Test Nintendo Switch de We. The Revolution : la passionnante quête de pouvoir d’un juge alcoolique et joueur

Période majeure de l’histoire de notre pays, ayant eu des répercussions bien au-delà de ses frontières, la Révolution française reste un sujet relativement peu traité dans le jeu vidéo. Sans doute car il est difficile de rendre compte avec justesse d’une époque aussi complexe, au cours de laquelle eurent lieu d’énormes bouleversements sociaux et politiques. Aborder la question sous l’angle vidéoludique, plus romancé et impliquant une notion de divertissement, peut d’ailleurs provoquer son lot de controverses. En témoigne les critiques exprimées en 2014 à l’encontre d’Ubisoft et de la supposée vision contre-révolutionnaire de son Assassin’s Creed Unity. Une polémique qui n’a étrangement pas touché We. The Revolution, petit jeu indépendant développé par le studio polonais Polyslash, dont la couverture médiatique fut certes trop faible pour mériter une quelconque récupération. Or, on ne peut pas dire que le titre présente notre « mythe national » sous un jour particulièrement glamour, laissant de côté les grands idéaux afin de narrer le destin d’hommes et de femmes aux motivations assez terre-à-terre. À commencer par le héros, Alexis Fidèle, un juge adepte du jeu et de la boisson.

Un test rédigé par Kayle Joriin.

Semper fidelis

L’aventure s’ouvre ainsi sur l’un de ses traditionnels lendemains de cuite en compagnie de son mentor, le bien nommé Raymond Dévoyé. Le souci, c’est qu’à force de descendre des bouteilles de rouge et de claquer son argent aux dés ou aux cartes, les vices d’Alexis finissent par sérieusement impacter son foyer. Notamment, son jeune fils, Frédéric, récemment impliqué dans une bagarre pour avoir voulu défendre l’honneur de son père. Une situation que ce dernier réglera par un simulacre de procès – servant de tutoriel – avant de rentrer chez lui tranquillement en compagnie de son benjamin, de sa femme, Mathilde, et son aîné, Bernard. Dès lors, il reviendra au joueur de décider si le magistrat continuera à s’adonner régulièrement à ses mauvaises habitudes ou tentera de gérer de manière plus diplomate la vie de sa maisonnée, au sein de laquelle habite également son père, Aldric, un ancien marchand ruiné. Or, vu les embûches auxquelles il va être confronté, un minimum de soutien familial ne sera pas de trop.

En tant que juge du tribunal révolutionnaire de Paris, notre héros va en effet non seulement devoir arbitrer de nombreuses affaires – en ménageant les susceptibilités des différentes factions en présence –, mais il sera aussi rapidement impliqué dans diverses intrigues et luttes d’influence, s’élevant peu à peu dans la hiérarchie de la Convention nationale au côté des Marat, Danton ou Robespierre. On laissera d’ailleurs volontiers les spécialistes discourir de la représentation des événements et des personnages historiques mis en avant, car ce n’est finalement pas l’essentiel ici. Guère pédagogique sur la période qu’il traite, et incitant de ce fait à un minimum de documentation en parallèle, le titre de Polyslash utilise surtout le contexte de la Révolution Française comme un prétexte pour nous conter une histoire prenante sur la quête du pouvoir. Et il faut reconnaître que l’ambiance qui en résulte s’avère particulièrement efficace.

La Loi, c’est moi !

Bien que le récit principal souffre de raccourcis et de retournements de situation un peu faciles, voire un brin fantaisistes, il est assez passionnant de suivre l’inexorable ascension d’Alexis Fidèle, marquée par son lot de souffrances et de drames, dont certains mettent un bon coup derrière la tête. L’écriture et la mise en scène, sobres mais de qualité, n’y sont pas pour rien. Et on prendra également plaisir à découvrir les différentes affaires sur lesquelles le juge devra intervenir. L’occasion de se rendre compte que l’univers proposé est tout sauf manichéen et que la notion de vérité demeure totalement subjective. En l’absence de preuves irréfutables (la plupart étant de nature testimoniale), l’important est ainsi de bien présenter les choses et de savoir tirer les bonnes ficelles. En tant que dépositaire de la loi, le joueur pourra donc soit tenter de rendre justice en son âme et conscience, soit décider des sentences en fonction des soutiens et de la renommée qu’il en tirera. Sachant qu’aller systématiquement à l’encontre de certains groupes aura des conséquences fatales.

Si cette plongée dans les sphères du pouvoir est savoureuse, et permet parfois de s’interroger sur sa propre moralité, le titre n’est pas non plus en reste d’un point de vue esthétique. La réalisation n’a certes rien d’exceptionnelle avec ses nombreux menus, ses écrans de jeu statiques et ses cinématiques chichement animées. En outre, on peut noter de petits pépins techniques occasionnels, comme des chargements anormalement longs ou des bugs d’interface. Cela oblige alors à recharger la partie au dernier point de contrôle, ce qui ne fait heureusement perdre que peu de temps grâce à un système de sauvegarde automatique bien pensé. Néanmoins, au-delà de ces quelques couacs largement supportables, on peut saluer une direction artistique originale – le character design « low poly » étant notamment très réussi – et une jolie bande-son signée par le compositeur polonais Draco Nared (aucun lien, fils unique).

Compromis, chose due

Côté gameplay, le résultat est là encore plutôt satisfaisant. Les mécaniques de base sont efficaces et de nouveaux éléments s’ajoutent régulièrement, rendant l’ensemble assez complet, voire un brin complexe à appréhender. On pourra éventuellement regretter que les développeurs aient privilégié la quantité à la profondeur, car certaines phases restent relativement superficielles. Cependant, la variété est bien présente et on ne peut pas dire que l’on s’ennuie en jouant à We. The Revolution. Fort logiquement, les procès occupent une place centrale dans les activités de notre juge et l’écran correspondant est d’ailleurs riche en informations, certaines concernant l’affaire traitée et d’autres étant plus générales. Parmi ces dernières, on peut notamment lire des missives nous étant adressées, jauger sa position au sein de l’échiquier parisien, s’informer sur les complots auxquels on participe, ou bien consulter son carnet pour obtenir des détails sur les événements en cours, les verdicts rendus, les actions réalisées et les personnages rencontrés.

Entre autres choses, on trouve dans les pages de ce fameux calepin des données précieuses sur les relations avec les différentes factions, à savoir le peuple, les révolutionnaires et les aristocrates. Or, comme évoqué précédemment, il faudra éviter de froisser l’une d’entre elle si on ne veut pas être victime d’un assassinat politique ou de la colère d’une foule vindicative. Un jeu d’équilibriste pas forcément évident étant donné que la majorité de nos choix auront une influence sur la manière dont chaque camp nous perçoit – certains événements historiques, se déroulant parallèlement au récit, ayant également un impact. Dans tous les cas, l’objectif restera de gérer au mieux sa réputation (représentée par une autre jauge) afin d’obtenir davantage de points d’influence. Une sorte de devise permettant d’acheter divers services, aides et autres actions variées.

Le tribunal des flagrants dénis

Une fois ces petites subtilités intégrées, il est alors temps de se lancer dans le vif du sujet et de faire enfin notre boulot de juge. Pour ce faire, on consulte d’abord le dossier mis à notre disposition et on tente de relier entre eux ses principaux éléments afin de débloquer des questions à poser au prévenu. En pratique, cela consiste surtout à les classer dans des catégories du type « Déroulement des faits », « Victime », « Arme », « Scène de crime » ou encore « Circonstances atténuantes ». Toutefois, les liens ne sont pas toujours très clairs et le tri des informations n’est guère évident. Il y a même parfois des pièges, avec des éléments superflus, et se tromper trop souvent peut empêcher d’accéder à certaines questions. Sachant qu’en cas d’échecs répétés, il reste possible d’user de son influence pour demander conseil à son mentor.

Débute ensuite l’interrogatoire de l’accusé et des éventuels témoins, chaque question étant généralement marquée d’une petite icône montrant l’influence que la réponse aura sur la sentence requise par le jury. Ce dernier prenant assez mal le fait qu’on ne suive pas son avis. Puis vient le moment du verdict et de ses conséquences sur nos relations avec les factions. Un moment plutôt solennel, symbolisé par une signature manuscrite et, plus tard, par l’apposition d’un sceau personnalisé – ce petit rituel s’accompagnant aussi rapidement d’un rapport à remplir. Une manière pour le procureur de vérifier qu’on a obtenu suffisamment d’informations sur les faits avant de rendre notre jugement. Gare donc aux petits malins à la justice expéditive, car nos pairs n’apprécient pas trop que l’on bâcle le travail, du moins sur les procès principaux. En revanche, pas de soucis pour expédier les affaires secondaires en libérant ou en envoyant à la guillotine de quasi-inconnus sur la base d’un résumé de quelques lignes à peine.

Ici, c’est Paris !

Une fois son devoir accompli, Alexis pourra rentrer chez lui s’occuper un peu de sa famille, à moins qu’il n’ait contracté d’autres obligations, certaines étant plus « festives » que d’autres. Plusieurs activités seront disponibles, chacune ayant un impact sur le soutien des membres du foyer, celui-ci se traduisant par des bonus de réputation ou de relations. Cependant, la politique viendra rapidement empiéter sur le temps libre, donnant accès à de nouvelles options de gameplay. Outre quelques aménagements dans le voisinage, il sera ainsi possible d’envoyer ses agents au sein des différents quartiers de la capitale afin d’en acquérir peu à peu le contrôle, de calmer les mécontents ou de contrer les manœuvres de ses opposants. Des adversaires sur lesquels il faudra également prendre l’ascendant en ourdissant d’habiles complots à base d’espionnage, de violence calculée et de persuasion. Ce dernier point faisant d’ailleurs l’objet d’un mini-jeu dédié nécessitant de choisir l’approche adaptée (plaisanterie, agression, humilité ou manipulation) au comportement de son interlocuteur.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il sera souvent nécessaire d’être éloquent, que ce soit pour obtenir le soutien d’un allié puissant, haranguer la foule lors des exécutions qu’on aura ordonnées ou bien convaincre la milice révolutionnaire de relâcher l’un de nos subordonnés. Malheureusement, le dialogue finira aussi par avoir ses limites et les luttes d’influence se transformeront, vers la fin de l’aventure, en véritables batailles rangées – la carte de Paris devenant alors un plateau de jeu, façon Risk, et donnant lieu à des combats au tour par tour opposant les bataillons ennemis. De quoi renouveler encore une fois l’expérience, même si, comme nous l’évoquions précédemment, les développeurs n’ont pas non plus cherché à faire dans le détail avec des mécaniques de jeu ultra poussées. Ce qui n’empêche pas d’avoir besoin d’un peu de temps pour les assimiler totalement.

Au final, force est toutefois de constater que malgré quelques soucis techniques occasionnels, une narration parfois un tantinet décousue et un léger manque de pédagogie sur certains éléments de gameplay, We. The Revolution demeure un titre de très bonne qualité. Et pour ne rien gâcher, il offre une durée de vie assez honorable vu la vingtaine d’euros demandée. Se déroulant sur une grosse quarantaine de jours, répartis en trois actes, l’épopée d’Alexis Fidèle nécessitera en effet entre dix et quinze heures de jeu (sinon plus) afin d’en découvrir la conclusion. On notera d’ailleurs que le respect du calendrier historique n’était définitivement pas une priorité dans le cahier des charges de Polyslash, puisque les événements servant de toile de fond au récit s’étalent peu ou prou sur une durée de deux ans, entre 1793 et 1795. Autant dire donc que les ellipses temporelles sont nombreuses, sans être jamais explicitement évoquées.

Conclusion : OUI !

Original par son contexte historique s’inspirant de la Révolution française, le titre de Polyslash cherche avant tout à nous narrer la quête de pouvoir d’un homme dans une époque troublée, propice à l’ascension sociale comme à la déchéance. Appuyé par des mécaniques de gameplay variées qui demandent parfois un petit temps d’adaptation, We. The Revolution n’est pas toujours parfait, mais l’expérience qu’il propose vaut définitivement le coup d’œil. On le recommande donc sans réserve particulière à tous les adeptes de jeu d’aventure ayant un minimum d’appétence pour les mots, vu que le jeu reste logiquement assez bavard.

LES PLUS :

+ Alexis Fidèle, un anti-héros atypique
+ Contexte historique original
+ Des moments forts d’un point de vue émotionnel
+ Phases de gameplay variées
+ Direction artistique réussie
+ Durée de vie correcte
+ Bande-son plaisante

LES MOINS :

– Des incohérences historiques et chronologiques
– Narration qui manque parfois de liant
– Quelques petits soucis techniques
– Certaines mécaniques pas toujours claires…
– … ou qui restent trop superficielles

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Le système de verdict de Nintendo-Difference repose sur trois niveaux :

– OUI ! (nous recommandons l’achat de ce titre, peu importe quel joueur vous êtes : vous l’apprécierez, à condition de ne pas être hermétique au genre)

– “Peut-être” (nous recommandons de bien lire le test avant d’acheter le jeu, car il peut ne pas correspondre à tout le monde, et ce pour des raisons qui peuvent largement être différentes d’un jeu à un autre). Par exemple, un titre peut être tout à fait exceptionnel et obtenir un “Peut-être” parce qu’il se classe dans un genre de niche qui ne correspondra pas à tout le monde alors qu’un autre pourra s’avérer vraiment moyen et à ne réserver qu’aux puristes du genre ou aux fans inconditionnels (comme dans le cas d’une adaptation par exemple).

– NON (nous ne recommandons pas l’achat de ce jeu). Trop mauvais ou trop cher pour ce qui est proposé.

Nous avons abandonné l’idée des notes, car celles-ci n’aident en rien à faire un choix, avec ce système vous savez si vous pouvez acheter les yeux fermés, s’il faut bien lire le test pour savoir si le jeu peut vous convenir ou s’il faut tout simplement s’enfuir.

  • Nintendo-Difference

    par Draco

    le 29 mars 2020 à 11:12

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