Riviera et Yggdra
Union, le troisième étant encore en cours de développement. Disponible
depuis septembre dernier au Japon, le quatrième épisode de la saga,
Knights in the Nightmare, est sorti début juin aux Etats-Unis et a pour
ambition ni plus ni moins de sortir le T-RPG de son classicisme en
revisitant le concept et en y apportant quelques innovations.
L’originalité paie-t-elle ?
A l’origine, tous les mondes ne
faisaient qu’un avant que le Jugement, à la fois un pouvoir
incommensurable et un accord tacite entre toutes les puissances
existantes, ne les divise en trois : Asgard, la Terre des Dieux,
Riviera, le monde des mortels et le Royaume Souterrain où siégeait les
Ténèbres. On raconte que l’île de St Celestina, dans le monde de
Riviera, était jadis le paradis des anges. Au sommet d’une falaise de
l’île se dressait un immense château, Aventheim, symbole de la toute
puissance du royaume de Gleivnir. Le château, nommé aussi "le Palais de
la Profonde Connaissance", aurait été construit un millénaire
auparavant par un puissant sage et par les Tiamats, un peuple censé
exister depuis la création du monde. Il y a de cela plusieurs centaines
d’années, Gleivnir étendit son royaume et s’empara par la force
d’Aventheim, en faisant ainsi sa capitale. Nul ne sait ce qu’il s’est
réellement passé mais toujours est-il que les Tiamats décidèrent après
cela de se retirer sur leurs terres natales et de garder leurs
distances avec les humains. Gleivnir était un royaume antédiluvien
existant depuis des millénaires et pour lequel la lignée de rois
s’étant succédés au trône ne s’est jamais brisée ; le dernier roi en
date étant Wilmgard, surnommé aussi le « Roi Cœur de Lion » en raison
de ses décisions justes, de sa bonté et de son courage sur le champ de
bataille. Depuis le début de son règne, Wilmgard, comme ses
prédécesseurs, trouva un soutien inflexible auprès de son armée
composée de douze ordres de chevalerie.
Malheureusement,
durant plusieurs jours, Gleivnir vécut un cauchemar éveillé. Le climat
politique avec les royaumes voisins étaient tendu, notamment avec les
Tiamat et bon nombre d’incidents se produisirent. Mais le cauchemar ne
commença réellement que le jour de la mort du roi Wilmgard, au sein de
son propre château. Aussitôt le monarque décédé, les ténèbres
envahirent Aventheim et les douze ordres furent littéralement
massacrés. Quasiment tous les chevaliers périrent, des plus jeunes aux
plus expérimentés, les quelques survivants n’ayant quasiment plus
d’espoir et attendant seulement l’heure de leur mort. Comme si cela ne
suffisait pas, une nuit, LA nuit, un autre évènement survint à
Aventheim. Une femme vêtue d’une armure étincelante vola le « Creuset
des Ames » dans laquelle était enfermée l’âme du roi. La jeune femme
parcourut Gleivnir jusqu’à se rendre dans une église abandonnée où elle
put libérer l’âme devenue un feu follet. Cependant, il ne se rappelait
pas qui il avait été jadis. Bien que n’ayant aucun souvenir, il se mit
à parcourir Gleivnir pour retourner à Aventheim, comme s’il y était
poussé par une force extérieure, tout en étant épaulé par la
mystérieuse guerrière qui répondait au nom de Maria. Plus le feu follet
avançait vers le château, plus le cardinal Capehorn qui avait ourdi le
complot et ses alliés étaient en proie au doute et se sentaient
condamnés. Même le régent du Royaume Souterrain, Zolgonark, maintenant
installé à Aventheim, se mit à trembler face à l’avancée du feu follet,
car il était aussi le Médiateur. Le destin des trois mondes bascula…
Players in the dream
La
force de KITN est aussi son principal défaut, à savoir son concept
original et innovant qui dépoussière en grande partie le Tactical-RPG.
En réalité, le gameplay est une aberration réussie, mélange entre le
T-RPG, le puzzle-game et le manic shooter façon Ikaruga ou
Mushihime-sama. Bien qu’au final assez simple, il se révèle
particulièrement complexe et déroutant au départ, d’où la présence d’un
tutoriel assez long. Malheureusement, celui-ci se noie parfois dans un
déluge d’informations textuelles et les exemples in-game présentés ne
sont pas forcément parlant. Aussi est-il recommandé pour bien
appréhender le système d’accomplir les premiers niveaux du mode facile
pour se lancer ensuite dans le mode normal. Il est quasiment impossible
de pouvoir expliquer en détail tout le gameplay et ses subtilités sans
se perdre dans d’obscures explications, aussi seuls les fondamentaux,
déjà conséquents, sont donnés ci-après. Dans tous les cas, si l’on peut
se plaindre que bon nombre de RPGs n’utilisent pas ou partiellement le
stylet, KITN, à l’image de The World Ends With You, en fait son crédo
majeur.
Pour commencer, KITN est découpé en scènes (quarante
sept au total plus une cachée), chaque scène comprenant différentes
phases de dialogue et le niveau (champ de bataille) à proprement parler
; les sauvegardes s’effectuant à chaque fin de scène (il n’y a en
revanche qu’une seule sauvegarde). Les niveaux sont segmentés en tours
définis par une phase de réflexion durant laquelle on pense sa
stratégie et une phase en temps réel dans laquelle on interagit
véritablement. Chaque tour dure un certain temps (timing). Une fois le
timing écoulé, on passe au tour suivant. Par contre, le nombre de tours
par niveau est limité. Si les objectifs ne sont pas accomplis durant le
nombre imparti, c’est le game over. Il existe deux types de niveau :
celui dans lequel on affronte un boss, l’objectif consistant alors
simplement à terrasser ce dernier, et les niveaux dits « classiques »
qui, paradoxalement, sont bien plus originaux. Au cours de ceux-ci est
affichée en bas de l’écran une matrice de n lignes et n colonnes. A
chaque élément de la matrice est associé un monstre lui-même associé à
une couleur représentant son élément (glace, feu, ténèbres, etc.). Quand un
monstre meurt, l’inscription « KILL » apparait dans la case de la
matrice correspondante. L’objectif, pour passer le niveau et atteindre
la scène suivante, est d’aligner un nombre donné de KILL sur une ligne, une colonne ou
une diagonale. Les ennemis n’apparaissent pas tous simultanément durant
le combat. Une fois un tour terminé, une roulette apparait à l’écran et
l’on choisit alors qui seront les prochains ennemis à affronter,
sachant que l’on voit durant cette phase à quelles cases ils
appartiennent. Enfin, il est possible durant les tours de switcher
entre deux phases dites de « Loi » et de « Chaos » détaillées ci-après.
A l’image de Lenneth ou Silmeria des Valkyrie Profile, le feu
follet que l’on dirige a la possibilité de ramener les âmes des
chevaliers morts au combat (plus d’une centaine tout au long de
l’aventure). Les chevaliers sont regroupés en sept
classes différentes : guerrier, archer, sorcier, etc. Maria, elle, est la
seule à appartenir à une classe spécifique : la Valkyrie. La raison
pour laquelle KITN se rapproche plus d’un puzzle-game et non d’un T-RPG
est la suivante : contrairement aux ennemis, les chevaliers ne peuvent
pas se déplacer sur la zone de combat divisée en plusieurs cases et
pour laquelle la vue adoptée est en 2D isométrique. Ainsi, ils occupent
une case spécifique et ne peuvent en bouger. Seuls le cavalier, le
duelliste et la Valkyrie ont la possibilité de se déplacer, mais
uniquement en mode Chaos. Seconde contrainte, les chevaliers ne peuvent
attaquer que dans des directions spécifiques : le guerrier ne peut
combattre que suivant les orientations haut/droite et haut/gauche,
l’archer suivant les orientations bas/droite et bas/gauche… Toutefois,
les aires d’attaques des chevaliers couvrent plusieurs cases de la zone
de combat. De plus, elles diffèrent selon que l’on est en mode Loi ou
Chaos. Devront donc être choisis les chevaliers les plus adaptés à la
situation présente.
Autre originalité : le feu follet, comme les
chevaliers, ne peuvent pas être tués par les ennemis (exception faîte
pour la Valkyrie mais suivant des conditions très spécifiques). Si les
chevaliers attaquent comme dans un T-RPG classique (voir plus loin),
les ennemis eux balancent des boulettes de couleurs et de formes
différentes surchargeant généralement l’écran, d’où l’aspect manic
shooter. Il faudra les esquiver à tout prix car c’est là que réside la
principale difficulté du jeu. Certes, elles ne tuent pas mais ont des
conséquences plus perverses : celui de faire diminuer les points d’EXP
gagnés après avoir vaincu un ennemi mais, surtout, celui de diminuer
drastiquement le timing restant avant la fin du tour. Ainsi, l’écran de
game over n’apparait pas parce que l’on meurt mais parce que l’on n’a
pas eu le temps d’accomplir l’objectif requis du niveau durant le
nombre de tours impartis. Au final, les phases de combat sont très
dynamiques en faisant dans l’action frénétique et non-stop. Le feu
follet peut toujours se rendre invisible de courts instants (mais sans
la possibilité de se déplacer), tout comme empêcher ses adversaires
d’effectuer des attaques spéciales, voire les faire changer d’éléments
s’ils sont étourdis après avoir reçu d’importants dégâts. Malgré tout,
les chevaliers peuvent quand même disparaître à tout jamais car ils
possèdent des points de vitalité (VIT) diminuant à chaque fois qu’ils
exécutent une attaque, la quantité de points perdue dépendant du type
d’attaque.
Par définition, un chevalier est incapable d’attaquer
seul. Le feu follet doit se placer sur le chevalier pour « l’activer
». Dès lors, plus on laisse le stylet appuyé, plus le coût porté une
fois celui-ci relâché sera puissant et la zone de dégâts importante
et/ou éloignée. Autant le dire, l’attaque de base est complètement
inutile. En fait, lorsque l’ennemi est touché, il laisse échapper des
pierres précieuses permettant de remplir une barre de magie dans le but
d’utiliser des armes répertoriées comme objets à raison d’un point de
magie par attaque. Il existe toutes sortes d’armes pour les différentes
classes de chevalier et toutes sont affiliées à un élément. Par
exemple, une épée de feu sera quasiment fatale à un ennemi de type «
glace » mais inefficace contre un de type « feu ». Pour utiliser une
arme, il suffit que le feu follet aille la chercher dans un inventaire
situé à droite de l’écran et équipe le chevalier en se plaçant
simplement dessus, à condition que celui-ci ait le niveau d’expérience
requis pour la porter. Le principe de ces attaques (Skill Attacks)
reste après identique à celui de l’attaque de base. Certaines classes
ont des compétences singulières, comme le sorcier. En mode Chaos,
celui-ci lance un sort sur une vaste zone du champ de bataille alors
qu’en mode Loi, il peut poser un piège magique sur une case du terrain
infligeant des dégâts à l’ennemi s’il va dessus. Certaines armes
possèdent aussi des attaques spéciales (Effects) se lançant quand un
nombre de coups et combos (hits) est atteint. Bien évidemment, il y a
des contraintes. Certaines armes ne peuvent s’utiliser qu’en mode Loi
ou Chaos. Ensuite, elles s’usent : à chaque tour qui passe, elles
perdent un point de durabilité (elles n’en perdent pas en revanche
selon le nombre d’utilisations). Seuls quatre objets peuvent être mis
dans l’inventaire durant un tour. Ils peuvent ensuite être interchangés
avec d’autres objets de l’inventaire général durant la phase de
réflexion du tour suivant.
En plus des armes, il existe un
autre type d’objet très important appelé « Objet Clé ». En effet le feu follet
rencontre à chaque niveau des âmes égarées de chevaliers qui l’aident
à éliminer les différentes créatures maléfiques rencontrées. Seulement, ces âmes ne se
joignent pas à lui automatiquement une fois le niveau terminé et ne
sont plus disponibles au niveau suivant. Pour recruter une âme, il faut
lui présenter un objet clé qui lui rappellera qui elle est. Les objets
clés sont disséminés dans les différents éléments de décors (obstacles)
des niveaux : dans des coffres, dans des buissons, des candélabres… Pour
récupérer le précieux sésame, l’obstacle doit être attaqué. Problème :
l’objet clé ne se récupère que suivant un certain pourcentage de dégâts
infligés. Par exemple, les coffres ne doivent pas être détruits à cent
pour cent, à l’inverse des catapultes, mais à entre quatre-vingt et
quatre-vingt-dix pour cent pour ainsi les ouvrir. Des objets clefs
seront à donner aux âmes de villageois en échange d’armes meurtrières
ou d’autres objets clés. En conclusion, il va falloir se creuser
sévèrement les méninges pour à la fois accomplir les objectifs du
niveau, essayer de gagner un maximum de points d’EXP et récupérer tous
les objets clés dans le nombre de tours impartis. #row_end
Ce n’est
qu’une fois mort que l’on récupère points d’expériences, armes (plus
rarement) mais aussi des orbes et des matériaux, ce qui permet de
passer à un dernier aspect du gameplay. Entre chaque scène, un menu
permet d’attribuer les points d’expérience gagnés à chacun de ces
chevaliers pour les faire monter en level d’EXP. Ils gagnent ainsi en
VIT, LI et CI (respectivement points d’attaque en mode Loi et Chaos),
et enfin en points de loyauté (LOY) Une autre option permet de faire
fusionner l’âme de deux chevaliers en en sacrifiant une pour rendre
l’autre beaucoup plus puissante. La réussite tient à plusieurs aspects
comme la race ou la loyauté. Suivant que la fusion soit plus ou moins
réussies, les caractéristiques de l’âme réceptrice seront boostées
(l’âme peut même gagner plusieurs lvl d’EXP) ou amoindries, cela étant
renseigné avant d’exécuter le transfert. Une âme peut aussi être exilée
(mais elle sera perdue à jamais) afin de récupérer une nouvelle arme.
Enfin le même menu d’entre scènes permettra de customiser ses armes
soit en augmentant leur puissance via un nombre requis d’orbes et de
matériaux, soit en en fusionnant deux du même type et de même puissance
afin d’en obtenir une mais de meilleure durabilité. Enfin, si l’on est
en manque de matériaux et d’orbes, il reste la solution de détruire une
arme pour en récupérer ses composants.
Nights of sorrow
Le
concept sortant de l’ordinaire est accompagné d’une réalisation
technique globale tenant plutôt bien la route. KITN jouit d’une belle
2D et les différents environnements du jeu sont assez soignés, faisant
que le soft est un cran au-dessus d’une majeure partie des T-RPGs que
l’on peut voir sur DS. Aspect inhérent au genre, les animations des
personnages ne sont pas nombreuses mais cette sobriété n’en demeure
pas moins efficace. Le seul vrai regret qui peut être émis concerne les
designs in-game des chevaliers : tous ceux d’une même classe sont
représentés par un sprite identique avec quelques variations au niveau
des coloris (liées à l’élément auquel il appartient). Leurs designs
génériques tranchent ainsi avec leurs artworks personnalisés que l’on
peut admirer à côté des fenêtres de dialogue. Les artworks des ennemis
pouvant eux être vus dès que l’on pointe le stylet sur eux. Tous les
character designers et illustrateurs qui avaient travaillés sur Riviera
et/ou Yggdra Union sont présents dans ce quatrième épisode. Néanmoins,
le style kawaï des autres épisodes a désormais laissé place à un style
bien plus travaillé, mature et adulte, à l’image générale du jeu, même
si in-game chevaliers et ennemis restent mignons. Cela se ressent au
niveau des graphismes. L’ensemble est relativement sombre du fait déjà
que toute l’aventure se déroule de nuit. Les décors que traverse le feu
follet témoignent du chaos régnant dans Gleivnir et des atrocités
survenues en étant délabrés et crades. Tous sont baignés dans de la
brume avec un éclairage blafard. Seules les boulettes flashy balancées
par les monstres apportent un peu de gaîté à l’ensemble.
L’ambiance
du jeu et le visuel sont à l’image du scénario : noir. La trame fait
penser à Valkyrie Profile (le premier), à cause de la Valkyrie (Maria)
et du feu follet ayant la capacité de ramener un court instant les âmes
de ceux qui ont périt, ainsi qu’à Vagrant Story. On saluera d’ailleurs
une traduction fort bien réalisée. L’intrigue est assez complexe et
riche en rebondissements. Au complot, constituant la première moitié de
l’aventure, succède une histoire de vengeance liée au passé de Gleivnir
(sa prise d’Aventheim, l’exil des Tiamats) et à une mystérieuse tour
que le royaume aurait construit pour défier ou égaler Asgard. Le récit,
pour chaque scène, mélange allègrement passé, présent et futur. Le
passé est ressassé au travers de nombreux flashbacks mais introduits
dans le désordre. En conséquence, il arrive qu’on se perde parfois dans
la chronologie et dans l’intrigue du fait que tout le jeu se déroule
intégralement de nuit. Les évènements se produisant dans le présent
donnent l’impression de se dérouler sur une seule et même nuit alors
qu’ils s’étalent au contraire sur plusieurs. Certains aboutissants sont
divulgués assez tôt mais leurs tenants ne seront compris que plus
tardivement, tout comme leurs conséquences. C’est le cas d’un
loup-garou, Jamie, que le feu follet tue dans la scène quatre et dont
la mort aura de nombreuses répercutions une fois sa véritable identité
connue. Toujours dans le but de proposer un scénario dense, chaque lieu
que traversera le feu follet possède aussi sa propre histoire avec ses
bonheurs ou drames.
Meurtres, manipulations, trahisons, vengeances, rancœurs, amertumes, amours
brisées ou impossibles… rien n’est
épargné. Par accomplir sa destinée et mettre un terme au cauchemar, le
feu follet sera parfois amené à tuer des personnages qui, au fond,
n’avaient rien de mauvais et étaient plus des victimes du Sort, comme
une fillette du nom de Vienna. Les manipulateurs sont généralement les
manipulés, le cardinal Capehorn surtout. Il est amusant de la voir
passer du statut de grand ordonnateur à celui de pantin, ce changement
ayant un impact sur sa psychologie. Pendant de très nombreuses années,
Capehorn élabora son plan dans les moindres détails en s’entourant de
nombreux puissants alliés. Là encore, les véritables motivations du
cardinal ne seront pas forcément celles que l’on croit. Pourtant, soit
parce qu’il était aveuglé par ses propres ambitions ou qu’il se sentait
supérieur et croyait en la perfection de son plan, le cardinal n’a
jamais pensé que, peut être, ses alliés pourraient l’utiliser pour
parvenir à des fins qui dépasseraient son entendement. Les voir comme
de simples pions l’a empêché de déceler certaines évidences par
rapport à leurs passés ou à leurs manières d’agir. Capehorn va voir son
plan voler en éclat dès lors que le défunt roi va marcher vers
Aventheim. Le retour du roi était un imprévu, sa nature de Médiateur un
autre. A partir de là, le cardinal va douter du bien-fondé de ses actes
et exprimer des regrets, non pas par rapport au complot, mais parce
qu’il se rend compte des erreurs commises soit par négligence soit à
cause d’une vision étriquée. Au fond, il commence à comprendre qu’il
n’est pas à l’abri du principe d’action-réaction. Il le comprendra
surtout lorsque Zolgonark lui fera d’ailleurs payer un lourd tribut
pour ne pas réussir à mettre en déroute le feu follet, lui rappelant au
passage qui commande réellement. Son égotisme (ou son idiotie) l’aura
poussé à croire que lui, simple mortel, pouvait commander au Seigneur
des Ténèbres s’il lui proposait une alliance de son propre chef.
Les
différents flashbacks mettront en scène les différents chevaliers que
le défunt roi recrutera. La plupart des flashbacks sont touchants,
tristes ou mélancoliques. Dans chacun d’eux, les chevaliers sont perdus
et acculés à chaque minute qui passe en étant les proies du cardinal et
de Zolgonark. Les sentiments sont exacerbés, les liens plus forts que
jamais, qualités et défauts apparaissent au grand jour. Les plus jeunes
sachant leurs fins proches tentent d’être calmés ou consolés par les
plus âgés et expérimentés, bien plus dignes. Bien qu’ils se sachent
condamnés, tous se battront jusqu’à leurs derniers souffles et beaucoup
prendront des initiatives décisives. In-game, il est possible d’en
savoir davantage sur le passé des chevaliers. Pour cela, il faut durant
les tours les sélectionner avec le feu follet et mettre le jeu en
pause, permettant ainsi de découvrir entre autres choses des liens
amoureux ou de filiation. La Fatalité occupe ainsi une place importante
dans KITN. Tous la subissent : les chevaliers, les Tiamats,
apparaissant dans la seconde partie de l’aventure et voués à
disparaître, Capehorn et même Zolgonark. Lors de ces toutes premières
apparitions, le seigneur du Royaume Souterrain apparaît comme
invulnérable et le symbole du Mal absolu, tout en étant posé voire
stoïque. Mais dès qu’il commence à ressentir la présence du feu follet
aux limites du château, sa superbe en prend un coup. Il est le premier
à craindre que le défunt roi soit le Médiateur. Si c’est le cas, il
sera tué par celui-ci avec une extrême aisance car ses pouvoirs seront
inefficaces. Plus l’intrigue progresse, plus Zolgonark va se sentir
acculé, paniquant sérieusement en prenant des décisions hâtives et non
réfléchies sans trop savoir où cela va le mener. Mais quoiqu’il arrive,
il sent son heure proche.
L’ambiance sonore tient aussi une part
importante dans l’immersion. Composées par Shigeki Hayashi qui s’était
auparavant occupé de celles de Riviera et de Yggdra Union, les musiques
sont généralement mélancoliques et empreintes de tristesse durant les
phases de dialogue et des plus épiques lors des combats avec quelques
semblants de chœurs. Au passage, elles rappellent un peu le style de
musique synthétisée que l’on entendait dans les RPGs présents sur les
consoles seize ou trente-deux bits. KITN renvoie de toute manière aux
jeux de cette époque si l’on considère dans sa globalité sa réalisation
technique. En revanche, mis à part l’introduction, aucun dialogue
in-game n’est doublé (ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose
quand on connaît la qualité des doublages US).
Intrinsèquement,
il faut à peu près vingt heures pour boucler l’aventure, quinze au
grand minimum. Cette durée de vie ne prend pas en compte le nombre de
gameover qui risquent de survenir. Au départ, deux modes de difficulté
sont sélectionnables. Si la difficulté du mode easy est inexistante,
bien que ce mode permette de se familiariser assez efficacement avec le
gameplay, le mode normal sera déjà plus retors. Deux autres modes, hard
et nightmare pourront être débloqués, destinés aux plus hard core des
gamers. Enfin, il existe plusieurs fins différentes reposant sur des
conditions tordues et l’aventure peut être refaite avec une autre
valkyrie (mode New Game + pour lequel on peut aussi conserver les
chevaliers recrutés lors de la première partie). Conclusion, la durée
de vie est assez conséquente pour ceux et celles qui voudront terminer
l’aventure à cent pour cent en ayant aussi tous les chevaliers.
Comme
il l’a été écrit au début du test, le concept original et innovant de
KITN est aussi son principal défaut, déjà à cause de son côté manic
shooter. L’écran est en effet généralement surchargé de boulettes de
couleurs et de formes différentes faisant que l’action est parfois
illisible et posant donc des soucis de jouabilité. Il arrive dans la
frénésie de l’affrontement que l’on déclenche sans le vouloir certaines
actions et/ou attaques. Mais cela, c’est le genre qui le veut. Cela
dit, il ne s’agit pas non plus d’un pur manic shooter façon Ikaruga.
Les bases sont ici simplement adaptées au T-RPG. Malgré cela, ceux qui
n’aiment pas le genre risquent quand même d’avoir du mal à adhérer à
KITN. Le mélange manic shooter / puzzle game / T-RPG ne parviendra pas
forcément non plus à convaincre les fans de Tactical pur et dur.
Ensuite, les plus impatients reprocheront au titre son tutoriel long et
pompeux durant bien une grosse heure, mais qui hélas, s’avère
indispensable pour bien comprendre et maîtriser le gameplay qui, par la
suite, deviendra intuitif. Quelques menus sont aussi surchargés
d’informations. Pour la customisation des armes, il est nécessaire de
passer par la vue en icône, la vue « en liste » étant complètement
indigeste. On notera aussi quelques redondances côté décor mais cela ne
nuit pas au jeu. Enfin, KITN souffre d’une certaine répétitivité. Le
concept à beau être original, une fois la surprise passée et le
gameplay assimilé, il finit un peu par tourner en rond, la faute à des
objectifs toujours identiques, à des ennemis finalement peu variés si
on occulte les boss, et aussi au faible nombre de classes de chevalier.
Le déroulement de chaque scène est lui aussi très linéaire : dialogue,
résumé d’une situation donnée (introduisant le titre de la scène),
dialogue, combat, flashback et enfin phase inter-scènes.
Néanmoins,
le studio Sting offre avec KITN un T-RPG rafraichissant se détachant du
reste de la production actuelle sur DS, qui a tendance à s’embourber
dans un certain classicisme, impliquant du coup que son concept ne
plaira pas forcément à un large public et aux fans de « vrais » T-RPGs.
Ceux qui se laisseront tenter seront happés par une réalisation
technique de bonne facture, une histoire sombre et complexe, un
character design inspiré, de sublimes musiques et un challenge bien
présent. A condition toutefois de lui excuser une certaine répétitivité
et linéarité.