Test de The Lost Child sur Nintendo Switch

En résumé

  • Sorties :
  • 22 Juin 2018
  • 19 Juin 2018
  • Non renseignée

L'avis de Chozo

S’il n’est pas le RPG de la décennie, The Lost Child sent bon le travail artisanal de passionnés du dungeon crawler, qui doivent opérer avec le budget restreint qui leur est accordé. S’il est peu marquant dans son habillage général, le titre de  Takeyasu Sawaki brille par son écriture riche, mais toujours compréhensible, et surtout par le travail apporté à son bestiaire lovecraftien et son gameplay complété de subtilités bienvenues. Les fans du genre y retrouvent tous les ingrédients d’un RPG à l'ancienne efficace, tandis que ceux qui découvrent le genre, en dehors des joueurs totalement réfractaires à la traversée des donjons et aux visual novel, seront face à une excellente introduction à ce type d'œuvre totalement hors du temps. La messe est dite.

Les plus

  • Un bestiaire au design très classe
  • Une richesse de contenu impressionnante
  • Un gameplay réservant son lot de subtilités
  • Une progression ludique et stratégique
  • La capture et l'évolution des créatures bien fichue
  • Un challenge intelligemment dosé
  • Un bon équilibre visual novel/dungeon crawler 

Les moins

  • Hormis les monstres, un habillage visuel et sonore pauvre
  • Une approche très austère au prime abord
  • Les donjons très longs à traverser et parfois répétitifs
  • Uniquement traduit dans un anglais plutôt complexe
  • Réfractaires au genre : fuyez, pauvres fous
  • Nintendo-Difference

    par Chozo

    le 12 août 2018 22:00

Phénomène récurrent de nos sociétés depuis l’invention de l’écriture, la réinterprétation de l’histoire culturelle et cultuelle fait le bonheur des polémistes, pseudo-journalistes affamés de buzz et animateurs d’émissions faussement informatives surfant sur l’audience facile. Par ailleurs, quand cette relecture fait l’objet elle-même d’une revisite artistique, ses résultats engendrent souvent des conflits intellectuels pouvant s’élargir de manière exponentielle, faisant oublier que ces événements passés n’appartiennent finalement à personne, mais aussi que chaque vision demeure une réinterprétation en elle-même. Récemment, Devilman Crybaby revenait déjà sur une certaine relecture des poncifs religieux sous l’œil déformé de la japanimation, tout comme le créateur de El Shaddai : Ascension of the Metatron, Takeyasu Sawaki. Bien que ce genre d’œuvre ne provoque pas les foudres des néo-conservateurs en PLS dès qu’une divinité religieuse est matérialisée, elle apporte néanmoins son regard différent sur les textes sacrés, avec cette touche que seule l’animation peut leur donner. Le nouveau titre du réalisateur, The Lost Child, donne une fois de plus son point de vue sur les croyances divines, avec un jeu mêlant savoureusement à la fois religion et univers lovecraftien, mais aussi dungeon crawler à l’ancienne et visual novel. C’est l’heure de la prière.


Artwork de The Lost Child


Les démons de minuit


Il est ici proposé d’incarner le jeune Hayato Ibuki, journaliste pour un magazine traitant des phénomènes paranormaux, chargé d’enquêter essentiellement sur toutes les grandes légendes urbaines japonaises les plus populaires. Pendant l’une de ses investigations dans une rame de métro ayant vu plusieurs cas de suicides, Hayato se retrouve étrangement poussé par une force invisible sur les rails, avant d’être sauvé in-extremis par une jeune femme tout aussi étrange, qui lui remet une valise encore plus étrange. Celle-ci renferme une arme occulte, baptisée Gangour, permettant de capturer les démons en mode Pokéball améliorée. Il s’avère que le jeune homme serait une sorte d’élu divin, unique être capable de mettre fin au conflit en cours entre démons, anges, et anges déchus. C’est en tout cas ce que lui révèle Lua, une sorte d’ange gardien qui apparaît soudainement au moment où Hayato revient à son bureau et qui l’accompagnera dans son périple, alternant entre enquêtes, interrogatoires et traversées de vastes donjons. Elle lui explique également que le vrai ennemi à abattre est l’inévitable Cthulhu, qui, dans le grand classicisme de ce type de jeu, souhaite évidemment dominer le monde.

Premier constat et non des moindres : il s’agit ici manifestement d’un jeu au budget restreint, aux antipodes d’un titre AAA comme l’était El Shaddai. Mis à part quelques scènes animées plaisantes, mais bien trop courtes, il faudra se contenter d’illustrations statiques, bien que magnifiquement dessinées, en tout cas pour ce qui est du bestiaire. Dans ses délires lovecraftiens, le jeu propose en effet des designs de monstres de grande qualité et très variés, même s’ils ne correspondent forcément pas à l’imaginaire de chacun. Il n’en est rien cependant pour le héros et les protagonistes rencontrés, accusant un travail beaucoup moins inspiré et oubliable, ainsi que pour les donjons, dont le rendu se montre relativement insipide et répétitif. Pareil pour la bande-son, qui, loin d’être désagréable, se résume en une suite de compositions au synthé efficaces, mais assez génériques. Pour autant, ceux qui auront suivi l’actualité du jeu et vu les premières bandes-annonces savaient à quoi s’attendre.

Les développeurs très populaires d’Ignition Entertainment ayant travaillés sur El Shaddai ont ainsi laissé place aux moins swag membres de Kadokawa Games issu du studio Kadokawa, entre autres responsable tout de même des films Silent Mobius ou Five Star Stories, mais qui a connu une décente aux enfers économique, entre trafics de drogue et blanchiment d’argent. Le résultat ? Un titre à l’opposé de la précédente œuvre de Takeyasu Sawaki,  allant plutôt lorgner vers des jeux comme Personna (pour ses discussions en mode visual novel) et surtout Shin Egami Tensei (pour les combats et le recrutement des monstres). Qu’à cela ne tienne, The Lost Child n’est pas visuellement original, mais se rattrape largement dans son écriture et son contenu qui fait quelques références à El Shaddai, que ce soit pour ses personnages (Enoch étant un personnage jouable dans The Lost Child parmi les Astrals), les monstres ou pour l’intrigue principale.


Knocking on heaven’s door


La richesse du jeu et de ce qu’il propose se perçoit immédiatement dans les innombrables indications accessibles pour chaque créature, véritables encyclopédies fantastiques et folkloriques rendant hommage aux légendes chères à la conscience collective nippone. Même si l’habillage général laisse à désirer en termes d’effet waouh, la complexité de l’histoire proposée, certes alambiquée, se vit avec une certaine envie agréable de constamment en savoir plus. C’est notamment le cas des anges déchus, devenus tantôt médecin, tantôt gérant d’un magasin d’objets audio-visuels, qui cachent une vie passée globalement très intéressante. En ressort un sentiment de grande efficacité, avec des phases de visual novel intelligemment disséminées et jamais barbantes. Rarement plus de cinq par lieu visité, les interlocuteurs en viennent rapidement à l’essentiel, évitant par la même occasion les lignes de textes interminables. Surtout que l’ensemble du jeu devra se faire avec des sous-titres dans un anglais plutôt soutenu (il n’est pas rare que le joueur ait recours à un dictionnaire de traduction), mais il est également proposé d’opter pour les doublages japonais.

Image de The Lost Child

Les sessions d’enquêtes permettent quant à elles de se déplacer dans différents coins de la carte pour échanger avec les éventuels témoins et proposent ponctuellement des questionnaires à choix multiples. Les réponses choisies, si elles n’influencent en rien le déroulé de l’intrigue, permettent de gagner cependant plus ou moins de karma, dont l’utilisation sera expliquée un peu plus bas. Certains lieux permettent d’autres interactions, entre les sources chaudes rehaussant temporairement les compétences du héros, débloquer des compétences spéciales des monstres capturés chez un moine enfermé dans un écran de télévision, ou acheter des objets chez un bibliothécaire.

Dans ses phases de dungeon crawler, le joueur fan du genre se retrouve dans sa zone de confort. Uniquement quatre directions sont possibles dans ces suites de couloirs aux textures simplistes, avec une progression rendue pourtant assez plaisante. En effet, avec une exécution et une maniabilité sans fioritures, rapide, fluide et dépourvue de temps de chargement malgré l’immensité de certains donjons, la traversée se fait de manière très naturelle. Ce sentiment se confirme dans l’accès au menu simple et ergonomique, ne ralentissant jamais la progression, avec un accès direct aux objets récoltés, aux options des monstres capturés, ou encore aux équipements. Et pour y ajouter encore une dose de fluidité, même s’il est conseillé aux puristes de démarrer immédiatement le jeu en mode Hard, l’équilibre de la difficulté générale du titre va également dans ce sens. Le tout est réalisé de manière à ce que les joueurs découvrant le genre puissent progresser au travers de combats juste assez retors pour ne frustrer personne (hormis quelques boss plus compliqués), sans farming intempestif et sans combat aléatoire tous les trois mètres. Cela compense en outre le temps utile à la révélation de l’ensemble de la carte de chaque donjon, nécessitant en plus de nombreux allez-retour pour activer/désactiver les classiques interrupteurs, résoudre certaines énigmes, ou compléter certaines quêtes annexes.


Secret of Karma


Dans une logique de tour par tour vue et revue, les combats révèlent cependant quelques règles et subtilités les rendant bien plus stratégiques qu’il n’y paraît. En premier lieu, le joueur devra déceler lequel des monstres recrutés est le plus visé par l’ennemi, pour trouver à quel élément il est le plus sensible. Dans un fonctionnement de type pierre/feuille/ciseaux, certains Astrals (nom donné aux monstres recrutés par le héros) se verront octroyer une capacité d’élément (feu, foudre, vent, eau, terre) qui répond à une hiérarchie de résistance et  de vulnérabilité à exploiter, pour notamment développer des combos d’attaque. Second élément original, il faudra également surveiller la jauge de chargement du Gangour, le canon astral, utilisé pour capturer les créatures. Ce canon devra être manié en respectant un certain timing, afin d’éviter un échec de capture ou une surchauffe le rendant inutilisable. Troisième option intéressante, lors des combats, le joueur n’est pas limité aux trois créatures qu’il a sélectionnées pour composer son groupe de bataille. Il lui est aussi possible de faire ponctuellement attaquer un monstre choisi dans une sorte de « réserve » de six créatures. Attention à les faire attaquer aux moments opportuns, car ces monstres du « banc de touche » ne peuvent être sollicités que quelques fois par traversée de donjon. Il est ainsi obligatoire de quitter les couloirs pour en recharger la jauge d’utilisation.

Image de The Lost Child

Mais la principale possibilité offerte au joueur est l’évidente capture pokémonienne des créatures. Il est donc proposé de recruter les bestioles (démons et plus tard les anges déchus, mais forcément pas les boss) au moyen du Gangour pour les faire combattre aux côtés du héros et de Lua. Avant de les faire lutter pour sa cause, Hayato devra les purifier en utilisant le karma accumulé en combat et lors des enquêtes, qui se divise en trois jauges différentes en fonction de son type : karma du bien, karma démoniaque et karma mitigé. Tandis que Hayato et Lua progressent de manière classique en accumulant de l’expérience en combat, ce karma servira  à faire monter de niveau les créatures jusqu’aux paliers les amenant à  évoluer vers une forme améliorée. Leurs compétences se multiplieront également au fur et à mesure des augmentations de niveaux, mais il sera possible aussi de leur en octroyer de nouvelles, et même de les échanger entre monstres.

Enfin, pour compléter un ensemble déjà riche, même l’ouverture des coffres obtenus en parcourant les couloirs ou en battant des démons à sa dose de stratégie. Ces coffres étant piégés, il sera nécessaire de faire appel aux capacités spéciales des créatures et du héros pour augmenter la jauge de sécurité à son niveau maximum, tout en veillant à ce que celle du danger demeure à un niveau limité. Une trouvaille plutôt ludique qui apporte son lot de challenge mesuré, dans une aventure s’avérant assez longue. En effet, le jeu  se termine en une bonne quarantaine d’heures bien remplies, justifiant amplement un tarif à 50 euros. Cette évaluation de temps peut différer en fonction de la volonté du joueur à dévoiler la totalité de chaque donjon et à résoudre l’ensemble des enquêtes (principales et secondaires ) proposées par les PNJ rencontrés. En outre, pour largement gonfler la durée de vie du titre, une fois l’aventure terminée, une nouvelle quête inédite se débloque pour une mission spéciale concernant Cthulhu, avec un donjon comprenant 100 étages. Oui 100. Cela signifie potentiellement 200 à 300 heures supplémentaires pour en venir à bout, à réserver donc aux plus enthousiastes et aux pus courageux.

Artwork de The Lost Child

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