Fallen Legion : Rise to Glory

En résumé

  • Sorties :
  • 1 Juin 2018
  • 29 Mai 2018
  • 29 Mai 2018

L'avis de Kayle Joriin

Avec son scénario nuancé, ses affrontements dynamiques et son esthétique pas déplaisante, Fallen Legion : Rise to Glory dispose de quelques atouts pour séduire les possesseurs de Switch, mais sa linéarité et sa répétitivité peuvent finir par lasser. En outre, malgré une expérience assez épurée, il ne parvient pas à aller au bout de certaines de ses idées et se montre peu clair sur d’autres. On le recommandera donc uniquement à un public averti, sachant où il met les pieds. Quant aux anglophobes et aux rôlistes exigeants, ils pourront passer leur chemin sans regret.

Les plus

  • Traitement scénaristique original
  • Combats nerveux et spectaculaires
  • Réalisation plaisante
  • Durée de vie correcte

Les moins

  • Certaines mécaniques trop obscures ou aléatoires
  • Manque de profondeur global qui entraine une certaine répétitivité
  • Pas toujours simple à comprendre en l’absence de VF
  • N'est pas Vanillaware qui veut
  • Nintendo-Difference

    par Kayle Joriin

    le 17 février 2019 23:00

Bien que relativement jeune, le jeu vidéo n’en demeure pas moins un média artistique d’une grande richesse ayant déjà connu plusieurs générations de développeurs s’inspirant mutuellement. À une époque où les références sont de plus en plus nombreuses, la véritable originalité finit donc par se faire rare et il est fréquent qu’une œuvre nous en rappelle d’autres, a fortiori lorsqu’on a un peu de bouteille. En découvrant les premières bandes annonces de Fallen Legion, difficile par exemple de ne pas penser aux combats d’un Valkyrie Profile ou à l’esthétique des jeux Vanillaware. Des influences qu’on imagine totalement volontaires et qui peuvent logiquement inciter à l’achat, avec le risque d’être déçu manette en mains. Car s’il n’est pas mauvais en soi, le jeu du studio indonésien YummyYummyTummy ne joue pas dans la même cour que ses supposés modèles.

A Game of Thrones

Tout comme Nintendo, qui n’a pas jugé bon de le classer dans la catégorie « jeu de rôle » de l’eShop, on se rend ainsi rapidement compte que Fallen Legion relève davantage du jeu d’action que de l’Action-RPG à proprement parler. L’aventure peut en effet se résumer à un enchaînement de niveaux linéaires dans lesquels on alterne entre de nombreux affrontements, des discussions avec divers PNJs et des décisions militaro-politiques aux conséquences pas toujours claires. Pas question en revanche de se balader librement ou de s’investir dans une gestion d’équipe un minimum poussée. Ici, les déplacements se font de manière automatique, les options de personnalisation restent très superficielles, et l’une des rares libertés dont on dispose est de pouvoir choisir sa prochaine destination sur une carte générale, sachant que la progression demeure extrêmement balisée. Si le doute était encore permis sur l’orientation choisie, il est même possible de refaire les niveaux déjà traversés afin d’améliorer son score, façon Beat Them All moderne.

Avant de détailler davantage le système de jeu, attardons-nous cependant sur l’aspect scénaristique, car ce dernier, sans être exempt de défauts, constitue certainement l’un des points forts du titre. D’autant que cette version Switch, nommée Rise to Glory, donne accès à l’intégralité de l’histoire en regroupant les deux volets sortis sur PlayStation 4 et PlayStation Vita en 2017. Dans Sins of a Empire, on incarne donc Cecille, princesse de l’empire déliquescent de Fenumia, qui suite à la mort de son père, doit à la fois gérer un sombre héritage et un coup d’état orchestré par Laendur, son meilleur général. Quant à Flames of Rebellion, il nous invite à suivre le fameux général, un brillant tacticien aimé du peuple, dont l’objectif affiché est de mettre fin à la corruption de la famille royale en restaurant au passage l’honneur de sa patrie autrefois conquise par l’empire.

Fatalement amenées à se télescoper, ces deux trajectoires se caractérisent en premier lieu par une surprenante absence de manichéisme, chaque camp étant capable d’honneur comme de cruauté. En outre, si les nombreux dialogues et destins croisés s’avèrent parfois difficiles à suivre, surtout en l’absence de traduction française, on est frappé par la fragilité des héros, peu à peu victimes d’un conflit qu’ils ont provoqué presque malgré eux. Partageant avec le joueur leurs réflexions et questionnements les plus intimes, ils en deviennent plus humains, mais pas forcément plus sympathiques, notamment lorsque certaines pensées paranoïaques ou manipulatrices apportent un éclairage particulier sur leurs actions. L’ensemble manque surement un peu de cohésion et de fluidité, néanmoins, le traitement est réellement original et l’univers plutôt bien développé. On regrettera juste que les deux histoires se spoilent mutuellement en fin de partie, même s’il s’agit de révélations pas forcément surprenantes.

Action débridée…

Quel que soit le scénario choisi, le gameplay proposé reste toutefois strictement identique et suit les grandes lignes évoquées plus haut en se concentrant essentiellement sur des combats, dont les principes sont heureusement simples à assimiler. Plus habitués à diriger qu’à aller à la filoche, Cecille et Laendur sont capables d’invoquer des guerriers magiques nommés « Exemplars » afin de se battre à leur place. Lorsqu’un niveau implique de la baston, ce qui est le cas la plupart du temps, il faut ainsi préalablement sélectionner une équipe de trois combattants, chacun étant alors associé à un bouton d’action (Y, B ou A) lui permettant de lancer une attaque en échange d’un point d’action (sur un maximum de trois). Pas la peine cependant d’espérer trop varier les plaisirs, car chaque unité dispose d’un panel offensif relativement restreint, incluant un enchaînement basique de trois coups et deux techniques spéciales. La « Link Attack » peut se déclencher manuellement, en dépensant l’intégralité de ses points d’action, ou de manière automatique, en changeant de personnage au bon moment. Quant au « Death Blow », il nécessite de remplir une barre de combo en infligeant des dégâts sans être interrompu. Une tâche potentiellement ardue vu l’agressivité de certains ennemis et la confusion visuelle régnant parfois à l’écran.

Si d’aucuns estiment que l’attaque est la meilleure défense, Fallen Legion encourage pour sa part à se protéger efficacement. En effet, bien que les deux héros soient des commandants qualifiés, leurs capacités martiales restent très limitées, et pour peu que tous leurs subordonnés viennent à périr, ils ne tardent généralement pas à les suivre. La survie de la petite troupe devient dès lors une priorité et pour éviter de passer l’arme à gauche, le mieux est encore de ne pas se faire toucher, ou en tout cas de limiter au maximum la casse. Dans cette optique, la méthode de base consiste à maintenir enfoncée la gâchette L afin de mettre l’équipe en garde et diminuer les dégâts reçus. Simple à utiliser, cette garde a en revanche le gros inconvénient de bloquer la récupération des points d’action, limitant ensuite les possibilités de contre-attaque. Les téméraires préféreront donc tenter un « Perfect Block » en parant les coups juste avant qu’ils ne touchent. Une méthode risquée, mais nettement plus rentable puisqu’elle permet d’annuler l’intégralité des dégâts, de renvoyer les projectiles, de récupérer un point d’action gratuit et de pouvoir lancer immédiatement une Link Attack. Par contre, en cas d’échec, on se prend évidemment l’intégralité des gnons dans la mouille, et ça pique un peu. Un sacré dilemme, dans la mesure où il n’est souvent pas évident de saisir le timing des attaques adverses, notamment lorsque plusieurs ennemis frappent en même temps.

Se balader avec une escouade affaiblie, voire à moitié KO, n’est toutefois pas une fatalité. D’une part, car il est possible de faire tourner sa formation afin de protéger un personnage mal en point. Très utile pour laisser souffler l’avant-garde qui se prend l’essentiel des baffes. D’autre part, car il existe de nombreuses manières de soigner les blessés, voire de bénéficier de bonus plus ou moins ponctuels grâce au système de « Tributes », des récompenses obtenues à la fin de chaque chapitre ou offertes par des PNJs. On y trouve des objets à usage unique, des effets additionnels activables via la barre de combo, des modificateurs de statistiques pour les Exemplars ou encore de nouveaux pouvoirs magiques destinés à Cecille et Laendur. Soumis à un classique principe de cooldown, ces incantations proposent par défaut un sort d’attaque, un sort de soin, affectant l’ensemble de l’équipe, et un sort de résurrection, permettant de ressusciter un personnage. De quoi soutenir efficacement le groupe lors des batailles les plus rudes, que ce soit contre les boss, souvent impressionnants et plutôt variés (contrairement au bestiaire de base), ou à l’occasion de quelques pics de difficulté assez inattendus et un brin frustrants. Encore plus lorsqu’on a opté pour le mode « One Life » qui nous fait reprendre de zéro en cas de Game Over.

… pour RPG limité

Le résultat, ce sont des combats nerveux et spectaculaires, dans lesquels on prend un plaisir certain, mais qui finissent peu à peu par tourner en rond. La faute surtout d’un manque de renouvellement passé l’apprentissage initial des mécaniques de jeu. Les Exemplars ont beau disposer chacun de techniques spécifiques et de statistiques propres, elles n’influent que modérément sur la manière de jouer, les affrontements se résumant à alterner attaque et défense avec le bon timing, tout en gérant au mieux l’état de santé de ses troupes. Et de toute manière, le casting reste limité à six combattants de base, communs aux deux héros, auxquels viennent s’ajouter quelques personnages optionnels spécifiques à chaque scénario. L’intégration d’éléments de RPG un peu plus poussés, comme une gestion d’expérience et d’équipement, ou l’acquisition de compétences à améliorer, aurait sans doute permis de diversifier le gameplay et d’apporter un semblant de stratégie. Malheureusement, l’évolution de nos unités reste ici très superficielle et pas toujours très claire. Hormis la possibilité de choisir entre trois Death Blow différents par personnage (débloqués au cours de l’aventure), le reste de la customisation passe en effet par les modificateurs de statistiques dont l’utilisation est assez hasardeuse.

Ces derniers peuvent ainsi être activés de manière permanente, par le biais de gemmes à équiper dans l’un des trois slots dédiés, ou bien de manière temporaire, en récompense à des décisions diplomatiques auxquelles le joueur est régulièrement soumis. Le souci, c’est que ces deux méthodes ne permettent pas de réellement développer son équipe comme on le souhaite. Les gemmes étant générées de manière aléatoire, les associations de bonus qu’elles proposent ne sont pas forcément adaptée aux Exemplars avec lesquels on souhaite jouer. Et si les plus puissantes permettent également de modifier les sorts de Cecille et Laendur, cela peut s’avérer plus gênant qu’autre chose, tellement les soins et la résurrection proposés par défaut apparaissent vite comme indispensables en cas de coup dur. Une bonne partie des gemmes récoltées à la fin de chaque niveau va donc finir à la poubelle, ce qui est d’autant plus dommage qu’un simple petit système d’artisanat aurait pu valoriser la formule en lui apportant davantage de liberté et de profondeur.

Un avenir incertain

Le constat est également mitigé concernant le principe de choix diplomatiques, l’autre « gros » morceau de gameplay en dehors des combats. À la base, l’idée n’est pas mauvaise, puisque le jeu tente de nous faire ressentir les dilemmes du pouvoir en nous mettant face à diverses situations à arbitrer. Prendre parti dans une querelle de nobles, réagir à des raids barbares, décider du sort d’un espion ou gérer les dissensions au sein son armée, les exemples sont nombreux, mais toujours présentés de manière claire et concise. Là où le bât blesse, c’est les réponses proposées, de même que leurs conséquences, qui sont beaucoup plus obscures. Pourtant, elles ont un impact concret sur le moral des troupes et l’évolution du royaume, débloquant notamment l’accès à des niveaux ou des dialogues optionnels. Il est également probable qu’elles conditionnent l’accès aux classes avancées des Exemplars (liées à l’ordre et au chaos), mais étrangement, rien n’est expliqué dans le jeu à ce sujet et la promotion se déroule de manière automatique, sans qu’on sache vraiment pourquoi.

Dans l’absolu, on pourrait se dire que tout cela n’est pas trop grave et qu’il s’agit d’un élément de roleplay intéressant nous poussant à faire des choix plus personnels, sans être focalisé sur des objectifs trop facilement identifiables. Sauf qu’au-delà de la difficulté à comprendre le sens de certaines propositions, ces dernières ont des effets immédiats qui finissent par devenir prioritaires dans le processus de décision. En pratique, chaque situation peut ainsi être résolue de trois manières différentes auxquels correspondent autant de récompenses aléatoires, dont les fameux modificateurs de statistiques. Or, étant donné le manque de clarté du système, on est souvent tenté d’opter simplement pour le bonus le plus intéressant et de laisser de côté les considérations morales ou les répercussions à long terme.

Au final, on se retrouve donc avec un titre assez étrange à parcourir, tantôt plaisant et surprenant, tantôt obscur et répétitif. Un contraste qu’on retrouve aussi dans une certaine mesure au niveau de sa réalisation, globalement convaincante, mais sans grand génie. D’un point de vue visuel, Fallen Legion s’en sort ainsi plutôt bien en jouant à fond la carte du « Vanillaware-like », même s’il n’est clairement pas à la hauteur de ses modèles, que ce soit en termes de style ou de variété. L’ensemble bouge également sans trop de problèmes, hormis quelques ralentissements et temps de chargement un brin longuets. Rien à signaler non plus du côté de la bande-son, avec des compositions efficaces, souvent très rythmées, mais qui savent aussi se faire plus mélodieuses. Elles pourront toutefois finir par lasser sur la longueur, a fortiori si on décide d’enchainer les deux scénarios, soit une bonne petite trentaine d’heures de jeu.

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