Test Nintendo Switch de The Longest Five Minutes, oublié au bout de dix

Facilité scénaristique certainement trop fréquemment utilisée, l’amnésie des personnages principaux d’une œuvre littéraire, cinématographique ou vidéoludique demeure cependant un artifice plutôt efficace quand il s’agit d’apporter de la profondeur à une histoire. Nouvelle création du studio Nippon Ichi Software et réalisée conjointement avec l’équipe de Syupro-DX, The Longest Five Minutes fait même pire que tout dans son aventure, puisque le héros perd subitement la mémoire alors qu’il se retrouve nez à nez avec le boss final du jeu dans un combat qui s’annonce épique. Avec plus de vingt ans d’expérience en matière de jeux de rôles sur consoles, Nippon Ichi s’est forgé une solide réputation de créateur de titres originaux et inattendus (Disgaea, Phantom Brave, Little Princess). Le studio ne déroge pas à la règle avec le postulat de départ de ce titre aux allures rétro, déjà sorti au Japon sur PlayStation Vita en 2016 et donc publié dernièrement sur PC, PS Vita et Nintendo Switch en Europe. Le problème est que l’effet de surprise s’essouffle bien rapidement, laissant place à une impression de déjà-vu dégoulinante, qui, elle, est bien plus surprenante encore pour de tels créateurs de jeux.

Un test rédigé par Chozo.


La mémoire dans la peau

The Longest Five Minutes se distingue dès le départ de son aventure, puisqu’elle commence là où tout autre jeu du même type est censé s’achever. C’est ainsi que, devant le Roi Démon (Demon King), Flash, le héros somme toute très classique dans une telle histoire, est en plein doute. Malgré les cris et soutiens de ses frères et sœurs de combat, Flash oublie soudainement qui il est, ce qu’il fait là avec des acolytes qu’il ne reconnaît plus. C’est donc en plein combat que le héros devra tout faire pour à la fois retrouver sa mémoire et terrasser cet ennemi surpuissant. Et le temps presse, puisque dans cinq minutes, tout sera fini et le Roi Démon aura anéanti l’univers. Cette limite de temps imposée, à l’instar des fameuses cinq minutes de Freezer sur Namek, sera bien plus longue que ce que les lois de la physique ne pourraient supporter. En effet, ces très longues 300 secondes engendreront une suite de multiples flashbacks découpés chacun en petites sessions de RPG classique, permettant de rafraîchir la mémoire de Flash tout en complétant des quêtes qui auront théoriquement leur importance dans la bataille avec le boss final.

Bande-annonce officielle !

Première remarque relativement décevante, le joueur ne combattra jamais réellement le Roi Démon, en tout cas pas dans une logique de combat actif. En effet, cet affrontement servira plutôt de pilier scénaristique, en mode visual-novel, se limitant à des discussions et des cinématiques pendant lesquelles les héros s’encouragent, discutent, font certains choix cruciaux et tentent de lever le voile sur l’amnésie de Flash. Et c’est surtout grâce aux mots utilisés par ses coéquipiers qu’il creusera dans ses souvenirs et retrouvera peu à peu ses esprits. Chaque souvenir retrouvé fera quitter un temps le présent du combat final pour se plonger dans le passé, qui matérialise la véritable aventure dans ce titre. Remontant parfois très loin dans le temps, ces flashbacks imposent au joueur de réussir une quête principale ainsi que deux ou trois quêtes annexes. Chacun de ces défis révélera un mystère en particulier, allant de l’identité de chaque personnage à l’apprentissage de techniques de combat, en passant par les raisons pour lesquelles l’équipe se retrouve finalement devant le Roi Démon. Et ce sont assurément les quêtes annexes qui représentent la meilleure idée de ces remontées dans le temps, puisque malgré des défis principaux trop vite expédiés, ce sont elles qui permettront au joueur d’explorer chaque session de flashback dans son intégralité, même si elles demeurent très simples. Ces quêtes approfondiront surtout les raisons des motivations de certains personnages et augmenteront d’autant plus le niveau d’expérience acquis après chaque session de souvenir, tout en donnant l’occasion à l’utilisateur de prendre tout le temps qui lui sera nécessaire. C’est aussi enfin dans ces passages d’exploration que le héros découvrira les quelques mini-jeux malins disséminés dans les quatre coins du monde de The Longest Five Minutes, ainsi que les machines à sous du casino.


Memento Mori

Très désuet dans son rendu visuel, The Longest Five Minutes propose une réalisation globale de bonne facture, tout à fait pertinente avec le propos du jeu et ses retours incessants dans le passé parfois lointain de Flash. L’aspect pixel-art artisanal reste pour autant trop générique et il en est de même pour le gameplay, qui limite les déplacements de l’équipe à uniquement quatre directions possibles. En combat, ce n’est guère plus évolué, avec une jouabilité très proche des très anciens Dragon Quest et une vue subjective sur les ennemis très peu originale. Et c’est là que le titre trouve ses limites quant à son envie de surprendre, puisque mis à part une histoire et un déroulement intelligemment  construits à l’envers, découpés judicieusement, tout sent le réchauffé, pour ne pas dire l’oubliable. Que ce soit les donjons, les villages traversés ou les ennemis rencontrés, ils rappelleront à un tel point tous les passages d’autres titres du genre déjà grandement éprouvés que le joueur les zappera dès la quête achevée. Seule grande exception, la bande-son de qualité, avec cependant un effet de boucle dans les morceaux, trahissant leur variété lors de longues sessions de jeu. Bien qu’elles soient agréables à l’oreille, ces compositions au rendu 16 bits amélioré demeurent trop répétitives avec un redémarrage du morceau en cours après chaque combat.

Phases de gameplay : les 30 premières minutes de jeu !

Et parlons-en des combats… Rarement il aura été aussi facile de progresser dans un RPG, puisque l’absence totale de challenge des combats est ici hallucinante. N’ayant aucune nécessité de se préparer ou de farmer avant d’aller affronter le mini-boss de chaque souvenir, même si cela est souvent proposé par certains PNG, le joueur avancera sans aucun problème, si ce n’est la durée interminable de certains dialogues. Il n’est pas non plus opportun d’améliorer les compétences ou les équipements de l’équipe pour se lancer dans les donjons, puisque les armes et objets accumulés ne se transféreront pas entre les sessions de RPG. Cela peut sembler logique, puisque chaque flashback se déroule dans des époques totalement différentes, le jeu se contentera donc de mettre les combattants à niveau au départ de chaque souvenir. Et ce n’est pas tout, puisque même l’exploration de la carte du monde est ultra balisée, évitant au joueur de se perdre ne serait-ce que cinq (vraies) minutes. En outre, les points de magie de certains personnages sont tellement élevés et les sorts si peu coûteux que les pouvoirs les plus puissants permettront de venir à bout des ennemis en quelques secondes. Cela concerne tout autant les créatures lambda dans un donjon que le mini-boss qui, en guise de pseudo difficulté, sera plus résistant à tel ou tel élément de magie. Le déséquilibre de puissance se fera vite ressentir et amènera le joueur à opter facilement pour le combat automatique, tout aussi vite expédié. Pire encore, le joueur pourra acquérir vers la moitié du jeu un sort permettant d’éviter les combats aléatoires, tranchant d’autant plus la durée de vie finalement très courte du titre, limitée à dix à douze heures. Une durée de vie bien entendu dépendante des velléités de l’utilisateur à terminer l’ensemble des quêtes annexes.

Seule satisfaction quant à la profondeur de l’aventure, il est possible de revenir autant de fois que désiré dans chaque souvenir pour débloquer d’autres bribes de mémoire ou d’achever l’ensemble des défis, qui pourront pour certains donner l’accès à plusieurs fins différentes. Mais cette fonctionnalité s’avère relativement inutile et mal exploitée, puisqu’au final, les flashbacks parcourus n’auront aucune réelle répercussion sur l’opposition avec le Roi Démon, mis à part quelques choix importants qui influeront légèrement l’issue du combat. Deux autres points enterrent finalement toute motivation à se lancer dans l’aventure. D’une part, le jeu est totalement en anglais. Si pour les menus et les phases de combat le manque de traduction française n’est pas rédhibitoire, ce sont les dialogues trop longs et trop nombreux qui finiront par assommer le joueur. Car oui The Longest Five Minutes est bavard… Très bavard même. Ces échanges interminables, malgré tout bien écrits et parfois drôles, apportent cependant très peu d’informations sur le déroulement de la quête, puisque tous les défis et objectifs seront ensuite listés dans un menu déroulant. Ainsi, ces dialogues se voient rapidement sautés par l’utilisateur, raccourcissant encore une fois la durée de vie du titre. D’autre part, le prix du jeu s’avère totalement prohibitif. Mais par quel moyen un tel titre peut-il se retrouver en version téléchargeable au prix de 40 euros ? Doté de graphismes simplistes, d’une longévité limitée par des choix de réalisation plombant l’aventure et d’une originalité effacée dès les premières heures de jeu engrangées, le titre ne justifie jamais un tel prix. D’autant plus que le genre RPG est déjà bien ancré sur l’eShop de la Nintendo Switch avec des expériences au rapport qualité/prix bien plus satisfaisant.

L’édition collector

Conclusion : NON !

Jouer à The Longest Five Minutes questionne inévitablement sur la cible de joueurs visée par ses développeurs. Beaucoup trop facile et vite expédié par un connaisseur du genre, pas assez profond pour constituer une véritable porte d’entrée pour les néophytes dans le genre RPG, ce titre demeure un mystère quant à ses intentions. Doté effectivement d’une histoire au découpage sortant de l’ordinaire, le jeu accuse une réalisation totalement transparente et surtout d’un gameplay en mode automatique pendant tout le déroulement de l’aventure. Répétitif, ennuyeux et inutilement bavard, The Longest Five Minutes ne justifie à aucun moment un tarif de 40 euros, un prix qui finit par achever l’intérêt pour ce jeu, oubliable en moins de cinq minutes.

LES PLUS : 

+ Un scénario déstructuré et original
+ Le traitement du combat final au style visual-novel
+ Un style 90’s qui peut plaire
+ Les musiques agréables

 

LES MOINS :

– Trop générique
– Répétitif à mourir
– Trop bavard
– Beaucoup trop facile
– Les quelques bonnes idées mal exploitées 
– 40 euros !!??

_______________________________________________________________

Le système de verdict de Nintendo-Difference repose sur trois niveaux :

– OUI ! (nous recommandons l’achat de ce titre, peu importe quel joueur vous êtes : vous l’apprécierez, à condition de ne pas être hermétique au genre). Le Oui accompagné du ND Award récompense les titres soit exceptionnels que vous devez acheter quoiqu’il arrive, soit ceux nous ayant provoqué de gros coups de coeur !

– “Peut-être” (nous recommandons de bien lire le test avant d’acheter le jeu, car il peut ne pas correspondre à tout le monde, et ce pour des raisons qui peuvent largement être différentes d’un jeu à un autre). Par exemple, un titre peut être tout à fait exceptionnel et obtenir un “Peut-être” parce qu’il se classe dans un genre de niche qui ne correspondra pas à tout le monde alors qu’un autre pourra s’avérer vraiment moyen et à ne réserver qu’aux puristes du genre ou aux fans inconditionnels (comme dans le cas d’une adaptation par exemple).

– NON (nous ne recommandons pas l’achat de ce jeu). Trop mauvais ou trop cher pour ce qui est proposé.

Nous avons abandonné l’idée des notes, car celles-ci n’aident en rien à faire un choix, avec ce système vous savez si vous pouvez acheter les yeux fermés, s’il faut bien lire le test pour savoir si le jeu peut vous convenir ou s’il faut tout simplement s’enfuir.

  • Nintendo-Difference

    par Draco

    le 24 mars 2018 à 11:35

Partager sur

  • Sorties :
  • 16 Février 2018
  • 13 Février 2018
  • 26 Avril 2018
  • Sorties :
  • 16 Février 2018
  • 13 Février 2018
  • 26 Avril 2018
LES COMMENTAIRES
Les commentaires sont désactivés.
Les prochaines sorties

2

MAI.

Surmount

Nintendo Switch - Plate-formes Aventure - Jasper Oprel et Indiana-Jonas popagenda - Jasper Oprel et Indiana-Jonas

9

MAI.

Animal Well

Nintendo Switch - Plate-formes Aventure - Bigmode - Shared Memory

14

MAI.

Biomutant

Nintendo Switch - A-RPG - THQ Nordic - Saber Interactive Experiment 101