Test Nintendo Switch de Murder by Numbers

En résumé

  • Sorties :
  • 5 Mars 2020
  • 5 Mars 2020
  • 5 Mars 2020

L'avis de Kayle Joriin

La formule de Murder by Numbers, à mi-chemin entre Picross et Ace Attorney, était plutôt attrayante sur le papier, et le résultat final s’avère très réussi. Le jeu de Mediatonic n’esquive certes pas certains écueils de narration ou de gameplay, mais son scénario plaisant, ses nombreuses grilles à compléter, sa réalisation globalement convaincante et son excellente durée de vie compensent largement ses défauts. On suit donc avec un réel plaisir les enquêtes d’Honor et de SCOUT en espérant les retrouver bientôt dans de nouvelles aventures qui corrigeront quelques erreurs de jeunesse.

Les plus

  • Scénario de très bonne facture
  • Le duo formé par Honor et SCOUT
  • Des thématiques matures, traitées intelligemment
  • Beaucoup d’humour et de références culturelles
  • Une dimension picross fort plaisante
  • Direction artistique de qualité
  • Bande-son efficace
  • Durée de vie étonnante

Les moins

  • Narration qui manque un peu de folie
  • De nombreux poncifs du jeu d’enquête policière
  • Le système de scan finit par lasser
  • Quelques incohérences ici ou là
  • Des manques en termes d’ergonomie
  • Uniquement en anglais et en japonais
  • Nintendo-Difference

    par Kayle Joriin

    le 11 mars 2020 23:00

Loin de se limiter uniquement à la célèbre franchise éponyme développée par le studio Jupiter, le picross – jeu de réflexion consistant à reconstituer une image en noircissant les cases d’une grille en fonction d’indices situés sur ses bords – est aujourd’hui praticable sous de nombreuses formes vidéoludiques. Rien que sur Switch, on dénombre par exemple une bonne quinzaine de titres différents reprenant le principe. Et si la plupart d’entre eux restent relativement classiques, certains tentent de se distinguer un minimum, que ce soit en s’inspirant de licences connues (Kemono Friends, Overlord) ou en intégrant des éléments d’autres genres, à l’instar du mignon PictoQuest et de ses mécaniques RPG.

Annoncé en octobre 2019, Murder by Numbers s’est quant à lui fait remarquer d’emblée pour son mélange original entre picross, jeu d’enquête et visual novel. De plus, il affichait une équipe de développement plutôt prometteuse avec notamment Ed Fear (The Swords of Ditto) à la réalisation et au scénario, Hato Moa (Hatoful Boyfriend) au character design, et Masakazu Sugimori (Phoenix Wright : Ace Attorney version GBA, Viewtiful Joe, Ghost Trick : Détective Fantôme) à la bande-son. Il y avait donc de quoi être un minimum curieux quant au résultat et après y avoir passé quelques dizaines d’heures, on peut affirmer qu’il s’agit clairement d’une très bonne surprise.

Medal of Honor

Tout d’abord, il est utile de préciser que Murder by Numbers n’est pas un simple jeu de réflexion auquel on aurait collé une petite histoire sympathique. Il s’agit d’un vrai jeu d’aventure mêlant visual novel et point and click – un peu la manière des Ace Attorney – tout en proposant une grosse dimension puzzle avec de nombreux picross à résoudre. Les fans de nonograms cherchant juste leur dose de nouvelles grilles devront par conséquent faire attention où ils mettent les pieds, car si le bébé de Mediatonic offre son lot de cases à noircir, il affiche également un bon paquet de lignes de dialogues pouvant rebuter les moins littéraires. D’autant que les textes ne sont disponibles qu’en anglais et en japonais. Le scénario, concocté par Ed Fear et Murray Lewis, constitue néanmoins l’une des grandes réussites du titre. Il est en effet non seulement très plaisant à suivre, grâce à de multiples traits d’humour et autres références à la culture des années 90, mais il aborde aussi intelligemment des sujets sérieux, comme les mariages toxiques ou l’identité de genre.

L’ensemble passe notamment par une galerie de personnages variés et charismatiques, bien qu’assez caricaturaux, auxquels on s’attache irrésistiblement. En particulier, le duo formé par l’ex-actrice Honor Mizrahi et le robot amnésique SCOUT. Après une scène d’introduction un brin cryptique, le récit débute ainsi avec la fin du tournage de la quatrième saison de Murder Miss Terry, la série policière dans laquelle notre héroïne joue les seconds rôles aux côtés de l’arrogante Becky Call. Les vacances d’Honor vont toutefois mal commencer, puisque son ami Blake Patterson, le showrunner de la série, va lui annoncer son licenciement inattendu. Un coup dur pour la jeune femme qui sort déjà d’un divorce compliqué et se retrouve désormais sans emploi. Elle n’est donc pas forcément très réceptive lorsqu’un étrange robot volant nommé SCOUT vient solliciter son aide, ce dernier la prenant pour son alter-ego fictif :  le Détective Oates.

Les Experts Hollywood

Pourtant, si la première rencontre entre les deux protagonistes tourne court, le meurtre de Blake va rapidement les rapprocher, SCOUT aidant tout d’abord Honor à prouver son innocence, puis à chercher le véritable coupable. Ce sera le début d’une belle amitié et d’une fructueuse collaboration se traduisant par la résolution de quatre affaires de meurtre successives. Les deux comparses vont en effet rapidement prendre goût au rôle d’enquêteurs amateurs et se montreront d’ailleurs plutôt doués en la matière, au grand dam de Gerry Cross, un inspecteur expérimenté n’appréciant guère de voir des civils fouiner sur ses scènes de crime – du moins au début. Évidemment, ces différentes affaires seront également l’occasion de découvrir tout un tas de nouvelles têtes, dont certains proches d’Honor comme Ryan, son ex-mari manipulateur, Sharon, sa mère envahissante, ou encore K.C., son meilleur ami gay à l’humour acéré. En outre, on finira par en apprendre davantage sur le passé de SCOUT et sur les intentions de ses créateurs.

Bien écrit, souvent drôle et émouvant, Murder by Numbers ne propose certes pas un univers aussi original et exubérant que celui d’un Ace Attorney – le robot volant mis à part –, mais cela lui permet d’être parfois plus juste et plus réaliste sur les thématiques abordées. En revanche, il aurait sans doute été pertinent qu’il s’inspire davantage de la série de Shu Takumi en termes de narration, car après un début rythmé, il faut reconnaître que le récit se met un peu à ronronner au bout de quelques heures. La faute de schémas ayant tendance à se répéter et à l’utilisation de nombreux poncifs du polar. L’ensemble reste de qualité et se suit toujours avec plaisir, cependant, on aurait aimé assister à davantage de surprises ou de rebondissements, le déroulement et la conclusion de chaque affaire finissant par devenir relativement prévisibles. Un petit sentiment de redite qui trouve son pendant dans certaines mécaniques de gameplay assez redondantes.

Entre scan et nonograms

Durant leurs enquêtes, Honor et SCOUT vont ainsi être amenés à visiter différents lieux, représentés par autant de décors fixes, où ils croiseront des personnages avec lesquels il sera possible de discuter – de nouvelles options de dialogues se débloquant en fonction de la situation. Comme dans tout bon point and click qui se respecte, il sera également nécessaire de fouiller consciencieusement chaque zone à la recherche d’indices, ce qui consistera en pratique à scanner l’écran grâce à un réticule de visée. Une fois un point d’intérêt détecté, il faudra alors résoudre un picross afin d’obtenir la preuve correspondante, cette dernière pouvant ensuite être présentée aux suspects ou témoins histoire de les faire réagir. Régulièrement, des puzzles nous seront en outre imposés à l’occasion de certains dialogues importants, et le jeu offrira parfois de petites variantes lors de phases de piratage demandant d’enchainer plusieurs grilles très simples (5×5) en un temps limité. Chaque erreur coûtant de précieuses secondes.

Sans être d’une incroyable originalité, le gameplay de Murder By Numbers demeure donc plutôt efficace dans l’absolu. Le système de scan est certes assez lassant à longue, mais les picross sont très agréables à compléter, même si la difficulté n’est pas forcément très élevée – les grilles ne dépassant pas les 20×15 et nécessitant rarement de faire des hypothèses de remplissage. Cela dit, comme évoqué précédemment, nous ne sommes pas ici devant un puzzle game pur et dur destiné aux experts. Le jeu s’adapte d’ailleurs à tous les niveaux, avec la possibilité d’activer différentes aides. Et pour ceux qui voudraient un peu plus de challenge, il propose aussi un système de score permettant, sur chaque affaire, d’augmenter son « Detective Rank » (de F à S) histoire de débloquer des grilles bonus donnant accès à certains souvenirs cachés de SCOUT. Pour accumuler suffisamment de points, il faudra toutefois renoncer aux aides et ne pas recourir au mode facile – ce dernier en activant certaines par défaut.

Une aventure de longue haleine

Convaincant dans son scénario et dans ses mécaniques de jeu, malgré quelques fausses notes ici ou là, le titre de Mediatonic offre également une réalisation tout à fait correcte. Bien que certains décors soient visuellement un peu simplistes et que les rares cinématiques animées jurent un peu avec le reste, le travail réalisé par Hato Moa et Damurushi, que ce soit sur le character design ou certains artworks, est en effet particulièrement réussi. Quant à la bande-son composée par Masakazu Sugimori, de très bonne facture, elle compense largement des bruitages assez banals et une absence logique de doublages. Néanmoins, si elle accompagne parfaitement les phases d’enquête, il faut reconnaître que son côté très entraînant peut être un peu perturbant lorsqu’on cogite depuis un moment sur un puzzle. Il arrivera donc parfois qu’on baisse temporairement le volume pour mieux se concentrer.

Dans tous les cas, l’expérience proposée par Murder by Numbers s’avère globalement très qualitative, a fortiori quand on la rapporte à son prix de vente plutôt doux (12,49 € sur l’eShop) et qu’on se rend compte que l’aventure peut facilement s’étaler sur vingt à trente heures. Malheureusement, le jeu souffre aussi de quelques petites lacunes, peut-être dues à son positionnement hybride ou à un léger manque de finition. Outre des incohérences ponctuelles dans la mise à jour de certains dialogues secondaires ou l’accès à des lieux déjà visités, c’est surtout en termes d’ergonomie que les oublis se font ressentir. Des options typiques des picross, comme la possibilité de sauvegarder une grille en cours ou de la recommencer de zéro, manquent ainsi à l’appel. De plus, s’il est toujours possible de rejouer une affaire afin d’obtenir le rang S tant convoité, on ne pourra pas zapper les dialogues déjà lus, ni les grilles déjà complétées.

Tout cela n’est certes pas fondamentalement rédhibitoire et relève davantage du confort de jeu, mais il y a clairement matière pour de futures améliorations, que ce soit via un patch, une éventuelle extension, voire même carrément un second volet, vu que la conclusion s’y prête parfaitement. Ce serait d’ailleurs l’occasion d’ajouter quelques fonctionnalités tactiles, histoire de satisfaire les joueurs nomades friands de ce mode de contrôle. Et si on rêve déjà de retrouver Honor et SCOUT dans de nouvelles enquêtes inédites, c’est finalement bien la preuve que le titre de Mediatonic est une jolie surprise qui mérite sans problème qu’on s’y intéresse dès maintenant.

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