En résumé
L'avis de Kalimari
Vingt-quatre ans, vous dites ? Difficile d’y croire tant Devil May Cry reste un jeu terriblement efficace malgré les années, en dépit d’un game design encore loin d’être abouti. Il n’empêche, les bases de la série et d’un sous-genre entier étaient déjà là , pavant la voie à nombre d’autres titres qui lui emboîteront le pas dans les années suivant sa sortie. Avec un lissage en haute-définition bienvenu et une technique logiquement impeccable sur Nintendo Switch, il s’agit là d’une des meilleures portes d’entrée pour quiconque souhaite découvrir le beat’em up 3D sans risquer de crouler sous les mécaniques nombreuses et la difficulté certaine de jeux plus actuels. Le sentiment de progression est bien tangible, l’ambiance y est fascinante, tandis que le level design maîtrisé invite à l’aventure avec ses nombreuses surprises (combats sous-marins en première personne, boss en shoot’em up, aspect survival horror ou encore plateforme). On peut lui reprocher une caméra capricieuse, voire questionnable (plus encore aujourd’hui), ou un scénario et des personnages qui ont pris un sacré coup de vieux, mais le rythme bouillonnant de l’aventure continuera de marquer des générations entières de joueurs. Peut-être faut-il attendre une promotion, surtout si on ne souhaite pas effectuer de multiples runs sur un titre qui se bonifie davantage avec le temps de jeu et la maîtrise. Dans tous les cas, impossible de nier l’impact fou qu’aura eu Devil May Cry sur l’industrie du jeu vidéo. Assurément légendaire.
Les plus
Les moins
par Kalimari
le 10 octobre 2025 16:37
Disponible sur le Nintendo eShop depuis le 25 juin 2019, il faut en fait remonter jusqu’au 23 août 2001 pour trouver la date de sortie initiale de Devil May Cry, premier épisode d’une série aussi légendaire que variable sur le plan qualitatif de ses volets. Véritable fondateur d’un sous-genre à part entière, celui du beat’em up 3D, le premier opus retraçant les aventures du chasseur de démons Dante représentait également l’une des toutes premières baffes graphiques de la PlayStation 2. Un titre alors critiqué par les joueurs de l’époque pour sa faible durée de vie, mais qui jouissait – non sans ironie – d’une rejouabilité ingénieuse. Diablement réussi dans ce qu’il propose, à savoir un mélange d’action débridée et d’aventure survoltée, Devil May Cry invite les joueurs à se défaire des hordes de l’Enfer, mais toujours avec style et désinvolture. Pour un peu moins de vingt euros, les plus jeunes et autres retardataires sont conviés à s’y essayer, à l’heure où la franchise s’apprête à fêter son quart de siècle. À l’occasion de la sortie de l’adaptation animée sur Netflix, on se permet de dépoussiérer un pan de l’histoire vidéoludique pour déterminer si Devil May Cry reste un jeu à la hauteur de sa réputation ou non.
Test réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une version commerciale
L’histoire prend place dans le bureau de Dante, détective privé et chasseur de démons à ses heures perdues. Fils de Sparda, légendaire guerrier démoniaque ayant pris parti pour l’humanité dans la guerre qui l’opposa au monde des Enfers, il a hérité de ses extraordinaires pouvoirs. Tout cela, le joueur le devine à l’aide d’un texte déroulant, à la police gothique à l’extrême, qui peut se révéler fastidieux à saisir. Le ton est donné : Devil May Cry est assurément kitsch, voire un peu nanar sur les bords. Il n’y a qu’à voir comment Dante, attaqué par une jeune femme blonde répondant au nom de Trish, repousse une moto sportive et ses centaines de kilos à l’aide de ses deux pistolets. Au diable la physique : Hideki Kamiya (Bayonetta, Ôkami, The Wonderful 101 ou encore Viewtiful Joe) et son équipe préfèrent exhiber une action fantasmée plutôt qu’une quelconque volonté de rendre leur scénario réaliste, ni même crédible.
Quand on pense qu’à l’origine Devil May Cry fut une ébauche pour Resident Evil 4, on comprend à la fois la ressemblance dans leur réalisation déchaînée, mais aussi leur scission tant les deux franchises peuvent paraître éloignées. Pour en revenir à l’histoire du titre, d’après Trish, le terrible Mundus est de retour. Maître incontesté des Enfers défait par Sparda, il est aussi celui qui a assassiné la mère et le frère de Dante, il y a des années de cela. Sans aucune hésitation, le chasseur de démons accepte la mission de la mystérieuse jeune femme, bien décidé à sauver le monde, mais aussi à se venger du bourreau de sa famille. Pour cela, direction l’île de Mallet où s’élève un mystérieux château, point névralgique où convergent notre dimension et celle des démons. Si le portail reliant les Enfers à la Terre venait à s’ouvrir, c’est toute l’humanité qui en subirait les conséquences.
Bien que les cinématiques aient subi les affres du temps, la direction artistique, elle, semble n’avoir pris aucune ride. L’île de Mallet, isolée au beau milieu de la mer et baignée d’un coucher de soleil réconfortant, donne l’impression d’être en proie à une nostalgie venue d’on ne sait où. Les premiers pas sur ces terres abandonnées sont étonnamment calmes, bien loin du vacarme de l’introduction d’un Bayonetta. Le joueur y trouvera ses premiers objets permettant d’améliorer ses caractéristiques (les orbes), mais profitera également de l’occasion pour essayer ses mouvements de base. En plus de courir, Dante peut effectuer un saut pour rebondir sur un mur, atteindre des plateformes en hauteur ou tout simplement esquiver des attaques. En ciblant devant soi, sa course se transforme en marche, et il est possible d’effectuer des roulades sur le côté ou un salto arrière. En ce début d’aventure, l’arsenal du chasseur de démons est limité aux deux pistolets et à une épée, mais il suffira très vite de parcourir le château pour dénicher de nouvelles armes (fusil à pompe, gantelets, lance-roquettes, etc.).
Piochant allègrement dans le gothique et le grotesque, la fortification dominant l’île de Mallet se révèle davantage inquiétante une fois pénétrée. Il y fait sombre, les statues, peintures et autres œuvres d’art semblent menaçantes, les piliers se meuvent de manière étrange, mais surtout la bande-son du titre (composée par Masami Ueda, Masato Kouda et Misao Senbongi) se montre oppressante, voire effrayante, comme lorsqu’on entend un orgue jouer quelques notes au loin avant de se faire silencieux. Un château qui semble hanté, avec ses salles où sont pendues des marionnettes, ses mécanismes à activer mais pour l’instant indéchiffrables, son donjon humide et sa tour exiguë, ou encore ses nombreuses bibliothèques et ouvrages recensant l’histoire tragique de la région et de la famille royale. Une ambiance qui fait froid dans le dos et qui, avouons-le, rappelle à bien des égards celle d’un Resident Evil. Un sentiment d’horreur qui ne fait que s’accroître au rythme des missions qui composent l’aventure, plongeant l’île et sa bâtisse dans l’obscurité de la nuit jusqu’au dénouement final.
Ce n’est qu’après plusieurs minutes de jeu que Devil May Cry embrasse son image de titre « over the top », accompagnant ses phases d’empoigne d’une musique mêlant métal alternatif et électro. Le titre ne propose que peu de tutoriels aux joueurs, et il faudra donc se référer aux menus en jeu pour découvrir les différentes actions liées aux armes équipées. Si du côté des flingues le champ des possibles reste limité, c’est une toute autre affaire avec les armes de corps à corps. Celles qui le permettent possèdent en effet des mouvements spéciaux, comme dans un jeu de combat, lesquels peuvent ouvrir la voie à des combos dévastateurs. Basique en apparence, le gameplay de Devil May Cry propose en réalité une courbe de progression bien visible pour quiconque désire s’y investir. Toutefois, pour acquérir des coups spéciaux tels qu’un estoc ou un uppercut servant de launcher pour asséner l’ennemi de frappes aériennes, le joueur devra d’abord mettre la main sur un bon paquet d’orbes rouges.
Ceux-ci sont trouvables sur la dépouille des démons vaincus, et échangeables via des statues soulevant un énorme sablier. Le nombre d’orbes rouges à récolter varie selon la puissance de l’ennemi terrassé, mais aussi du Rang de Style obtenu. C’est bien là la grande nouveauté proposée par Devil May Cry : un système de score se basant sur la variété des coups portés aux ennemis, interrompu au moindre dégât subi par Dante ou si le joueur met trop de temps à maintenir la jauge. User et abuser de la même attaque peinera à faire grimper le Rang de Style, incitant le joueur à varier son panel de coups pour améliorer son rang (dans l’ordre croissant : D, C, B, A et S). Les armes à feu, elles, ne font que très peu progresser le Rang de Style, mais permettent de maintenir la jauge ; utile lorsque les derniers ennemis se trouvent de l’autre côté de la zone, obligeant le joueur à prendre du temps de combo pour les rejoindre.
Face aux boss et autres ennemis récalcitrants, le mieux reste encore de dégainer le Devil Trigger. Cette mécanique de jeu est extrêmement importante, puisqu’en échange de ressources, Dante gagne en puissance, vitesse et résistance, tout en régénérant graduellement sa santé. Véritable machine de guerre, il peut enchaîner les coups d’épée avec rapidité, éviter de chanceler au moindre coup ou infliger de lourds dommages aux cibles ennemies. Une transformation surpuissante donc, mais qui nécessite quelques conditions : le joueur doit posséder au moins trois runes chargées dans sa jauge de magie pour s’activer, lesquelles se rechargent en frappant des démons quand Dante est dans sa forme de base. Une fois activée, la jauge de magie se vide au fil des secondes, mais il est également possible de mettre fin au Devil Trigger en l’activant de nouveau. Comme pour la jauge de santé et ses orbes bleues, celle du Devil Trigger peut être agrandie en récoltant quatre orbes violettes.
D’autres consommables et objets sont mis à disposition du joueur, qu’il les achète ou les trouve sur son chemin. On y retrouve, pêle-mêle : des orbes jaunes qui donnent une vie supplémentaire pour éviter le game over ; des étoiles vertes et violettes de différentes tailles pour soigner la santé de Dante ou recharger sa jauge de Devil Trigger ; une autre étoile rendant momentanément invincible ; ou encore de l’eau sacrée pour infliger de lourds dégâts aux ennemis proches, boss compris. Devil May Cry est un titre difficile, mais loin d’être injouable pour peu que le joueur prenne le temps de lire et d’apprendre les spécificités de chaque arme et de chaque ennemi présent dans le codex en jeu. En revanche, il reste exigeant, demandant une attention certaine lors des affrontements de boss ou dans des arènes bourrées d’ennemis : les dégâts y sont importants, et la situation peut vite dégénérer si le joueur se montre distrait l’espace d’un instant.
Finalement, la vraie difficulté du titre réside davantage dans la caméra fixe et ses changements d’angle parfois frustrants. Véritable vestige de la philosophie de la trilogie initiale de Resident Evil, elle est ici questionnable tant elle semble aller à l’encontre de la précision demandée par l’action nerveuse du jeu. Il n’est pas rare de se rediriger vers un démon mortel alors qu’on cherchait à le fuir, ou de rater l’exécution d’un coup spécial, la faute à un changement soudain d’angle de caméra. Avec l’habitude, ce défaut devient relativement mineur, mais il nous semblait important de le signaler aux nouveaux venus qui pourraient trouver ce choix particulièrement archaïque. Enfin, quant à ceux qui désireraient davantage de challenge, Capcom n’a pas oublié de proposer des modes de difficulté supplémentaires. Le joueur commence forcément l’aventure en Normal et devra la finir comme telle pour débloquer le mode Difficile.
Il ne s’agit pas là de simples changements dans les points de vie des démons à affronter ou les dégâts qu’ils infligent ; les dommages de Dante sont diminués, la régénération de santé du Devil Trigger est amoindrie, mais surtout les ennemis qui apparaissent varient, avec des espèces fortes intervenant très tôt dans l’aventure et des démons plus faibles se faisant plus rares tout au long des missions. Quant aux plus énervés, un mode de difficulté ultime – Dante Must Die – permet aux joueurs d’affronter des démons capables d’activer le Devil Trigger, ou encore des boss infligeant cinq fois leurs dégâts habituels. Autant le dire tout de suite, rares sont ceux qui verront la lumière au bout du tunnel. Devil May Cry invite tout de même les joueurs à refaire plusieurs fois l’aventure, en Normal ou dans tout autre niveau de difficulté, dans le simple but d’améliorer leur note donnée à chacune des vingt-trois missions composant le jeu.