Rétrospective de la Wii, partie 1

2006-2012. La Wii, après six ans de bons et loyaux services,
s’apprête à passer la main à sa petite sœur la Wii U, en lui léguant au
passage un héritage chargé. Console longtemps restée mystérieuse,
décriée avant même sa sortie, ses innovations lui ont permis de
conquérir la planète entière à vitesse grand W. Retour sur ces années
fastes pour Nintendo, et qui ont changé la face du jeu vidéo pour de
bon.

La Revolution, cette console qui ne dit pas son nom

Je
voudrais vous dire que Nintendo travaille sur une nouvelle console, et
que cette console sera une révolution du jeu vidéo
“. Ces paroles sont
prononcées par Satoru Iwata un beau jour de mai 2004, lors de la
traditionnelle conférence pré-E3 de Nintendo, sans aucun doute l’une des
plus réussies de l’histoire de la firme. Présentation du premier
prototype de la DS, d’exclusivités pour la GameCube comme Metroid Prime
2, Resident Evil 4
, sans oublier le nouveau Zelda au look “réaliste” que
l’on connaîtra plus tard sous le nom de Twilight Princess… et donc
l’annonce de la nouvelle console de salon, déjà surnommée officieusement
la “Revolution”. De cette console on ne sait strictement rien à l’issue
de l’E3, pas une image, pas une info. Tout juste peut-on attester à
l’époque de l’enthousiasme débordant de Satoru Iwata. L’homme décrit
déjà une console à la prise en main révolutionnaire, et explique que la
puissance de la console importe peu. La Gamecube n’étant pas encore
morte, ce “teasing” n’arrive-t-il pas un peu trop tôt ?

Cette
“révolution” du jeu vidéo va en tout cas affoler la presse, y compris
nous, pendant un an. Quelle peut bien être cette technologie
révolutionnaire ? Quelle folle invention de Nintendo peut prétendre à
remplacer les traditionnels boutons et sticks de nos manettes ? Chacun y
va de son hypothèse, croquis à l’appui : écrans tactiles, manette
gyroscopique, retour du gant à reconnaissance de mouvement… certaines
rumeurs arrivant même à faire le tour du web. C’est le cas notamment du
Nintendo ON, une farce savamment orchestrée par un espagnol répondant au
nom de Pablo Belmonte. Peu avant l’E3 2005, une vidéo de plus de six
minutes
circule sur internet, faisant croire que la Revolution est un
casque de jeu virtuel, façon Virtual Boy, et que de nombreuses licences
de Nintendo (Mario, Zelda, F-Zero) sont d’ores et déjà en préparation
sur le support. La qualité de la vidéo et les rendus 3D, d’un certain
niveau technique, font effectivement croire que la vidéo sort tout droit
d’un étage des services les plus secrets de Nintendo. Mais faute de
réaction de l’entreprise, qui refuse toujours de commenter ce type de
rumeurs, la vidéo sera vite cataloguée comme un hoax. En attendant, à la
veille de l’E3 2005, on ne sait toujours rien de la Revolution.

2005, Le temps des réponses

Il
faut attendre un an pour qu’enfin Nintendo se décide à lâcher du lest.
Et encore. Lors de sa conférence pré-E3 de 2005, après avoir présenté la
Game Boy Micro et les premiers chiffres de vente de la DS, Satoru Iwata
sort enfin la Revolution de sa veste et la tient à bout de bras, tout
comme Reggie Fils-Aimé avait sorti de sa poche la DS un an plus tôt. La
Revolution, c’est donc ce rectangle noir assez classe qui peut se poser
sur un socle, avec un joli halo bleuté au niveau du mange-disque, et
dont plusieurs coloris sont d’ores et déjà annoncés. “La plus petite
console que nous ayons jamais produite
“, souligne Iwata. Elle est
rétrocompatible avec les jeux Gamecube, et ô surprise, également avec
les jeux d’anciennes consoles Nintendo qui pourront être téléchargés via
un service spécial. D’où le Wifi et les 512 mégaoctets de mémoire
interne. Un chiffre qui peut faire sourire aujourd’hui, même si la bête
comporte aussi un lecteur de carte SD qui finira par prendre le relais.
Quant aux jeux, tout juste sait-on qu’un Mario, un Zelda, un Metroid et
un Smash Bros. sont en préparation. That’s all folks, comme on dit. Rien
sur le contrôleur, rien sur les graphismes, tout juste a-t-on droit au
fameux “you will say wow” lancé par Reggie Fils-Aimé. Mais cette fois-ci
l’attente ne durera que quelques mois.

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L’une des premières images de la console

C’est en effet en marge
du Tokyo Game Show, en septembre 2005, que Nintendo se décide enfin à
lever le voile sur son contrôleur magique. En deux temps : d’abord, la
firme invite quelques journalistes triés sur le volet à essayer ce
fameux contrôleur en présence de Shigeru Miyamoto en personne. La vraie
nature de la Révolution annoncée par Nintendo apparaît enfin : une
télécommande à reconnaissance de mouvement. Certains journalistes sont
surpris, d’autres moins. Gamekult parle par exemple à l’époque d’une
“amère déception” comparée à tout le buzz qu’avait savamment orchestré
Nintendo. Mais après quelques démos, la mayonnaise prend, et la
précision du contrôleur en séduit plus d’un. Course, jeu de pêche, ou
même FPS si la manette est accolée à ce qui sera connu plus tard sous le
nom de nunchuk, les démos de la Revolution présentées par Miyamoto
laissent entrevoir de nombreuses possibilités dans les jeux vidéo. Une
fois le TGS lancé, images et trailers finiront de convaincre l’ensemble
des joueurs, et ce malgré l’absence totale de jeux présentés pour la
console. La révolution dont parlait Iwata en 2004 est peut-être enfin
lancée…

“Plusieurs consoles puissantes ne peuvent pas coexister”

La
case “contrôleur” étant enfin cochée, il ne manque plus qu’une pièce du
puzzle : la puissance de la machine. Deux fois plus puissante que la
Gamecube, dix fois plus puissante, les rumeurs vont alors bon train et
l’on rêve volontiers de graphismes alléchants comme ceux de la Xbox 360,
qui est la première console “nouvelle génération” à débarquer fin 2005.
Justement, le 7 avril 2006, les premières “vraies” images d’un jeu
Revolution sont montrées via des scans du magazine Game Informer : il
s’agit de Red Steel, un FPS mêlant flingues et sabres japonais développé
par Ubisoft. Le jeu est en gestation dans les réputés studios d’Ubisoft
Paris et c’est Nintendo en personne qui a “demandé” à l’éditeur de
s’atteler à un FPS, genre que le constructeur estime ne pas maîtriser.
Les scans, eux, montrent un jeu plutôt fin, aux multiples détails et aux
textures assez élaborées. Bref, tous les espoirs sont permis et Ubisoft
réussit son coup. L’exclusivité Red Steel devient en peu de temps le
jeu le plus attendu de la console. Peu après, le 27 avril 2006, une
autre information pourtant capitale tombe soudainement, sans prévenir,
comme une crotte de pigeon sur une planche : la Revolution, une
appellation dont tout le monde avait fini par s’habituer, s’appellera
finalement la Wii. “Wii sonne comme “we”, afin de souligner le fait que
cette console est destinée à tous. Wii est un nom facile à retenir pour
tout un chacun à travers le monde, qu’importe la langue parlée. Pas de
confusion. Pas d’abréviations. Juste “Wii
“, se justifie alors Nintendo.
Petit détail : Wii en Anglais sonne également comme wee, qui veut dire
vulgairement “pisse”. Si les premières blagues fusent sur la toile,
photomontages à l’appui, le nom va vite finir par s’imposer grâce à sa
simplicité.

Les premières images de Red Steel… et de la Wii

Quant aux graphismes, la réponse sera donnée un peu
maladroitement et sans le vouloir par Activision, qui publie le 8 mai
2006, un jour avant la conférence pré-E3 de Nintendo, une salve d’images
de son Tony Hawk Downhill Jam
. “Aliasing à renvoyer chez leurs parents
les pires bouses PS2, textures dignes d’une N64 fatiguée…

écrivions-nous à l’époque pour décrire les images du jeu, pourtant tout à
fait officielles. Le doute est alors encore permis, mais plus pour
longtemps. Les jeux présentés à l’E3 par Nintendo attesteront
malheureusement de la puissance réelle de la bête. Bien que de qualité
et au design travaillé (Mario Galaxy, Zelda Twilight Princess, Metroid
Prime 3
ou même Wii Sports seront montrés lors de la conférence pré-E3
de Nintendo), les jeux de la Wii affichent des graphismes similaires à
ceux de la GameCube. Ce qui est confirmé par les spécifications de la
console, dévoilées dès le mois de mars de manière très officieuse par le
site IGN
: les différents processeurs de la console sont plus ou moins
ceux de la GameCube légèrement overclockés, avec deux fois plus de RAM.
Deux fois plus puissante qu’une Gamecube, donc, mais sans gérer de
nouveaux effets graphiques, toujours selon IGN. Même avec ce surplus de
puissance, la console est clairement à la ramasse face à sa concurrente
directe de l’époque, la Xbox 360, sortie fin 2005. Cette dernière
comporte 512 mégaoctets de RAM contre 88 pour la Wii, ses trois
processeurs tournant à 3,2 Ghz contre 729Mhz pour le processeur
“Broadway” de la console de Nintendo, fabriqué par IBM. Surtout,
Nintendo va commettre une erreur encore plus grave, à une époque où les
télévisions HD commencent à pulluler dans les salons, effet Coupe du
Monde 2006 oblige : la Wii ne gèrera pas la haute définition. Tout juste
pourra-t-elle être branchée sur un écran HD via un câble adapté, mais
sans les graphismes nets et détaillés que la haute définition garantit.
Un handicap que la Wii va traîner tout le long de son existence, alors
que ses concurrentes embrassent la norme Full HD et font le choix
inverse, celui de prendre le train en marche sans trop savoir si les
consommateurs embarqueront. L’histoire leur donnera raison sur ce point.


Super Mario Galaxy

Tel
Christophe Lemaître refusant de s’aligner sur le 100 mètres aux J.O.,
Nintendo
a délibérément choisi de ne pas faire la course à la
technologie, sachant le combat perdu d’avance face à la concurrence. Les
mastodontes financiers que sont Sony et Microsoft peuvent aligner les
millions sans sourciller, une aisance que Nintendo, entreprise qui ne
se diversifie pas au-delà du jeu vidéo, n’a certainement pas à l’époque.
Dans une interview à BusinessWeek peu avant la sortie de la console,
Shigeru Miyamoto déclare ainsi que “trop de consoles puissantes ne
peuvent pas coexister. C’est comme n’avoir que des dinosaures féroces.
Ils finiront probablement par s’entretuer et accélérer leur extinction
“.
La tête pensante de Nintendo ne croit pas si bien dire. La Wii est
annoncée pour le 8 décembre en Europe pour un prix de 250 euros. Les
Américains seront servis les premiers, le 19 novembre, les Japonais le 2
décembre. À la surprise générale, et malgré tous les défauts cités
ci-dessus, la Wii va gagner haut la main la guerre des consoles, tel le
modeste mammifère conquérant la planète après l’extinction des
dinosaures…

La suite dimanche prochain

  • Nintendo-Difference

    par Blayrow

    le 28 octobre 2012 à 8:45

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