Travis Strikes Again : No More Heroes

En résumé

  • Sorties :
  • 18 Janvier 2019
  • 18 Janvier 2019
  • 18 Janvier 2019

L'avis de Mr Godjira

Tout droit sorti de son couvent de chez GungHo, Suda Goichi semble plus bavard que jamais et par chance c’est au travers de son jeu Travis Strikes Again : No More Heroes qu’il décide de nous adresser la parole. Totalement méta, parfois trop, sa création profite d’une écriture impeccable qui brosse le portrait d’un joueur face à un créateur de jeu. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si le titre du jeu est inspiré de Bigmouth Strikes Again des Smiths (groupe très apprécié de Goichi), une chanson qui parle du lien d’incompréhension entre l’auteur Morissey et la presse. Mais comme il est stipulé dans le jeu, la plongée dans le Death Drive Mk-II n’est pas à la portée de tous et n’est pas forcément synonyme de bon jeu. [musique]Sweetness, sweetness I was only joking When I said I'd like to Smash every tooth in your head...[/musique]

Les plus

  • Une histoire folle,
  • avec des instants sublimes
  • Objet culturel et cultuel 
  • Un mode coopération simple et efficace

Les moins

  • Un gameplay répétitif
  • Pas toujours lisible,
  • Et encore moins en mode portable
  • Un poil trop onéreux
  • Nintendo-Difference

    par Mr Godjira

    le 16 janvier 2019 23:00

Si l’on considère que l’histoire ne prend corps qu’au travers d’une fine sélection des événements qui la constituent, tout en opérant des petits arrangements avec son continuum (au risque de frôler les bords de la fiction), on pourrait raconter le fabuleux destin de Suda51 ainsi : 

Seul sur la scène de Tokyo Big Sight, aveuglé par le feu des projecteurs braqués sur lui, il reprit son souffle l’espace d’un instant. Peu importe si ce maudit prompteur n’est pas visible, « il n’y a que des conneries dessus », il va falloir assurer le coup. « Quel drôle de merdier que c’est d’être venu ici », s’intime-t-il. Beaucoup de spectateurs l’ont reconnu, ils sont désormais pendus à ses lèvres qui, malheureusement pour lui, continuent d’être hésitantes. Ironiquement, l’absurdité de ce moment gênant le ramena un peu dans sa zone de confiance. La présentation débute, il est temps pour lui de relever le regard et de parler des jeux indépendants, de catch et de développement. Bref, de ses passions.

[Fondu au noir] envoyez la musique des Stranglers, et le logo « Travis Strikes Again : No More Heroes », l’histoire peut enfin commencer.

La romance semble totalement biopicsable mais la question sera de savoir si ce jeu, attendu par certains depuis deux belles années, est un bon jeu ou si ce dernier ne profiterait pas simplement de l’aura d’un créateur à l’image borderline.

Pas de ses gars classiques

On peut même se demander si finalement cette bonne vieille figure de Suda Goichi, paru ici et là sur les internets au travers de nombreuses interviews, avait déjà réalisé un véritable bon jeu, au sens biblique du gamer. Il faut l’admettre, si ses jeux ont gagné en popularité au fil des années, ils n’ont pour autant jamais réussi à faire l’unanimité auprès de la critique et des joueurs. 

Avant de trouver la formule No More Heroes qui s’avérera être la plus payante, il se sera essayé à de nombreux genres allant du catch jusqu’aux jeux d’horreur, en passant par le visual novel et bien d’autres encore. Ses productions, toujours plus ou moins fauchées, n’ont jamais brillé par des mécaniques de jeu profondes ou une réalisation d’orfèvre, mais elles ont toutes en commun de posséder un univers décalé qui tire parti des faiblesses techniques de la réalisation, couplées à une bonne sous couche de scénarisation pour donner de la consistance. Le tout est aggloméré par une pléthore de références à la culture pop. Ce jeu de référence devient une sorte de langage secret qui lie le joueur à son auteur, comme s’il y avait un autre dialogue entre les lignes du scénario.

C’est grâce à cette règle de production qu’il put figurer sur le très sélect leaderboard des auteurs de jeux vidéo japonais des années 2000, le parachutant au beau milieu des Kojima, Miyamoto, Mikami, Ueda et compagnie, à l’exception que lui serait plutôt auteur de série B. Plus scénariste que game designer, ses jeux s’imprégneront au fil du temps de sa patte en mêlant plus ou moins habilement culture pop et esprit trash. Il a néanmoins, depuis No More Heroes, trouvé une sorte de formule du jeu d’action auquel il changea seulement les motifs scénaristiques. Cette répétition contribua à son identification dans le milieu des joueurs, mais aussi quelque peu à son usure.

I’ll be back

Ce n’est donc pas un hasard si Goichi remet le couvert avec sa licence No More Heroes. Véritable objet culturel aux teintes punk, citant allègrement aussi bien Star Wars, Emmanuelle que Kill Bill au milieu d’un foutoir de références, la licence trouvera la consécration en étant elle-même citée dans le film d’Edgar Wright « Scott Pilgrim vs. the World ».

Travis Strikes Again signe donc le double retour d’un auteur atypique et de l’un de ses meilleurs personnages : Travis Touchdown.

On le retrouve quelques années après les événements de Desperate Struggle, à profiter d’une retraite bien méritée avec sa chatte Jeane dans une caravane au milieu d’un champ, loin de la folie de Santa Destroy. Ses plans se retrouvent contrariés lorsque surgit Bad Man, qui cherche à venger sa fille Bad Girl, assassinée dans le volet précédent. Il s’en serait fallu de peu pour que le destin soit définitivement scellé avant que son adversaire n’aperçoive la fabuleuse Death Drive Mk-II, console mythique à laquelle on attribuerait d’étranges pouvoirs.

Métaloose

En réalité cette console mythique dans l’univers de NMH, à la croisée d’eXistenZ et de la Mega Drive serait inspirée d’une borne d’arcade légendaire : la Polybius, créée pour contrôler les esprits mais qui dans les faits n’a jamais existé. Et comme on est dans un jeu de Suda51, la référence ne s’arrête pas là, puisqu’il serait lui-même à l’origine du concept de la Death Drive première du nom, lorsqu’il répondit à une demande de création pour le Museum of Modern Art. Le projet n’avait abouti, puisqu’il ne correspondait pas aux attentes du commanditaire.

On se retrouvera aux commandes de Travis et Bad Man pour explorer les jeux conçus spécialement pour cette console prototype dans l’espoir de réunir les six death balls, qui permettront d’exaucer un vœu.

Autant prévenir, une fois lancé, le délire méta ne fera que de s’étendre. Effectivement on retrouvera, ici et là un nombre incroyable de choses qui se référent à d’autres. Au fur et à mesure que l’on avancera dans l’histoire, que l’on découvrira de nouveaux « jeux », on croisera beaucoup de personnages issus des productions précédentes de Grasshopper. Le discours méta forcément présent lorsqu’un personnage désigné comme otaku s’infiltre dans une console, prendra en épaisseur jusqu’à en devenir par moments quasiment indigeste.

Mais pourtant, plus que jamais on a le sentiment de pouvoir lire à livre ouvert dans le cerveau de ce créateur farfelu. La mise en scène, la qualité d’écriture ainsi que les idées de transcription visuelle sont d’une rare justesse et efficacité. On admirera la passion apportée aux introductions des jeux, permettant aux joueurs de voyager au travers de l’histoire du jeu vidéo. De même, certains passages sont remplis de mélancolie lynchienne, comme lorsque Travis traverse ses moments introspectifs à chaque fin de jeu. Par le biais de ces nombreuses situations/références, il s’installe comme une conversation directe entre, d’un côté, les joueurs et leurs attentes, et de l’autre, celui du créateur.

Bugs Panic

Pour dénicher les death balls on parcourra chacun des six mini-jeux afin d’éradiquer les bugs qui pullulent, crées par Doc Juvénile, grande architecte de la Death Drive Mk-II. Fait amusant, il existe de véritables bugs qui ne sont pas matérialisés, mais vu la facilité avec laquelle on les déclenche, et vu qu’ils ne sont pas forcément pénalisants (voire tout le contraire), on est en droit de se demander s’il ne s’agirait pas d’une autre couche de lecture. Dans le cas contraire, théorie que l’on favorisera vu également l’état des caméras par moments, l’expérience ne souffre pas directement de ses défauts.

La modélisation terminée à la truelle sous Unreal Engine, qui de prime abord donne l’impression de jouer à un jeu sorti tout droit d’une Game Jam, arrive cependant, comme souvent dans les productions Grasshopper, à afficher une véritable cohérence visuelle. Évidement le style ne plaira pas forcément, mais il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas remarquer les petits détails de finitions qui font la différence. Par exemple, les explosions de polygones qui donnent ce petit cachet 32 bits gagnent en style par le simple ajout des teintes RVB, couleurs qui renforcent au passage le glossaire visuel des mondes numériques. Ou simplement tout l’habillage graphique qui donne de la cohérence à l’ensemble.

Malheureusement, le gameplay de Travis Strikes Again basé sur du hack ‘n’ slash se retrouve collé dans quasiment tous les mini-jeux. Cela ne serait pas un gros problème si ce dernier évoluait vraiment, mais il faudra se contenter de débloquer des pouvoirs, et de parcourir des mini-jeux qui singeront les mécaniques de quelques classiques comme Gauntlet ou Pac Man. Et comme un malheur ne vient jamais seul, non seulement les phases de jeu ont du mal à se renouveler, mais elles manquent aussi d’une véritable lisibilité, la faute souvent à une caméra bien trop éloignée. Ce manque de renouvellement profond du gameplay est d’autant plus dommageable qu’une des intentions premières est de rendre hommage aux jeux indé. Il aurait été alors bienvenu d’avoir de véritables variations au court de la douzaine d’heures qu’il faudra pour terminer le jeu.

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