En résumé
L'avis de Greg-sHAOlink
Neva s’inscrit dans la lignée de GRIS en offrant une expérience artistique marquante, sublimée par des graphismes enchanteurs et une bande-son exceptionnelle. Le jeu parvient à toucher par son propos engagé, sa narration minimaliste et la beauté de ses décors. Cependant, malgré l’ajout de combats dynamiques et d’un rythme globalement maîtrisé, le gameplay reste relativement simple, et certains joueurs pourraient ressentir un manque de profondeur. Avec une durée de vie modeste, Neva propose une aventure courte mais intense, qui saura séduire ceux qui cherchent avant tout une expérience plus émotionnelle que ludique. Pour les amateurs d’esthétique soignée et de jeux narratifs, Neva est un titre à ne pas manquer ; pour les autres, il faudra sans doute attendre le troisième jeu de Nomada Studio pour enfin toucher au but.
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par Greg-sHAOlink
le 14 octobre 2024 18:00
Annoncé en mai 2023, le nouveau jeu du studio barcelonais Nomada Studio s’apprête à pointer le bout de son museau le 15 octobre 2024 sur Nintendo Switch entre autres consoles. Après le succès critique de GRIS en 2018, salué pour son esthétique marquante, mais dont le gameplay avait été jugé trop limité, Neva se présente comme l’œuvre de la consécration pour les développeurs espagnols. Si les premiers trailers confirment une nouvelle fois leur maîtrise artistique indéniable, la grande question reste de savoir si, une fois la manette en main, le jeu parviendra à offrir plus qu’une belle balade artistique et onirique.
GRIS abordait avec poésie les différentes phases du deuil. Neva, quant à lui, s’articule autour de deux thématiques majeures et entremêlées : d’une part, la relation parent-enfant, incarnée par le lien entre Alba, la protagoniste, et Neva, un jeune loup-cerf qui grandit tout au long du jeu, développant peu à peu son propre caractère et s’émancipant de la protection d’Alba. D’autre part, les créateurs, marqués par des problématiques telles que le changement climatique, les bouleversements sociaux et la pandémie de COVID-19, plongent ce duo dans un monde en déliquescence. La nature, initialement splendide, se corrompt sous l’influence d’entités maléfiques qui ravagent les écosystèmes de la planète. Le ton est donné dès la scène d’introduction, sans dialogue, à l’image du reste du jeu. Cette séquence établit clairement les enjeux à venir. Si Alba possède d’emblée une grande partie de ses capacités, c’est la croissance de Neva qui apportera progressivement de nouvelles mécaniques de gameplay, tout en reflétant l’évolution de leur relation fusionnelle. Ce lien, subtil mais puissant, s’exprime à travers une narration minimaliste qui parvient à émouvoir sans un mot, jusqu’au dénouement de l’aventure.
Nomada Studio en met une fois de plus plein la vue. Les graphismes sont magnifiques, encore plus impressionnants que les tableaux dépeints dans GRIS. Le jeu foisonne de couleurs dans un style sans contours, agrémenté de touches néo-impressionnistes. Chaque paysage, chaque environnement, chaque saison émerveille par sa beauté. Les influences assumées et habilement combinées du Studio Ghibli, notamment Princesse Mononoké pour de nombreux éléments évidents, et de Dark Souls pour certaines structures et ambiances, parachèvent une esthétique de haute volée. La caméra, qui zoome et dézoome par moments, dévoile des scènes gigantesques où le joueur se sent insignifiant face à l’immensité qui l’entoure. Les multiples couches qui composent l’avant-plan et l’arrière-plan créent des décors foisonnants, pleins de vie, qui racontent l’évolution du monde avec finesse. Cependant, quelques décors trop chargés rendent parfois les déplacements confus – heureusement, ces moments restent très rares. Enfin, les quelques séquences animées qui ponctuent les moments clés de l’intrigue s’inscrivent dans la continuité de la direction artistique des phases de jeu, offrant des pauses tantôt émouvantes, tantôt épiques.
L’ambiance globale est sublimée par la bande-son exceptionnelle de Berlinist, qui constitue une composante majeure de l’expérience artistique offerte par Neva. La musique, chargée d’émotions, accompagne avec justesse les différentes phases du jeu : elle enveloppe les moments plus calmes de plateforme avec douceur, tandis que le rythme s’intensifie lors des combats, atteignant parfois une véritable frénésie lors des phases de poursuite. L’enchaînement fluide et parfaitement maîtrisé des émotions qui jalonnent les différentes étapes du jeu est remarquable. Il faut également souligner le travail minutieux sur les bruitages et l’ambiance sonore, qui renforcent l’immersion dans ces paysages enchanteurs. Le craquement de la neige sous les pas, le bruit subtil de l’effritement de certains éléments du décor révélant des passages secrets, le bruissement des feuilles d’automne ou encore les éclaboussures des flaques d’eau rappellent au joueur que cette aventure est avant tout une ode à la beauté des détails infimes de la nature qu’Alba et Neva essaient de sauver.
Côté gameplay, Neva repose sur une base classique de jeu de plateformes en 2D : sauts, doubles sauts, voire triples sauts en combinant un dash d’esquive pour couvrir plus de distance, ainsi que la possibilité d’escalader certaines parois ornées de fleurs blanches. Il est même possible d’appeler Neva à ses côtés ou de la caresser ; les fans de poil animal seront ravis. L’exploration est fluide, Alba se contrôle avec précision et les déplacements sont très naturels. En revanche, comme dans GRIS, malgré l’immensité de certains environnements, il est difficile de se perdre : il n’y a souvent qu’un seul chemin, ou deux tout au plus, mais qui finissent par ramener au même endroit. Si la grandeur des décors impressionne visuellement, elle reste limitée en termes d’exploration, le joueur étant souvent contraint de suivre des itinéraires balisés. Cela dit, il existe tout de même trente fleurs cachées dans des zones reculées, parfois difficiles d’accès ou dissimulées derrière des puzzles optionnels. Les casse-têtes, qu’ils soient obligatoires ou non, restent simples et ne demandent pas beaucoup de réflexion. Ce n’est donc pas sur cet aspect que Nomada Studio a cherché à apporter du challenge à son aventure.
Jusqu’ici, Neva semblait n’être qu’une autre itération de la formule GRIS. Cependant, les développeurs ont visiblement pris en compte les critiques de certains joueurs déçus par le manque d’action, ce qui a conduit à l’ajout de combats dans Neva, transformant un simple jeu de plateformes en un jeu d’action-plateformes. Là encore, les mécaniques demeurent simples : attaque à l’épée sur les côtés ou en retombant après un saut, dash d’esquive qui rend Alba invulnérable pendant un court instant, et plus tard dans l’aventure, la possibilité d’ordonner à Neva d’attaquer dans une direction précise. Cela permet de réaliser des combos où Neva immobilise un ennemi en le mordant, laissant à Alba le soin de l’enchaîner avec son sabre. Alba dispose de trois points de vie, représentés par des fleurs en bas de l’écran. Lorsqu’elle est touchée, elle perd un point de vie, mais peut le récupérer en enchaînant les ennemis sans se faire toucher. En cas de nouvelle blessure avant la récupération complète, elle perd un autre point de vie, jusqu’au game over. On peut aussi regagner des points de vie en trouvant des cairns de soin ou auprès de Neva après certains combats.
Les combats sont globalement dynamiques et assez punitifs ; il n’est pas rare de mourir fréquemment. Heureusement, le joueur respawne immédiatement au même endroit, ce qui évite toute frustration et permet d’apprendre rapidement les patterns des ennemis. Ce qui rend le jeu intéressant, c’est que l’évolution du monde et de Neva s’accompagne d’un changement du bestiaire. La variété ne vient donc pas d’Alba, qui conserve les mêmes mouvements tout au long de l’aventure, mais des ennemis, dont les comportements varient suffisamment pour exiger une analyse attentive. On affronte également quelques boss, imposants et souvent jouissifs à combattre, apportant un bel éventail de patterns, de rythmes et de styles. On note cependant quelques problèmes d’AoE (zones d’effet) peu claires, où Alba se fait toucher de manière inattendue. En somme, c’est une avancée convaincante dans la bonne direction, même si le manque de profondeur se fait sentir ; les combats, bien qu’agréables, finissent par montrer leurs limites, la palette de coups se résumant à seulement deux attaques principales. Le jeu propose deux modes : le Mode Aventure, correspondant à la difficulté normale, et le Mode Histoire, où Alba ne perd pas de points de vie et inflige plus de dégâts. Il est possible de basculer d’un mode à l’autre à tout moment, sans pénalité.
Comme évoqué précédemment, c’est surtout Neva qui évolue, passant de l’état de louveteau au début du jeu, lors de l’été, à une adulte majestueuse au printemps suivant, entraînant de nouvelles mécaniques d’exploration. Le jeu se décompose en quatre chapitres principaux, chacun correspondant à une saison de l’année, avec un premier chapitre estival servant d’introduction, et un chapitre final au printemps qui fait office d’épilogue. Chaque saison est divisée en plusieurs sous-parties, chacune explorant un aspect de la saison en question, ce qui permet au joueur de traverser une multitude d’environnements variés, sans jamais sombrer dans la redite. Le jeu se renouvelle constamment, introduisant de nouvelles énigmes, des phases de plateformes et des ennemis inédits. L’aventure se termine en un peu moins de cinq heures, et il ne faut guère plus pour la compléter à 100 %. Les éléments cachés ne sont pas très difficiles à trouver, et le découpage en chapitres et sous-parties, accessibles depuis le menu, permet au joueur de revenir en arrière facilement pour découvrir ce qui aurait pu être manqué lors d’une première run. Le rythme est globalement bon, alternant plateformes, puzzles et combats. Comme pour GRIS, cette durée de vie modeste permet de conserver un excellent équilibre. On aurait certes apprécié davantage de contenu, notamment encore plus de variété dans les combats, mais cela aurait pu se faire au détriment de la qualité globale du jeu. Neva est assurément plus « jeu vidéo » que GRIS, mais il lui manque sans doute encore un soupçon de profondeur pour convaincre totalement les plus réticents…