En résumé
L'avis de Klaus
En ressuscitant la série sur Switch avec les remakes des premiers jeux, Nintendo et MAGES. avaient déjà prouvé que Famicom Detective Club pouvait très bien revenir sur le devant de la scène des meilleurs jeux d’aventure textuels et des visual novels. Emio – L’Homme au sourire offre lui aussi une aventure mémorable, dont on peut cette fois-ci difficilement sortir indemne à son dénouement, au vu des scènes et des thèmes abordés. Cela signifie que ce volet n’est pas à mettre entre toutes les mains, sa classification PEGI 18 étant tout à fait justifiée. Cet aspect mis à part, il est aussi important d’insister sur le fait qu’il est tout à fait possible de jouer à cet épisode sans avoir fait les précédents, bien que connaître les personnages principaux et leurs histoires passées puisse enrichir l’appréciation d’Emio – L’Homme au sourire, puisqu’il est intéressant de voir comment le duo de protagonistes a grandi et évolué. On peut regretter que le gameplay ne se soit pas vraiment renouvelé et qu’il puisse toujours être frustrant, mais comprendre son approche transforme ce Famicom Detective Club en un jeu très intéressant et amusant. Une fois l’aventure terminée, on peut être tenté d’espérer que Nintendo continue sur cette lancée, en collaborant avec MAGES. qui a de nouveau réalisé un travail remarquable. Avec l’implication de Yoshio Sakamoto, la série est de toute évidence entre de bonnes mains.
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par Klaus
le 28 août 2024 14:00
Il y a plus de 36 ans, Nintendo débutait une série de jeux d’aventure à la demande de Gunpei Yokoi, qui avait approché Yoshio Sakamoto pour créer un certain Famicom Shonen Tanteidan (Family Computer Youth Detective Group) avec une autre société, Tose. Ce fut un véritable défi pour le designer à l’époque, car, bien qu’il n’ait aucune expérience en tant que scénariste, il avait été agréablement surpris après avoir joué au jeu d’aventure textuel Portopia Renzoku Satsujin Jiken (The Portopia Serial Murder Case) sur NES, que l’on doit à Yuji Horii. Il désirait donc vraiment créer quelque chose de similaire. C’est ainsi qu’est née la saga des Famicom Detective Club. Alors qu’il n’y avait rien eu de nouveau depuis BS Tantei Club : Yuki ni Kieta Kako pour la Satellaview, la version Super Famicom du second volet, et le portage de la duologie sur Game Boy Advance, le tout uniquement au Japon, Nintendo a surpris tout le monde en 2019 en annonçant une collaboration avec le studio MAGES., spécialiste du visual novel, pour sortir des remakes des deux Famicom Detective Club, The Missing Heir et The Girl Who Stands Behind, sur Switch au Japon. Ils sont finalement sortis mondialement le 14 mai 2021 avec une traduction anglaise. Une résurrection plus que bienvenue, surtout en Occident, puisque ces remakes ont enfin permis de découvrir officiellement cette série en dehors du Japon, malgré une localisation « limitée ». On pouvait alors espérer que la série puisse prospérer avec un troisième épisode, d’autant plus que Sakamoto avait été impliqué dans la production et la supervision.
Après un teasing plutôt original en juillet 2024, Nintendo annonce effectivement, quelques jours plus tard, Emio – L’Homme au sourire : Famicom Detective Club, un tout nouveau jeu qui sort 35 ans après l’épisode précédent, The Girl Who Stands Behind. Pour couronner le tout, ce volet bénéficie de traductions en français, espagnol, italien, allemand, coréen et chinois (simplifié et traditionnel). De plus, une démo permet de jouer entièrement au prologue et aux trois premiers chapitres de l’aventure. Au-delà des révélations faites par Nintendo et de la démo, avec le retour de MAGES. au développement et de Sakamoto à la production et au scénario, il y avait plusieurs raisons de croire à un nouvel épisode mémorable. D’autant plus qu’ici, la classification PEGI 18 a de quoi intriguer…
Chronologiquement, l’histoire d’Emio – L’Homme au sourire : Famicom Detective Club prend place après celle de The Missing Heir (The Girl Who Stands Behind étant une préquelle). Cependant, autant le dire tout de suite : il n’est absolument pas nécessaire d’avoir joué aux premiers Famicom Detective Club pour comprendre le scénario d’Emio. Le jeu glisse quelques références à des personnages ou des événements passés, mais elles sont secondaires et cet épisode peut clairement se jouer en « standalone » ou permettre de découvrir la série. La démo d’Emio est justement parfaite pour cela, car elle laisse se familiariser avec le gameplay. On aime ou on n’aime pas, puisqu’il s’agit souvent de se concentrer pour comprendre l’histoire ou répondre aux questions des personnages. De plus, le gameplay est assez « passif » : on interroge des personnages, on examine des environnements ou on entre des mots au clavier, mais le plus souvent, on passe beaucoup de temps à lire des dialogues, avec des interactions limitées. Il est donc important d’essayer au moins le début du jeu avant de passer à la caisse. Par ailleurs, la classification PEGI 18 n’est pas là pour décorer, mais on y reviendra plus tard.
Au-delà de simplement essayer la démo, il est également essentiel de comprendre l’approche des Famicom Detective Club. Avec Emio, il n’était pas question de renouveler complètement la formule de la série. Pour les personnes qui n’ont pas joué aux anciens épisodes ou qui ne connaissent pas du tout la série, une petite présentation du gameplay s’impose. En dehors des dialogues, on sera très régulièrement amené à appeler/aborder ou interroger/écouter des personnages, inspecter/examiner des environnements ou des objets, et réfléchir pour faire avancer le scénario. Pour cela, il faut sélectionner les options correspondantes à l’aide d’une interface située en haut à gauche de l’écran. Il peut également arriver, à certains moments de l’intrigue, d’utiliser d’autres options, comme « montrer » (des objets le plus souvent) et « téléphoner », et très rarement « ouvrir le bloc-notes » et « sauvegarder l’enquête ». Dans les cas où il faut inspecter ou examiner des environnements, les interactions ne sont pas aussi poussées que dans des jeux en point-and-click (on pense évidemment aux Ace Attorney ou Professeur Layton, par exemple), mais elles restent importantes pour le déroulement de l’aventure.
Dans cet épisode, les interactions sont plus poussées. Il faut souvent répondre à des questions – le faire correctement ayant d’ailleurs son importance –, sélectionner des personnages ou des informations dans le bloc-notes, et entrer des mots ou des noms au clavier. Ce dernier point est crucial, car si l’on n’entre pas le bon mot ou le bon nom, on peut se retrouver bloqué. Pas de panique cependant : dans ces cas-là, les réponses sont toujours simples, et il suffit d’avoir bien suivi l’histoire, voire juste le chapitre en question. On aurait même aimé que ce soit plus difficile par moments, mais l’expérience aurait alors peut-être été trop frustrante, le jeu demandant déjà suffisamment d’attention pour un visual novel ou plutôt un jeu d’aventure textuel, puisqu’ici, les interactions sont bien plus poussées.
En sélectionnant les options énoncées, les personnages peuvent avoir des réactions très variées. Ils peuvent répondre tout simplement, ne rien dire, ou au contraire s’énerver, voire s’enfuir. En sélectionnant l’option interroger/écouter, l’écran mènera souvent à plusieurs choix, comme le ferait un ordinateur. Cet aspect est né de l’idée de Yuji Horii avec The Portopia Serial Murder Case, qui avait pour objectif de faire converser un humain avec un ordinateur. Les Famicom Detective Club peuvent être considérés comme des visual novels, mais les interactions y sont plus poussées que dans d’autres œuvres du genre. Cependant, en tant que jeu d’aventure, il n’y a pas de puzzles à résoudre en dehors des dialogues. Ce sont les conversations elles-mêmes qui peuvent être considérées comme des énigmes à résoudre. En effet, on ne doit pas simplement enchaîner des séquences appeler/aborder, interroger/écouter ou inspecter/examiner. Beaucoup de personnages peuvent éprouver des difficultés très diverses à parler. Il faut alors parfois attendre qu’ils acceptent de s’exprimer. Cette attente dans le jeu peut être représentée par différents choix, comme sélectionner les options réfléchir et inspecter/examiner (le personnage, un élément du décor ou un objet) ou aborder un sujet en particulier.
Bien que les choix soient limités et répétitifs, les situations auxquelles on doit faire face sont très différentes. Cela peut être cependant assez frustrant, car parfois, pour faire avancer l’histoire, il faudra enchaîner des options comme réfléchir, examiner, et ainsi de suite, et il arrive que dans certaines scènes, les personnages s’expriment très peu. Les scènes se terminent le plus souvent lorsque l’on débloque une dernière option : se déplacer. Cela permet de se rendre dans un autre lieu pour simplement l’examiner ou alors discuter avec un ou plusieurs personnages. Comme dans les autres Famicom Detective Club, ces scènes se déroulent généralement sur une journée entière, puis on retourne à l’agence de détectives Utsugi pour faire le point et laisser place à un autre chapitre.
En comprenant l’approche longuement décrite, on peut beaucoup s’amuser en jouant aux Famicom Detective Club, puisque les personnages ont des personnalités très variées. Cela signifie que si l’on choisit de réfléchir plutôt que d’enchaîner les options pour avancer dans l’histoire, on arrivera à discuter naturellement avec les interlocuteurs ou interlocutrices du protagoniste… et cette fois-ci d’Ayumi Tachibana ! En effet, pour la première fois dans la série, Ayumi est « jouable » dans certaines parties de l’histoire, comme cela avait été annoncé par Nintendo. Durant la majeure partie de l’aventure, on incarne le protagoniste de la saga (dont on peut toujours choisir le nom et le prénom, mais si l’on ne veut pas utiliser les nôtres ou si l’on manque d’idées, il est toujours possible d’entrer celui qui est utilisé au niveau promotionnel, Taro Ninten). Mais cette fois-ci, on peut donc parfois mener l’enquête dans la peau d’Ayumi, ce qui a son importance dans le déroulement des conversations. En effet, la détective n’a pas la même personnalité que son collègue. On se rend compte qu’elle fait plus attention au choix des mots et qu’elle est plus tournée vers la psychologie. Les personnages avec qui elle discute peuvent donc mieux accepter de converser avec elle, ce qui apporte un peu de fraîcheur à la série. Avec Taro, ce n’est pas vraiment pareil. Il peut aussi faire attention à ce qu’il dit, mais il est parfois maladroit et ses interlocuteurs et interlocutrices peuvent s’énerver ou refuser d’en dire plus. Cela arrive d’ailleurs fréquemment dans Emio, mais on remarque bien que le protagoniste a tout de même grandi depuis ses premières affaires résolues.
Comme dans les épisodes précédents, les chapitres d’Emio sont donc composés de différentes scènes où l’on doit récolter des informations en examinant divers décors ou en parlant avec des personnages. Cela permet de les connaître et d’obtenir des révélations sur l’enquête en cours. Comme pour notre preview, nous avons choisi d’être volontairement évasif sur l’histoire pour éviter les spoilers, étant donné qu’elle est au cœur du jeu. Si l’on connaît les Famicom Detective Club, il n’y a pas de surprise quant aux prémices de l’histoire : le protagoniste et Ayumi, toujours affiliés à l’agence de détectives Utsugi, doivent résoudre une nouvelle affaire de meurtre tournant autour d’un homme mystérieux se faisant appeler Emio, qui porte un sac en papier avec un sourire dessiné dessus. C’est la véritable star de cet épisode, et le jeu entre d’ailleurs rapidement dans le vif du sujet, puisqu’on entend parler de lui dès le départ en partant sur le terrain pour commencer l’enquête.
La qualité de l’écriture et de la narration de ce nouvel épisode est indéniable. Sakamoto était en charge du game design original, du scénario et de la production, cette fois-ci avec Kaori Miyachi de Nintendo, créditée en tant que coordinatrice pour les remakes des premiers jeux. Bien qu’Emio s’inscrive clairement dans la lignée des anciens épisodes – on le constate même au niveau de l’époque au cours de laquelle le scénario se déroule, assez tôt, les protagonistes reçoivent un vieux téléphone portable et en utilisent un pour la première fois alors qu’ils ont tous les deux 19 ans –, on remarque, plus que dans les remakes, un regard neuf pour son développement. Comme indiqué précédemment, c’est MAGES. qui a assuré le développement du jeu en collaboration avec Nintendo. Véritable spécialiste des visual novels, ce studio japonais est derrière de grandes franchises comme les Memories Off et les Science Adventure (Chaos;Head, Steins;Gate, Robotics;Notes, Occultic;Nine, Anonymous;Code…).
Chez MAGES., il y avait tout un personnel pour la composition de l’histoire d’Emio (Naotaka Hayashi, Ayano Suehiro, Tsukasa Tsuchiya et Kumi Naoi, tous ayant travaillé sur plusieurs jeux de la série Science Adventure, à l’exception de la dernière, qui semble être une nouvelle recrue). On note également le retour de Terukazu Shimodera et Chiaki Okubo, qui avaient travaillé sur le scripting de The Missing Heir, et Daisuke Beppu, qui avait œuvré sur celui de The Girl Who Stands Behind (avec seulement Terukazu Shimodera), cette fois-ci accompagné d’un certain Takuma Tanaka. On note également l’implication, à la production, de Makoto Asada, producteur de longue date pour les visual novels de MAGES. Pour l’idée originale, il s’agit bien d’un projet interne à Nintendo, avec le soutien de Toru Osawa, autre figure importante de la série Famicom Detective Club, qui avait œuvré sur le script des premiers jeux. Pour le reste du développement, MAGES. était bien aux commandes. D’autres sociétés ont été impliquées, notamment pour les graphismes, les illustrations et les animations.
Voir des équipes aussi larges pour un visual novel ou un jeu d’aventure peut surprendre, mais dans le cas d’Emio, cela se justifie par le fait que le développement a probablement duré plus longtemps que pour d’autres jeux d’aventure, et il a en tout cas demandé beaucoup plus de ressources par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir dans le milieu. C’est risqué pour un tel titre, car la performance peut ne pas suivre, mais le travail de MAGES. est quasi irréprochable sur ce point. Bien sûr, il faut prendre en compte que l’on joue à un jeu d’aventure textuel, car dans d’autres titres, on pourrait considérer que les animations et les mises en scène ne sont pas aussi réussies.
Sur le plan technique, nous n’avons quasiment rien à reprocher à Emio. On note une nette amélioration des animations pour les personnages par rapport aux anciens épisodes, les décors sont encore plus variés et très riches visuellement, et la performance est au poil, aussi bien en mode téléviseur qu’en portable. Pour un jeu d’aventure textuel, cela n’est guère étonnant, mais on ne peut pas en dire autant pour certains jeux d’aventure dont les portages laissent à désirer sur Switch. La maniabilité est aussi un peu plus agréable que pour les remakes des anciens Famicom Detective Club et l’interface a été améliorée. Par exemple, le bloc-notes est moins austère, et on aime éplucher ses pages pour consulter toutes les informations récoltées au fur et à mesure concernant les personnages. Par ailleurs, le fait que les interactions soient plus poussées et que le jeu demande plus souvent notre attention est appréciable et donne envie de prendre soi-même des notes.
Cependant, il est dommage de constater que le bloc-notes n’est pas accessible durant les dialogues et que l’écran tactile n’est pas compatible en mode portable. On peut seulement l’utiliser lorsqu’on nous demande d’entrer des mots ou des noms au clavier. Toutefois, cela n’est pas si problématique, d’autant plus qu’on peut jouer en utilisant seulement le Joy-Con droit. Ergonomiquement parlant, dans tous les cas, les améliorations sont bien là. Elles se retrouvent aussi dans les mises en scène de nombreux moments de l’aventure, le tout combiné aux compositions de Takeshi Abo, qui offrent des atmosphères très réussies. On a été sensible à l’ambiance des moments pesants et inquiétants, mais aussi aux scènes touchantes, où l’on peut se surprendre à ressentir une véritable empathie pour les personnages.
Les traductions en langues européennes ont été assurées par Nintendo of Europe. Pour la version française, Pierre Sanchez, Sabrina Bretant, Gurvan Le Guen, Zadia Messerli et Véronique Schneider étaient en charge de la traduction, tandis que l’assurance qualité a été assurée par Jérôme Petit et Laurent Siddi. Malheureusement, on constate encore une fois que du personnel lié à la traduction et à l’assurance qualité n’a pas été crédité. Cette fois-ci, il s’agit de la société Testronic, comme ce fut le cas pour Another Code : Recollection. C’est d’autant plus dommage que la traduction française est excellente, et vu la quantité de textes, le travail accompli devait être particulièrement massif, surtout dans cet épisode de Famicom Detective Club qui comprend différentes possibilités de dialogues, encore plus que dans les autres jeux en raison des nombreux choix à effectuer au cours de l’aventure. Il y en a donc qu’on ne pourra pas lire en une seule partie, mais qui sont pourtant bien présents.
En choisissant de permettre au jeu d’avoir plusieurs traductions pour les textes, il aurait également été intéressant d’offrir au moins un doublage en anglais. Tous les dialogues sont traduits, ce qui permet de les comprendre, mais pour un jeu avec une énorme quantité de scènes doublées, un doublage au moins en anglais aurait été apprécié. Dans le cas d’Emio, ce n’est pas si problématique, car encore une fois, tout est traduit (en excluant les personnages que l’on entend parler au loin dans les décors de certaines scènes), mais des voix anglaises ou dans les langues correspondant aux autres traductions peuvent permettre de mieux comprendre les répliques et ainsi de s’attacher encore plus aux personnages. Dans tous les cas, le doublage japonais d’Emio est d’une grande qualité. Mention spéciale évidemment à Megumi Ogata, qui incarne toujours aussi bien le protagoniste et semble s’être beaucoup amusée avec ce rôle. De même pour Yuko Minaguchi et Riki Kagami, respectivement dans les rôles d’Ayumi Tachibana et Shunsuke Utsugi.
Concernant la durée de vie, elle avoisine une dizaine d’heures pour terminer le jeu entièrement. Cela peut durer un peu plus longtemps si l’on prend le temps d’écouter chaque ligne de dialogue jusqu’au bout et si l’on choisit une vitesse lente ou normale pour l’affichage des textes. Cela se règle dans les paramètres, qui permettent également de choisir l’intervalle pour la sauvegarde automatique (il est même possible de la désactiver complètement) et de passer les messages en mode accéléré. On peut aussi désactiver complètement la voix du protagoniste, le surlignage des termes, et régler le volume de la musique d’ambiance, des effets spéciaux, et des voix. Pour une expérience plus proche des Famicom Detective Club d’antan, on peut jouer totalement sans voix. Néanmoins, cela signifierait de passer à côté de la performance impeccable des seiyuu.
Emio – L’Homme au sourire – Famicom Detective Club est, de bout en bout, un excellent jeu d’aventure. L’histoire peut cependant quelque peu diviser : certaines personnes en auront sûrement vite assez des passages humoristiques et légers, plus fréquents que dans les épisodes précédents. On peut aussi considérer que le scénario met du temps à se mettre en place, malgré le fait que l’on entre rapidement dans le vif du sujet. Mais Emio – L’Homme au sourire offre sans conteste une aventure mémorable. Cet épisode comporte de nombreux moments touchants, les personnages principaux et les nouveaux venus sont attachants, les plus sensibles verseront des larmes à la fin, et certains thèmes abordés sont très intéressants. Bien sûr, il faut prendre en compte l’époque durant laquelle l’aventure se déroule (bien qu’elle ne soit pas si éloignée), mais le scénario peut aussi bien se transposer à la nôtre.
Il convient de noter que la classification PEGI 18 n’est pas là pour rien. Terminer le jeu signifie aussi que l’on doit faire face à des scènes qui peuvent choquer, et l’on peut assurer que le descripteur de la violence est totalement justifié. Les scènes violentes, les descriptions, les thèmes abordés, parfois très durs, ne sont pas là simplement pour choquer. Ils peuvent refléter les pensées voire le vécu de l’auteur, et reconnaître cela permet, en fonction de l’œuvre, d’avoir une influence sur ce que l’on pense de celle-ci. Sakamoto, qui était de toute évidence très impliqué dans la production et l’écriture du scénario de ce jeu, avait certainement des messages à faire passer. On pense aussi à ce qu’il racontait dans le message vidéo diffusé par Nintendo le 17 juillet, où il affirmait avoir transmis de manière très directe tout ce qu’il voulait véhiculer, notamment au niveau du dénouement, qu’il promettait d’être clivant. Après avoir terminé le jeu, on conseille fortement de (re)visionner ce message vidéo. Tout ce que l’on peut dire, c’est que Sakamoto n’a clairement pas menti ni survendu son propos.
On pense évidemment aussi à l’avenir de la série. Avec Emio qui présente des thèmes et un scénario largement différents des autres épisodes, on constate que Famicom Detective Club a clairement le potentiel d’offrir d’autres aventures. Conserver le même gameplay pourrait en effet rebuter, mais il a tout son charme, et on a aimé comment les développeurs l’ont tourné parfois en autodérision avec certains choix assez drôles ou intéressants dans Emio (ce qui était d’ailleurs aussi le cas dans les remakes), une prise de risque tout à fait réussie, ce qui ne devait pas être évident. De plus, MAGES. avait déjà prouvé son savoir-faire avec les remakes, et il se montre ici encore meilleur. Une plus grande fluidité, des animations encore plus détaillées et variées, des décors somptueux… Tout cela, combiné aux dialogues bien écrits (bien que parfois un peu lourds à cause de quelques personnages pénibles), à l’accent mis sur la psychologie et aux thèmes abordés, renforce la qualité de ce titre.
On a aussi aimé les répliques de plusieurs personnages et leurs personnalités très diverses, par exemple le professeur Fukuyama est quelque peu pénible par moment mais ses réactions sont aussi amusantes et il a son importance dans l’histoire. On peut également citer Shoko qui, à notre sens, fait partie des meilleurs personnages (secondaires) de la série. Elle n’a pas la langue dans la poche et risque d’être inspirante pour beaucoup. On peut même être agréablement surpris de voir certaines de ses déclarations dans un jeu Nintendo.
Les fans de la série ont de grandes chances d’apprécier ce volet et son dénouement, tandis que les autres y trouveront une excellente porte d’entrée et auront probablement envie de se lancer dans les épisodes précédents malgré la barrière de la langue, puisque contrairement à Emio, ils sont seulement disponibles en anglais. Les joueurs et joueuses ne seront peut-être pas toujours d’accord sur la qualité de la résolution de l’affaire, mais la fin donne dans tous les cas matière à réfléchir et peut mener à de longues discussions, ce qui est un excellent point pour un jeu d’aventure. On espère donc que Nintendo continuera sur cette lancée et que d’autres épisodes inédits verront le jour dans les années à venir.