Test Nintendo Switch d’Oninaki, la mort lui va si bien

Le vilain petit canard Tokyo RPG Factory s’est rapidement vu attribuer une réputation peu reluisante pour un studio périphérique du mastodonte Square Enix. En contradiction avec sa courte existence, l’équipe de développement est responsable de deux titres au classicisme vieillot plus que prononcé, I am Setsuna et Lost Sphear, deux brouillons controversés, qui auraient logiquement permis d’identifier les forces et faiblesses de production du studio. Ceci dans le but de proposer une expérience cette fois plus ambitieuse, un troisième titre s’orientant plutôt vers l’action-RPG que le tour par tour rébarbatif, avec une direction artistique plus atypique et surtout un ton de narration aux enjeux plus originaux. Oninaki, le déclic ? Oui, mais… Par vraiment.


Un test rédigé par Chozo.

 

Sixième Sens

Oninaki dépeint un univers dans lequel la mort n’est qu’un passage à une vie suivante, la réincarnation étant au centre des croyances. Ce cycle, ce sont les Gardiens qui en assurent la pérennité en accompagnant les défunts pour qu’ils évitent de regretter leur vie antérieure, et même en euthanasiant ceux qui ne souhaitent plus vivre leur existence en cours. Cela s’opère pendant que certains humains tentent de pervertir les esprits les plus influençables, ces derniers se voyant empêchés de passer à une autre existence pour devenir des égarés, ou pire, des déchus, tellement désespérés qu’ils se transforment en démons sanguinaires.

Kagachi, un jeune Gardien, et son amie Mayura ont comme priorité de venir en aide aux égarés, bloqués dans le Voile, une sorte de limbe, en raison à la fois de l’incapacité de leur proche à faire le deuil de leur disparition, mais aussi de leur propre ressentiment, entre regret, tristesse et colère. Pour ce faire, les deux Gardiens ont le pouvoir de passer du monde des vivants au monde des égarés, permettant de faire le lien entre les proches et les défunts pour faciliter l’acceptation de la mort et éviter les explosions de colère.

C’est bien ce ton général difficile, parfois dérangeant et intelligemment mis en scène qui fait la grande force de cet action-RPG. Parfois confrontés à des choix déroutants, les Gardiens se chargent souvent de permettre à un vivant de rejoindre son parent ou son ami dans le monde des morts. Cette narration présente un paradoxe avec la direction artistique aux effets d’aquarelle et aux ambiances oniriques. Cela témoigne enfin d’une réelle prise de risque pour le studio, malgré une technique plus décevante, un effet de flou et un framerate au hoquet très présent, que ce soit en mode téléviseur comme en mode portable. Les problèmes se remarquent notamment dans les phases d’exploration de la cité principale, Deto, remplie de PNJ, mais étrangement moins dans les phases de combat dans les donjons, même si de nombreux ennemis sont présents à l’écran.

Voyage en terre connue

Cette capitale du royaume dans lequel le joueur parcourra les donjons, Deto, sert en fait de hub, où il est à la fois possible de renforcer son équipement, d’accepter des missions annexes consistant à aider une âme égarée à passer le Voile, et à se téléporter vers les donjons présents sur la carte. Et là, c’est le drame. S’il s’avère pertinent dans son récit et son rendu visuel, notamment avec une alternance monde réel/Voile très cohérent, il n’en est rien pour les donjons, ces zones de la carte à explorer, et les nombreux allers-retours avec le hub. Non seulement les passages de l’un à l’autre engendrent d’incessants temps de chargement interminables, mais la répétitivité des situations laisse un goût amer au joueur, tant le potentiel du titre se voit bridé. Zones arborées, volcaniques, rocheuses, lagunes, villages génériques, ces donjons enchaînent les petites cartes se ressemblant toutes plus les unes que les autres.

Pour ne rien arranger, la capacité de passer du monde des vivants au Voile pour Kagachi n’est possible qu’après avoir anéanti un ennemi en particulier à dénicher dans le donjon, le Voleur de Vue. Sorte de version géante d’un monstre lambda déjà croisé dans la zone, celui-ci donnera accès au Voile, pour… simplement réexplorer la même carte, agrémentée uniquement de monstres un poil plus nerveux, des téléporteurs et des coffres précédemment invisibles, renfermant armes, potions, pierres de capacité, etc. Attention cependant, il faut absolument tuer le Voleur de Vue avant d’entrer dans le Voile, sans quoi Kagachi avancera totalement à l’aveugle et sera tué par le moindre coup qui lui sera porté.

Notons également une bizarrerie remarquée tout au long de l’aventure. Outre les chargements longs entre les zones et à la moindre cinématique, même de quelques secondes, c’est la gestion sonore qui interpelle, et plus particulièrement de la musique de Mariam Abounnasr et Shunsuke Tsuchiya. Ici, le terme musique de fond n’a jamais mieux porté son nom, puisque malgré sa grande qualité, la bande-son s’avère très peu audible et souvent étouffée par les sons des combats et des dialogues. La musique se savoure uniquement par petits moments, notamment ce thème très inspiré pendant les combats de boss. Mais elle est surtout étrangement absente pendant la grande majorité de l’exploration des zones, laissant une impression de mauvais calibrage, plus que d’un choix délibéré.

Demon Slayer

Classique, Oninaki l’est également dans son gameplay, même si l’ensemble demeure très efficace et plutôt varié dans ses mécaniques. Car pour palier un level-design paresseux, les développeurs ont au moins implémenté une jouabilité plutôt plaisante et maîtrisée. Telles les lames de Xenoblade Chronicles 2 ou les Légions d’Astral Chain, chaque arme portée par Kagachi est en fait affiliée à un démon dont le héros devra se laisser posséder. Entre épée, lance, hache, chaînes, pistolet, poings, griffes, les dix démons à découvrir varient tous en termes d’aptitudes et de mécaniques. Y pour l’attaque simple, B pour l’esquive/le saut (en fonction du démon utilisé, ce bouton permet de se téléporter, de dasher ou de sauter plus ou moins haut et plus ou moins vite), les actions possibles se voient agrémentées d’aptitudes particulières, à octroyer au démon en les plaçant sur les boutons A, X, Zr et R. Ces actions nécessitent cependant des temps de recharge aléatoirement longs, qui se réduisent par le niveau évolutif de la jauge d’affinité atteinte entre Kagachi et son démon.

L’affinité détermine aussi la puissance des coups portés et la résistance face aux dégâts subis. Cette jauge, si elle atteint 100 %, permet au joueur de débloquer le mode Manifestation, donnant momentanément plus de puissance au héros. Il faut cependant savoir que si cette jauge n’est pas utilisée et dépasse les 150 % (le maximum étant 200 %), le héros verra sa défense descendre en chute libre alors que son attaque augmentera. Les démons peuvent être remplacés lors du passage aux bornes de sauvegarde, permettant au joueur de trouver la meilleure combinaison pour répondre aux patterns de n’importe quel monstre. En alternant entre attaques lointaines et corps à corps, la jouabilité, même si elle sent le réchauffé pour un action-RPG, reste plaisante avec des attaques spéciales plutôt réussies dans leur variété, leurs effets et les dégâts engendrés.

Les démons accumulés peuvent bien-sûr être améliorés, cela de deux manières. La première est de remplir l’arbre de compétence de chacun d’entre eux, en débloquant les capacités via des pierres d’âme récoltées sur le champ de bataille. Certaines compétences ne se débloquent qu’en échangeant des pierres d’âme pour retrouver les souvenirs oubliés des démons, avec leurs cinématiques narrant leur passé, alors qu’ils n’étaient encore que des humains. Le second moyen est de passer par l’alchimiste de Déto en améliorant directement les armes des démons. Celles-ci évoluent en puissance soit en les fusionnant avec les nombreuses armes récupérées en combat, soit en les agrémentant d’ombreroches, des pierres spéciales dotées de pouvoirs donnant des bonus permanents (gain de vie, meilleure attaque, apparition d’un plus grand nombre d’objets bonus, etc.). Rien de transcendant, mais une mécanique qui fait le café pendant les 25 à 30 heures à parcourir l’univers d’Oninaki, y compris le donjon supplémentaire apparaissant après les crédits de fin. Honnête.

 

Conclusion : PEUT-ÊTRE !

Bien plus qualitatif et original dans la forme que les deux premiers RPG de Tokyo RPG Factory, Oninaki l’est insuffisamment dans le fond. S’il traite d’un sujet avec mélancolie et pertinence via une histoire prenante, cet action-RPG reste finalement un copié-collé de nombreux titres du même genre sortis ces derniers temps. Gameplay dynamique et varié mais sans audace de démarcation, direction artistique cohérente mais plombée par l’ultra classicisme de ses donjons, Oninaki reste efficace, notamment dans son ton, mais trop oubliable dans ses autres aspects, la musique presque inexistante et la technique affaiblie sur Switch n’aidant pas. Peut toujours mieux faire.

LES PLUS : 

+ Une narration qui exploite très bien son thème
+ Une aventure plutôt bien écrite
+ Un gameplay vu et revu, mais efficace
+ Les passés des démons, intéressants
+ Une bonne durée de vie

 

LES MOINS :

– Trop repompé de partout
– Bien répétitif
– Techniquement faible
– Les temps de chargement qui découragent
– Une bande son de qualité, mais insuffisamment présente

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Le système de verdict de Nintendo-Difference repose sur trois niveaux :

– OUI ! (nous recommandons l’achat de ce titre, peu importe quel joueur vous êtes : vous l’apprécierez, à condition de ne pas être hermétique au genre)

– “Peut-être” (nous recommandons de bien lire le test avant d’acheter le jeu, car il peut ne pas correspondre à tout le monde, et ce pour des raisons qui peuvent largement être différentes d’un jeu à un autre). Par exemple, un titre peut être tout à fait exceptionnel et obtenir un “Peut-être” parce qu’il se classe dans un genre de niche qui ne correspondra pas à tout le monde alors qu’un autre pourra s’avérer vraiment moyen et à ne réserver qu’aux puristes du genre ou aux fans inconditionnels (comme dans le cas d’une adaptation par exemple).

– NON (nous ne recommandons pas l’achat de ce jeu). Trop mauvais ou trop cher pour ce qui est proposé.

Nous avons abandonné l’idée des notes, car celles-ci n’aident en rien à faire un choix, avec ce système vous savez si vous pouvez acheter les yeux fermés, s’il faut bien lire le test pour savoir si le jeu peut vous convenir ou s’il faut tout simplement s’enfuir.

  • Nintendo-Difference

    par Draco

    le 30 septembre 2019 à 16:06

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