Test de Persona 3 Portable sur Nintendo Switch

Persona 5 et Persona 5 Royal ont fait un véritable carton, et ont par la même occasion permis de mettre la saga de JRPG en avant après des années de relative confidentialité en Occident. Il est donc logique pour Atlus et SEGA de vouloir capitaliser sur ce succès en permettant aux joueurs d’avoir accès à des jeux plus anciens de la série. Le choix s’est porté sur Persona 3 et Persona 4, qui ont posé les fondements de la saga avec la mise en place des systèmes de liens sociaux. Si pour Persona 4 il a été assez évident de choisir de porter la version Persona 4 Golden, qui est une version « définitive » et complète du jeu d’origine, pour Persona 3 le choix est plus compliqué, étant donné que trois versions (Persona 3, Persona 3 FES et Persona 3 Portable) existent. Le choix d’Atlus s’est finalement porté sur la version sortie à l’origine sur PSP, à savoir Persona 3 Portable (ou P3P pour les intimes). Dans le cadre de ce test, on présentera la version de P3P qui est désormais disponible sur Switch, on discutera la pertinence de ce choix, et on s’interrogera sur le potentiel de ce jeu auprès de trois types de publics : les personnes qui découvrent complètement la saga Persona, les fans de la saga depuis ses débuts, et les personnes qui ont découvert la série via Persona 5 et souhaitent connaître ses origines.

Rappels sur la saga Persona

Avant de rentrer dans les spécificités de Persona 3 Portable, il est important de rappeler que Persona est une série JRPG, spin off de la série Shin Megami Tensei, dont la spécificité est de mêler un système unique de combats dans des donjons via l’invocation de créatures du folklore, avec la gestion de la vie lycéenne tout le long d’une année scolaire. Ainsi, l’année est rythmée par des événements scolaires tout à fait classiques, ainsi que par des événements surnaturels qui incitent les héros à se battre. La gestion des activités du quotidien a une incidence sur les combats qui ont lieu dans un monde parallèle.

La place de Persona 3 par rapport aux autres versions

Persona 3 est sorti à l’origine sur PS2, et a eu le droit à une première version améliorée en tous points, Persona 3 FES. Persona 3 FES a peaufiné l’histoire de Persona 3 et a notamment ajouté une portion d’histoire supplémentaire nommée « The Answer ». Persona 3 Portable est la dernière version de Persona 3 à être sortie (sur PSP initialement). Cette version comporte de nombreux éléments nouveaux et distinctifs qui auraient pu en faire une version définitive, mais les contraintes au niveau du développement lui confèrent des caractéristiques que certains trouveront non appréciables.

Des gros points positifs

Parmi les éléments ajoutés par P3P, on retrouve la possibilité de choisir entre un protagoniste masculin ou féminin (possibilité rarissime dans la série Persona). Le choix du protagoniste a une incidence sur des éléments d’histoire et notamment les liens sociaux que l’on peut développer avec les autres personnages, ce qui permet une belle rejouabilité. De plus, le gameplay lors des combats a été fortement optimisé en permettant entre autres le contrôle direct de toute l’équipe, comme dans Persona 4 et 5 (là ou dans le Persona 3 original on ne pouvait contrôler que le héros principal au combat et donner des consignes générales aux autres membres).

Limitations techniques

En revanche, comme le jeu est sorti sur une console portable moins performante que la PS2, à savoir la PSP, de nombreux éléments d’importance ont été supprimés. Ainsi, seuls les donjons se parcourent en 3D, toutes les activités du quotidien devant se contenter d’une représentation à la visual novel/point and click en 2D relativement vilaine. De plus, toutes les cinématiques animées qui font le charme de la saga ont aussi été retirées, ce qui amoindrit l’immersion de façon conséquente.

Pour un fan de la première heure, il risque donc d’y avoir une déception : au lieu d’avoir conçu une version ultime (et réellement remasterisée) de Persona 3 comportant à la fois les éléments d’histoire de Persona 3 Portable, et les visuels plus attractifs de Persona 3 FES, Atlus a simplement décidé de porter P3P, qui est une version fortement perfectible. D’autant plus que la Switch ne possède pas du tout les mêmes limitations que la PSP.

Optimisations de la version Switch 

Le portage Switch comporte en revanche des améliorations notables : possibilité de choisir le niveau de difficulté avant le New Game + (ce qui permet aux moins confiants de jouer avec une difficulté réduite ou aux plus forts de se challenger directement), traductions dans plusieurs nouvelles langues dont le français, l’allemand, l’espagnol, l’italien, le chinois et le coréen, en plus du japonais et de l’anglais (même si on est très déçu par le fait que les traducteurs n’aient pas été mentionnés dans les crédits, ce qui est assez scandaleux) et sauvegarde rapide. Les doublages ne sont disponibles qu’en anglais et en japonais, mais les joueurs pourront toujours profiter de la BO tantôt mystérieuse tantôt urbaine de Shoji Meguro et Yosuke Uda. Pour les fans de Persona 3, cela reste aujourd’hui la version la plus complète et à jour, même si elle est loin d’être complètement satisfaisante.

L’heure mystérieuse

Persona 3 Portable a initié bon nombre d’éléments caractéristiques de la série et qui font son charme. Le joueur incarne un héros qui déménage dans une ville côtière où il doit intégrer un nouveau lycée ainsi qu’un dortoir. Il découvre assez vite qu’un phénomène étrange se produit tous les soirs à minuit. Il existe une heure cachée et dangereuse durant laquelle les gens normaux se transforment en cercueil (et ne sont donc pas conscients de ce qui leur arrive), tandis qu’une poignée d’élus peuvent rester éveillés et doivent se battre contre des entités nommées Ombres pour préserver le reste de l’humanité. Si les Ombres ne sont pas vaincues régulièrement, de plus en plus d’habitants sont atteints d’un étrange syndrome qui les rend apathiques. Un donjon mystérieux, le Tartarus, vient aussi remplacer le lycée, et atteindre son sommet semble être la condition principale pour trouver la clé du mystère.

Une expérience à l’ancienne

Contrairement à Persona 4 et Persona 5, P3P ne comporte qu’un seul unique et immense donjon (similaire au Mementos de Persona 5). Par ailleurs, le jeu comporte tous les éléments principaux d’un Persona moderne : la création de liens sociaux avec des personnages hauts en couleurs, la possibilité de vivre un quotidien de lycéen normal au Japon, et la nécessité de se battre dans un univers parallèle à l’aide de démons.

Il faut avoir conscience que P3P reste un JRPG relativement rudimentaire, et qui peut donc perturber ou ennuyer un joueur qui découvre la série ou qui sort directement de Persona 5. Les activités du quotidien que l’on peut entreprendre sont relativement limitées, les interactions avec les liens sociaux ne confèrent pas beaucoup d’avantages au combat, si l’on exclut la fusion des démons. Le jeu est aussi visuellement peu stimulant (la pire version de Persona 3 de ce point de vue-là), notamment parce qu’on ne peut pas parcourir la ville en 3D. Et le donjon unique, généré de façon procédurale, peut être très frustrant et redondant pour ceux qui n’en ont pas l’habitude.

Une vision différente

En revanche, P3P a une ambiance plus sombre, plus intrigante, assez unique et que l’on ne retrouve pas dans Persona 4 et Persona 5, qui ont un côté cartoon plus fun. L’histoire traite de thématiques plus matures, et notamment le deuil, et vaut vraiment le coup d’être découverte. Par ailleurs, cela reste toujours fascinant de découvrir les origines de la saga et de faire la connaissance de tous les protagonistes incroyables qui l’ont rendue célèbre.