GRIS

En résumé

  • Sorties :
  • 13 Decembre 2018
  • 13 Decembre 2018
  • 13 Decembre 2018

L'avis de Greg-sHAOlink

GRIS touche la corde sensible du joueur avec un doigté méticuleux, étant à la fois captivant, émouvant, bouleversant et attendrissant. Le talent artistique incroyable de Nomada Studio s’impose comme un nouvel étalon qu’il va être difficile de ne serait-ce qu’égaler. L’expérience procurée par GRIS est unique et dépasse le média du jeu vidéo, peut-être un peu trop d’ailleurs, car il n’y apporte rien de substantiel en termes de gameplay. Mais il faudrait être de marbre pour ne pas saisir l’opportunité de ce voyage exceptionnel et découvrir cette poésie vidéoludique. Pour une première, les Barcelonais ont fait très, très fort.

Les plus

  • Visuellement beau à en pleurer
  •  Musicalement beau à en pleurer
  • Poétiquement beau à en pleurer
  • C’est plus qu’une expérience vidéoludique…

Les moins

  • … mais parfois davantage vidéo, que ludique
  • Nintendo-Difference

    par Greg-sHAOlink

    le 30 janvier 2020 23:00

Quand on parle de Barcelone, on pense souvent au beau temps, à la plage, à la bonne bouffe, voire aux indépendantistes catalans ou au football, mais peu sont ceux qui penseraient immédiatement aux jeux vidéo. Nomada Studio entend bien changer la donne avec son tout premier titre, GRIS. Sorti fin 2018 sur Nintendo Switch et PC, puis sur iOS et PlayStation 4 en 2019, la création du jeune studio espagnol a attiré tous les regards lors de son annonce, grâce à son rendu esthétique hors du commun. Ouvertement inspiré de Journey, d’aucuns se sont alors demandé si l’expérience à mi-chemin entre jeu vidéo et expérience contemplative allait convaincre au-delà des apparences des premiers visuels. Force est de constater qu’il n’y avait pas lieu de douter.

L’expérience douloureuse et poétique du deuil

Tout débute avec Gris, la jeune héroïne allongée dans le creux de la main d’une statue géante. S’agenouillant lentement, elle commence à chanter, puis s’envole littéralement au-dessus du gant de pierre. Soudain, la gorge nouée et la voix coupée, Gris ne peut que constater l’effritement et l’effondrement de la sculpture, provoquant sa chute inexorable dans les abysses. Ayant perdu le pouvoir de son chant, il ne lui reste qu’à peine assez de force pour faire quelques pas et s’affaisser aussitôt au sol. Rassemblant tout son courage, elle parvient enfin à se relever et à aller de l’avant…

Le jeu nous raconte de manière extrêmement épurée l’expérience du deuil, au travers des cinq étapes élaborées par la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Chaque phase correspond à un chapitre dont les environnements structurels, visuels et sonores symbolisent les différentes émotions ressenties par l’héroïne. Pour ne donner que deux exemples afin de laisser le plaisir de la découverte : de courtes et furieuses tempêtes de sable accompagnées par un orgue violent feront valdinguer Gris, tandis que les profondeurs sous-marines constellées de quelques tristes notes de piano la plongeront dans la tristesse. Les mots ne suffisent pas pour exprimer cette osmose émotionnelle rare, entre transcription graphique et musicale. GRIS est avant tout une expérience affective et sensorielle majeure.

Un monde multicolore et sans douleur

Côté gameplay, la traversée des différents chapitres, dont les couleurs varient selon les étapes du deuil, se fait de manière très aisée. Parti pris assumé des développeurs, le jeu se veut sans difficulté aucune : il est impossible de « perdre » ou de se perdre, bien que le cadre gigantesque de certaines structures puisse faire penser à un Métroidvania. Ce n’est pas le cas et on trouve rapidement son chemin. Il n’y a pas non plus d’ennemis, et les quelques puzzles qui représentent les maigres barrières de la progression sont loin d’être compliqués. Le jeu puise allègrement dans des concepts qui ont fait leurs preuves par ailleurs et se contente de les agencer de façon assez basique. S’il fallait donner un défaut au titre édité par Devolver, c’est bien qu’il n’apporte pas grand-chose en termes de gameplay.

Cependant, cet assemblage fonctionne de manière fluide et on prend un réel plaisir à parcourir le monde de GRIS. On y trouve des petits personnages sympathiques qu’on penserait sortis d’un Ghibli inconnu, et des plateformes, décors et gammes de couleurs qui renvoient souvent au style de Mœbius, tout en apportant tellement d’originalité à ce monde tout bonnement unique, que les inspirations sont vite oubliées. La minutie apportée à la chute des feuilles dans une forêt, ou à l’éclairage subtil des plantes marines lors d’une navigation intense dans des cavernes immergées, et aussi le soin apporté  aux détails sonores, comme le bruit d’une roche dévalant une pente, ou celui d’une plateforme changeant de forme comme de robe au son d’un froissement de vêtement ne font que renforcer la vraisemblance de cet univers incroyable.

Le temps d’un rêve et d’un réveil

Comme les toutes premières images le laissaient présager, GRIS est une merveille pour les rétines. Que ce soit au niveau du style, de la qualité des décors peints à la main ou de la finesse technique, tout est absolument réussi. Le jeu est ici exempt de tout reproche et l’est tout autant d’un point de vue musical. Le groupe Berlinist est à créditer pour cette bande-son somptueuse et signe ainsi avec brio sa première incursion (encore une !) dans l’industrie du jeu vidéo. Comme susdit, la synergie des musiques avec ce qui est visible à l’écran atteint des sommets : l’usage d’une sélection pourtant limitée (mais soignée) de quelques instruments seulement rend le dosage parfait, sans jamais en faire trop ou pas assez.

Les trois à cinq heures qui suffisent à terminer cette aventure permettent d’affirmer tout le talent du studio barcelonais, sans tomber dans un prolongement rébarbatif. Le gameplay étant limité à des éléments très simples, faire durer l’expérience davantage n’aurait que desservi GRIS et aurait fini par tourner en rond. Afin de retarder la séparation avec ce titre ô combien touchant, la liberté est donnée à la fin d’une première complétion de retourner explorer les chapitres, afin d’y trouver des artefacts manqués lors de la première partie, ce qui permet de débloquer des récompenses et surtout une petite scène explicitant le propos narratif, qui reste autrement extrêmement sujet à interprétation.

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