En résumé
L'avis de Klaus
Malgré les nombreux problèmes techniques que l’on peut rencontrer sur Switch, Le Vaillant Petit Page peut parvenir à enchanter de nombreux joueurs grâce à son monde qui déborde de créativité et de part ses idées, à la fois originales et amusantes, tant dans le gameplay que dans son histoire, ses environnements ou encore ses personnages. Sa durée de vie est correcte, et en sachant que l’on a affaire à une aventure sans prise de tête et idéale pour les plus jeunes, on s’ennuie rarement. Néanmoins, une fois arrivé à la fin, on aurait aimé que certaines mécaniques soient plus exploitées ou que des zones et des personnages soient davantage développés. Dans tous les cas, le studio fondé par James Turner et Jonathan Biddle nous offre une aventure qui est, certes perfectible sur le plan technique et dans ses idées sous-exploitées, mais est honnête et satisfaisante. All Possible Futures a les équipes et le talent nécessaires pour continuer à nous surprendre.
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Les moins
par Klaus
le 20 novembre 2024 15:00
Le Vaillant Petit Page, ou The Plucky Squire en anglais, est la première création de All Possible Futures, un studio fondé par deux vétérans de l’industrie du jeu vidéo. L’artiste et réalisateur James Turner est un ancien membre de Game Freak qui a œuvré sur de nombreux jeux Pokémon, notamment pour la conception de plusieurs créatures et personnages, mais aussi sur des jeux comme HarmoKnight et Tembo the Badass Elephant. Jonathan Biddle quant à lui est designer et réalisateur, connu pour son travail sur les jeux Swords of Ditto, Stealth Inc / Bastard et Hydroventure / Fluidity. Avec un tel duo à sa réalisation, l’œuvre avait su piquer notre curiosité dès son annonce en juin 2022. Édité par Devolver Digital, le titre mélange action, aventure et plateformes, avec des phases en 2D et 3D ainsi que des mini-jeux qui varient les genres. Il est sorti le 17 septembre 2024 en téléchargement sur Nintendo Switch, PlayStation 5, Xbox Series et PC. Concernant la version Switch, en sachant quelques jours avant le lancement qu’elle ne tournerait pas à 60 images par seconde et que les bandes-annonces partagées par Nintendo of America se basaient très certainement sur une autre version du jeu, on pouvait émettre des craintes quant à la qualité technique sur Nintendo Switch. Il s’est avéré que toutes les versions rencontraient plusieurs problèmes au lancement, cependant beaucoup d’entre eux ont été corrigés grâce à des mises à jour. Pour rendre notre verdict du Vaillant Petit Page, nous nous appuyons sur l’état du jeu basé sur la version 1.0.5. Il est possible que certains éléments mentionnés dans ce test bénéficient par la suite de corrections et d’améliorations via de futures mises à jour prévues.
Le Vaillant Petit Page s’ouvre sur une courte séquence en 3D présentant la chambre d’un certain Sam, qui se révèlera être un véritable terrain de jeu. On y voit des jouets, des figurines, des autocollants, de la peinture et bien d’autres objets éparpillés partout, mais surtout un livre écrit par un auteur fictif, E.N. Arthur. C’est dans ce livre que commence réellement l’aventure et où l’on trouvera la majeure partie des phases 2D mentionnées dans notre introduction. On découvre alors les premières parties narrées, ici en français, par François Tavares… mais on assiste aussi à un petit problème : alors que le texte à l’écran doit apparaître en même temps que la voix du narrateur, on observe un léger décalage. Rien de bien alarmant, mais dès les premières minutes, on ne peut que constater que le jeu souffre sur Switch.
L’histoire, écrite par James Turner, qui est également le réalisateur de ce jeu aux côtés de Jonathan Biddle, raconte les aventures de Laïus, aussi nommé Vaillant Petit Page. Vivant au sein du royaume de Mojo, une terre de créativité où l’art occupe une place très importante, Laîus est un héros et écrivain apprécié de tous qui protège les habitants des manigances de Ragecuite, l’antagoniste principal. Tout au long du jeu, on suivra le périple du Vaillant Petit Page, divisé en plusieurs chapitres, dès lors qu’il partira retrouver son ami et mentor Barbelune, un bon sorcier – contrairement à Ragecuite – qui a besoin de cire pour presser plus de disques. Il demande alors à Laïus d’aller en chercher. D’abord accompagné de Pipou, une souris qui parle, le héros sera ensuite rejoint par deux de ses amis d’enfance, Violette, une apprentie-sorcière, et Crash, un troll des montagnes.
Le début de l’aventure est volontairement simpliste et permet d’introduire en douceur les premières bases du gameplay. On commence avec des phases en 2D dans le livre du Vaillant Petit Page. Il est rempli d’animations et d’illustrations qui permettent déjà de voir toute l’étendue de l’art de James Turner. Les illustrations rendent honneur au travail de James Turner et des autres artistes, comme David Hankin pour les environnements ainsi que Daemion George-Cox pour le reste des illustrations 2D. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant des animations que l’on doit à Alex Berry, Kim Hui et Dan Flynn. Que ce soit en mode téléviseur ou portable, la version Switch fait face à de nombreux ralentissements et lags qui gâchent un peu la progression. Nous avons aussi noté, surtout au lancement, des bugs sonores réguliers, avec des faux raccords par rapport à la musique. Parfois, on observe même des animations qui disparaissent complètement, comme celle de la roulade de Laïus.
Les séquences en 2D du livre se déroulent sur plusieurs zones qui sont placées sur chaque page. Une fois que l’on a exploré deux pages, le jeu tourne automatiquement celle de droite pour passer aux suivantes, ce qui occasionne toujours un petit temps de chargement. Là aussi, ce n’est pas si grave, mais c’est une autre pierre à l’édifice qui prouve bien que la version Switch est en difficulté. Chaque page comporte des ennemis à abattre comme on le ferait dans les The Legend of Zelda en 2D, la série étant d’ailleurs l’une des sources d’inspiration du jeu, mais aussi des énigmes à résoudre pour pouvoir avancer. En jouant sur Switch, on a toujours un peu l’impression de patauger ; à un moment même, le jeu s’est tout simplement arrêté (avec un écran noir et un message affichant qu’une erreur est survenue).
Au-delà de sa direction artistique déjà très réussie durant les premières minutes de jeu, Le Vaillant Petit Page se distingue, durant ses premières heures, grâce à des énigmes qui demandent de jouer avec les mots. L’aventure est souvent ponctuée de phrases qui apparaissent sur les pages du livre, en plus des nombreuses illustrations et animations. Dans certaines pages, il y a des phrases qui peuvent être « attaquées » à l’aide de l’épée du protagoniste. Cela permet de trouver un mot qui peut être déplacé vers une autre phrase, où l’on peut aussi changer un mot. De cette façon, des phrases différentes sont formées. Cela a un impact sur les objets et autres éléments du décor en fonction de ce que les phrases décrivent. On n’a toujours qu’une seule solution pour résoudre les énigmes, mais à des moments, on peut s’amuser à former d’autres phrases pour changer des éléments du décor. C’est purement du bonus, et on ne débloque rien de plus en faisant cela, mais c’est l’un des nombreux aspects qui permet de se rendre compte que les développeurs se sont beaucoup amusés.
Les énigmes à base de mots permettent aussi de constater à quel point la localisation française est excellente. L’adaptation est cohérente et on apprécie également tous les moments humoristiques. Pour pouvoir fournir une localisation aux petits oignons, All Possible Futures et Devolver Digital ont fait appel à la société Native Prime, les personnes en charge de la localisation française étant Adrein Hermans, Arnaud Mathé, Cyril Jegou, Fanny Guédez, Paul Verdier et Stéphane Radoux. Avant le lancement, Jonathan Biddle, qui était réalisateur et programmeur sur cette œuvre, s’était justement exprimé sur les localisations, en disant qu’il déconseille de créer un jeu en 11 langues où l’on peut enlever et remplacer des mots afin de créer de nouvelles phrases. En jouant, on comprend mieux pourquoi. Même s’il n’y a pas énormément d’énigmes qui se basent sur des mots à déplacer, on peut imaginer le casse-tête des différents linguistes qui devaient à chaque fois adapter et changer des phrases pour qu’elles soient à chaque fois cohérentes avec ce que les développeurs voulaient faire et ce qui est présenté à l’écran. Heureusement, pour l’un des éléments les plus réussis du jeu, la localisation française parvient à l’embellir.
La grande aventure de Laïus commence réellement lorsqu’il a la possibilité, pour la première fois, d’être transporté en dehors du livre. Le héros devra voyager entre le livre et le bureau de Sam pour contrer les plans maléfiques de Ragecuite. Lorsqu’il passe en dehors du livre, le protagoniste se transforme en 3D, comme tous les éléments du décor qui l’entourent… à l’exception de certaines parties, comme des autocollants qui contiennent quelques séquences en 2D. L’aventure est en fait divisée en deux phases « principales » : celles en 2D, où l’on explore le livre, et celles en 3D, où Laïus doit voyager sur le bureau de Sam. Les deux phases mélangent action, aventure et plateformes. Les capacités de base de Laïus ne changent pas entre chacune d’elles, il a toujours son épée, il peut sauter et a un cœur représentant les « points de vie » qui lui restent. Il en perd donc lorsqu’il est attaqué par des ennemis, et s’il n’en a plus, c’est le game over assuré.
Les phases en 3D consistent le plus souvent à aller récupérer un objet nécessaire pour pouvoir progresser dans le livre. Pour cela, Laïus doit pratiquement toujours escalader les différentes constructions visiblement faites par Sam. Afin d’éviter la répétition, chaque « séquence » de ce type en 3D est différente en fonction des chapitres. Les décors sont donc toujours différents, et l’équilibre entre les phases 2D et 3D est également maîtrisé. Même si l’aventure commence dans le livre, il y a aussi de quoi faire sur le bureau en 3D. De plus, il y a parfois des passages où il faut aller et revenir dans le livre, mélangeant ainsi en même temps les sections 2D et 3D. Laïus doit alors utiliser des portails et on doit le diriger en résolvant des énigmes permettant de progresser dans l’aventure. Durant les phases en 3D, Laïus peut aussi utiliser des portails qui permettent de le transporter dans des autocollants et des chemins faits de papier en 2D. Parfois, il ne fait qu’avancer d’un point A vers un point B de cette façon, mais certains chemins comportent des plateformes et des ennemis à abattre. D’autres ont également des approches assez uniques en fonction des environnements explorés, témoignant de l’imagination débordante des développeurs et montrant jusqu’où ils ont pu aller pour faire tout ce qu’ils souhaitaient.
Au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire, on débloque des mécaniques différentes à utiliser pour interagir entre le livre et le bureau grâce à des objets importants récupérés durant certains chapitres. Par exemple, Laïus a la capacité de tourner lui-même les pages ; cela peut permettre de récupérer un mot qui se trouve sur page pour pouvoir ensuite le transporter sur une autre. On peut aussi faire bouger des éléments du décor grâce à un autre pouvoir à utiliser en dehors du livre, afin par exemple de créer de nouveaux chemins. Dans ce cas précis, on aurait aimé que la version Switch utilise les fonctions gyroscopiques de la console. Elle se limite simplement à l’utilisation des vibrations (très sommaire) et à la possibilité de jouer en mode portable. Compte tenu de ce que James Turner et Jonathan Biddle avaient pu faire sur consoles Nintendo précédemment, on aurait pu espérer quelques petites fonctions exclusives pour la Switch, mais ce n’est hélas pas le cas.
Durant les phases en 3D, Laïus doit aussi combattre des ennemis. Le bestiaire reste sensiblement le même entre les différentes sections, mais on apprécie comment certaines bestioles d’abord aperçues en 2D ont été transposées dans le monde en 3D. Étrangement, les passages en 3D tiennent parfois mieux la route que ceux en 2D. Il y a aussi des lags et des ralentissements, mais nous n’avons pas eu autant cette impression de « patauger » par rapport au livre. Visuellement, le monde en 3D est, certes, moins beau que sur les autres plateformes, mais il reste très correct et le mélange entre 2D et 3D est assez époustouflant. On a cité les artistes en charge de la 2D, les environnements en 3D que l’on doit à Tristan Chesselet et Amit Meclovitz, ainsi que l’animation 3D de Geoff Trustler, sont également réussis.
Parmi les autres qualités du Vaillant Petit Page que l’on peut citer, il y a aussi les musiques de Mike Georgiades (Assassin’s Creed Odyssey, Outcasters) qui s’adaptent parfaitement aux décors et aux scènes, ainsi que l’excellente conception sonore d’Allister Brimble (mention spéciale aux grenouilles qui chantent et qui ronflent). Toutefois, comme indiqué plus haut, la version Switch ne permet pas d’en profiter pleinement, à cause des bugs sonores et des lags. La version Switch souffre d’ailleurs de plus belle après avoir sérieusement avancé dans l’aventure. Nous avons noté des moments où les pages se mettent à tourner toutes seules. La première fois que cela nous est arrivé, nous avons décidé de revenir à l’écran-titre du jeu pour recommencer (ce n’est pas un problème aussi grave que d’autres que nous avons pu constater, mais il n’y a pas de sauvegarde manuelle, le jeu sauvegarde automatiquement et si l’on décide donc de le quitter à certains moments, il se peut que l’on doive par la suite recommencer certaines sections). La deuxième fois, nous avons attendu que les pages s’arrêtent de tourner. Pendant ce temps, on pouvait diriger Laïus, mais les ralentissements étaient encore plus présents et le héros n’effectuait pas tous les mouvements que l’on faisait. Finalement, ce bug très étrange s’est arrêté lorsque l’on est revenu au tout début du chapitre ; cela a duré plusieurs minutes. Il a donc fallu tourner encore une fois les pages pour revenir au passage souhaité. La première fois, il y avait de quoi avoir un peu peur par rapport à notre sauvegarde, puisqu’après avoir repris la partie, la musique était saccadée et les ralentissements encore plus présents. Nous n’avons donc pas eu d’autre choix que de redémarrer le jeu, le bug a alors disparu mais il nous a fallu recommencer tout un passage.
Le Vaillant Petit Page embarque différentes options permettant de régler le gamma de l’écran, l’audio du jeu, les commandes, les vibrations et les paramètres d’accessibilité (saut assisté, affichage des portails cachés, désactivation de la chute des plateformes, invincibilité et possibilité d’éliminer les ennemis en un seul coup). De plus, il faut savoir qu’en lançant une nouvelle partie, on peut choisir entre deux modes : Aventure et Histoire. Le premier est pensé pour les personnes qui aiment les défis, et le deuxième pour celles et ceux qui veulent simplement profiter de l’histoire sans se prendre la tête. De base, l’aventure n’est pas si difficile et les énigmes peuvent être résolues sans aide. Cependant, le mode Aventure est encore plus compliqué sur Switch à cause des bugs, des ralentissements et des lags qui peuvent donner lieu à des erreurs, et donc à des frustrations.
Du début à la fin, Le Vaillant Petit Page offre une aventure satisfaisante qui laisse place à une imagination débordante et qui montre bien la liberté créative de James Turner et Jonathan Biddle. Toutefois, on ne peut que regretter que la version Switch gâche parfois un peu l’expérience. D’autres améliorations et corrections de bugs sont à venir, mais après avoir terminé le jeu, on se dit qu’il aurait peut-être fallu se tourner vers un autre support pour profiter pleinement du périple de Laïus. Par contre, il y a bien quelques défauts que l’on retrouve logiquement sur toutes les plateformes. Il est regrettable de constater que certaines mécaniques ont été sous-exploitées ; elles auraient mérité toutes d’être un peu plus utilisées au cours du jeu et d’avoir plus de profondeur. Le Vaillant Petit Page manque aussi d’activités secondaires qui auraient permis un peu plus de rejouabilité et de revenir après avoir fini l’aventure principale. La possibilité de récolter tous les parchemins d’art qui permettent de voir de nombreuses illustrations conceptuelles et d’en apprendre plus sur le développement bonus représente l’une des nombreuses qualités du jeu, mais on aurait aimé avoir plus de choses à faire. De même, les mini-jeux plutôt réussis et inspirés clairement d’autres œuvres comme Punch-Out! ou Rhythm Paradise, qui sont aussi l’équivalent de combats contre des boss, ne peuvent pas être rejoués librement. Pour pouvoir les refaire, il faut sélectionner les chapitres à partir de l’écran-titre.
Il nous a fallu environ 10 heures pour terminer Le Vaillant Petit Page. Pour tout finir à 100 % (tenter d’obtenir par exemple tous les parchemins d’art), la durée de vie n’augmente pas vraiment, ce qui nous pousse donc à regretter que le jeu ne contienne pas plus de contenu annexe. Le Vaillant Petit Page reste une aventure sympathique, mais il faut garder à l’esprit que le jeu ne va pas bien loin en termes d’histoire ou de challenge. C’est d’ailleurs tout à fait assumé par les développeurs. Cela le rend idéal pour les plus jeunes et pour les personnes qui cherchent simplement à s’amuser dans un monde enchanteur et coloré, avec une créativité folle. Malgré les difficultés qu’éprouve la Switch à faire tourner ce titre, nous avons tout de même apprécié le temps passé à voyager entre les mondes en 2D et en 3D. On en veut encore plus, et on a hâte de découvrir les prochaines aventures imaginées par James Turner et Jonathan Biddle.