Panic Button, artisan du portage impossible

Avec la dernière annonce du portage de Torchlight IIPanic Button, studio basé à Austin au Texas comptant moins de cinquante employés, peut largement se targuer d’une réputation de véritable spécialiste de l’adaptation de titres ambitieux sur le petit écran de la Nintendo SwitchRocket LeagueDoom et Doom EternalWolfenstein II : The New Colossus ou encore Wolfenstein : Youngblood, tels sont les défis déjà remportés ou qui le seront dans un avenir proche, avec certes un rendu aux textures moins chatoyantes et une résolution adaptative qui passe fréquemment en dessous des 720p, mais aussi un rendu global fluide et impressionnant, que ce soit en mode téléviseur ou en mode portable. Résultat, rares sont les studios capables de délivrer un rendu de cette qualité via le portage de titres AAA sur une console aux caractéristiques techniques limitées. Pourtant, Panic Button n’a au départ pas été créé à cet effet. Les quatre fondateurs, Craig GalleyMichael TraubRussell Byrd et Aaron Smischney, anciens membres de feu le studio Acclaim Entertainment (TurokNBA Jam), puis d’Inevitable Entertainment (Tribes : Aerial Assault), racheté par Midway Games, mais qui a également fermé ses portes en 2008, ont créé Panic Button en 2007 sans avoir de ligne de conduite claire, hormis celle d’éviter les erreurs passées de ces studios aujourd’hui disparus.

 

 

 

Le site Engadget a pu rencontrer Michael Traub de Panic Button lors de l’E3, qui est revenu sur l’évolution de l’équipe, ainsi que sur ses méthodes de développement. Ce qui suit est une traduction et réécriture de l’article par nos soins du site anglophone.

Au tout début de sa création, explique Michael Traub, le studio était essentiellement composé de spécialistes techniques et comptait peu de talents artistiques pour la conception de jeux. Il était lui-même un programmeur depuis son entrée dans l’industrie via la division Tools & Technologies d’Acclaim. L’un de ses premiers projets était un moteur de jeu sur Nintendo 64 capable de gérer des titres aux graphismes en 640 x 480. Autre exemple, Craig Galley, était lui le supérieur de Michael Traub au sein d’Inevitable, mais aussi un ingénieur logiciel. Au moment de la naissance de Panic Button, la Nintendo Wii dominait outrageusement le marché. Les familles qui avaient acheté la console pour son jeu faisant partie du bundle, Wii Sports, étaient en attente d’expériences similaires, une demande à laquelle Nintendo a, selon Michael Traub, eu des difficultés à répondre rapidement. Le studio a donc sauté sur l’occasion en 2008, en sortant deux titres composés de mini-jeux, Go Play Lumberjacks et We Wish You a Merry Christmas. À défaut d’originalité, ces deux itérations, des coups d’essai, ont surtout prouvé que l’équipe était en mesure de maîtriser les périphériques de la console de Nintendo.

 

 

 

L’année suivante, Microsoft a lancé Kinect, son système de détection de mouvements pour la Xbox 360. L’expérience de Panic Button quant au motion control a permis à l’équipe de réaliser deux jeux : Hulk Hogan’s Main Event et Kinect Star Wars. C’est là que la société a connu une période charnière, avec les propositions de développement des portages d’Injustice : Gods Among Us sur PlayStation Vita, puis d’Octodad : Dadliest Catch sur Wii U, mais aussi son soutien auprès de Psyonix pour les adaptations de Rocket League sur Xbox One et sur PlayStation 4. Ces projets, explique toujours Michael Traub, ont exposé la société à différents moteurs de jeu et kits de développement. Arrive ensuite la Switch. Panic Button a obtenu, très tôt pour un développeur de cette taille, les outils de développement et a réalisé rapidement le potentiel de la machine, malgré l’échec de la Wii U. Certains gros studios, à la philosophie plus ancrée dans les performances technologiques de pointe, ne souhaitaient pas consacrer de ressources à un port interne de leurs gros titres. C’est ce qui a éveillé une opportunité commerciale pour le studio texan. Une fois encore, il s’est présenté en soutien à Psyonix pour le portage Switch de Rocket League. Michael Traub a également persuadé Bethesda de lui confier l’adaptation de Doom, un défi autrement plus grand sur une licence forte, nécessitant des efforts importants pour atteindre l’objectif de contribuer de manière autonome à la franchise.

 

 

Pour ses portages, Panic Button procède en huit étapes, explique Michael Traub. La première, appelée « phase de pré-évaluation », débute en vérifiant si, au sein de l’équipe, quelqu’un est familier du jeu à adapter, afin d’obtenir le plus d’informations possibles et d’en saisir les éventuelles subtilités. Ensuite, la société passe à l’évaluation en tant que telle, en obtenant le code source du jeu de la part du développeur, de l’éditeur ou du détenteur des droits d’origine. Les ingénieurs expérimentés analysent ensuite ce code, afin de percevoir une idée générale du titre et de déterminer si un portage est réellement réalisable. Il s’agit de connaître les points chauds, gourmands en ressources, et de définir la technologie utilisée pour développer le jeu original. Dès la fin de cette phase, l’équipe présente ses conclusions et suggère des objectifs de performance. Panic Button tranche ensuite, décidant si le projet vaut la peine de se poursuivre. D’autre facteurs sont à prendre en compte lors de cette décision, précise Michael Traub, notamment dans les compromis acceptés, que ce soit du côté du partenaire et du côté de Panic Button. Si cela n’aboutit pas à une situation de gagant-gagnant, le portage peut être abandonné.

En cas de validation du projet, la société poursuit son travail en passant par une étape plus approfondie de « diligence technique », une phase durant environ trois mois. L’équipe essaye ici de compiler le code du jeu sur la plateforme de destination, en dépouillant tous les éléments imaginables, dont les outils graphiques, audio et de gestion réseaux. Il s’agit d’un exercice comportant des milliers d’erreurs de compilation, d’éditeurs de liens et d’écrans noirs, engendrant un nouveau rapport. Il peut arriver, raconte Michael Traub, que la précédente évaluation moins complète n’ait pas abordé certains pans de développement identifiés dans cette dernière phase. Le studio doit alors argumenter le fait que ces trouvailles seraient susceptibles d’affecter le calendrier prévisionnel et engendrer des besoins de compromis supplémentaires pour le portage. Dans ce cas, les deux parties se mettent à nouveau d’accord, au risque de laisser tomber le projet, une éventualité encore jamais expérimentée pas le studio à ce jour, mais une phase nécessaire, ne serait-ce que pour construire une véritable relation de confiance.

 

 

Là, le studio entre dans la phase suivante, la « première lumière », soit le tout premier aperçu, qui ne peut se résumer qu’à quelques pixels l’idée, le but étant de donner un réel signe de vie au projet, quitte à ne montrer qu’un écran noir passant subitement au violet, comme l’explique Michael Traub. Cette phase laisse ensuite place à la première version jouable, l’équipe commençant à reconnecter les contrôles et suffisamment de sous-systèmes utiles à parcourir l’environnement du jeu, avec bien sûr des absences encore nombreuses, comme l’utilisation des armes et des sessions d’action, mais il s’agit surtout de montrer une première expérience interactive. À ce stade, l’équipe connaît désormais très bien le jeu et son déroulement. Elle a donc la possibilité de percevoir toutes les astuces permettant de contourner certaines restrictions techniques souvent imperceptibles pour le joueur. C’est aussi le moment de faire appel à des testeurs qualité, permettant de s’assurer que tout ce qui a été développé jusque-là fonctionne correctement.

C’est suite à cela que le studio met en œuvre et perfectionne chaque élément et système nécessaires à la finalisation et à la publication du portage. Michael Traub précise que la difficulté de chaque ajout et l’ordre dans lequel tous les éléments sont traités varient en fonction du projet. Pour Rocket League, jeu principalement en ligne, tous les ajouts doivent être intégrés avant sa disponibilité. Pour Doom, qui possède une campagne solo et un mode multijoueur plus secondaire, les ajouts pour cette seconde fonctionnalité peuvent être traités ultérieurement. Ce délai supplémentaire que le studio s’accorde permet également d’améliorer les éléments visuels, l’ajout de shaders, d’effets de lumière ou de systèmes de particules complexes, mais aussi les effets sonores ou les temps et fréquences de chargement. Certains titres nécessitent un seul chargement à leur lancement, d’autre peuvent poser des problèmes de bande passante, nécessitant des niveaux de compression pour accélérer ces temps de charge, ou de traiter différemment les arrières-plans. Panic Button recherche ainsi à ce que ces chargements se fassent lors de séquences aux incidences minimes, comme une porte d’ascenseur bloquée, un sas, une petite cinématique, évitant leur visibilité trop marquée.

 

 

Une fois le portage terminé, Panic Button effectue une pré-soumission, puis une soumission à Nintendo. Le jeu validé et sorti, le studio passe en mode assistance, réagit aux commentaires des joueurs et publie les optimisations qui n’étaient pas prêtes pour la sortie du jeu. Doom, publié le 10 novembre 2018 et Roket League, disponible quatre jours plus tard, ont tous deux bénéficié des louanges de beaucoup de critiques quant à la qualité des portages, bien que l’écart graphique avec les autres plateformes soit net. L’expérience de Doom a donné de nombreux coups de pouce pour le portage de Wolfenstein II : The New Colossus, un autre FPS de Bethesda. Mais le jeu a également présenté de nouveaux défis, nécessitant de faire appel à des astuces plus poussées. Michael Traub raconte que, par exemple, certains éléments problématiques dans un niveau ont dû être cachés en rajoutant un bâtiment, évitant un travail herculéen sur la fluidité. Encore une fois, le portage a été salué, faisant exploser la réputation de Panic Button, engendrant demandes de renseignement et propositions multiples de studios et de détenteurs de droits. Le studio en devient du coup plus sélectif sur les projets les plus intéressants et stimulants pour l’équipe.

Panic Button a depuis porté Warframe, jeu de tir en ligne gratuit, et Hob, un jeu d’aventure haut en couleurs de Runic Games, sur Switch. Ils ont également adapté Subnautica sur consoles et aidé Electric à développer To The Top, un jeu de plateforme à la première personne, sur PlayStation VR. La société reste très occupée, mais les fans demeurent enthousiasmés par deux projets en particulier : Wolfenstein : Youngblood et Doom Eternal sur Switch. Ces deux jeux sont encore en production et sont considérés par le studio comme des projets de codéveloppement, plutôt que comme des portages habituels. Le processus en huit étapes reste le même, précise Machael Traub, mais travailler dans un modèle de codéveloppement offre cependant des avantages et des inconvénients inédits. Il est plus facile d’obtenir les informations sur le jeu original auprès de la personne qui a travaillé dessus, mais le codéveloppement signifie également que la production du jeu en question est toujours en cours sur les autres plateformes, avec des changements radicaux potentiels ayant une incidence directe sur le travail de Panic Button.

En tout cas, ce nouvel épisode Wolfenstein et Doom Eternal à venir, largement considérés comme visuellement et techniquement bien au-dessus des capacités de la Switch, démontrent que Panic Button place déjà la barre très haut. Reste à savoir jusqu’où cette barre peut être placée, avant que Nintendo ne vienne en aide au studio en sortant une nouvelle console plus performante.

 

  • Nintendo-Difference

    par Chozo

    le 14 juin 2019 à 12:37

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