Test Nintendo Switch d’Unruly Heroes, le singe s’est pris les pieds dans le tapis

Il est fort probable, pour ne pas dire impossible, que chacun d’entre nous ait un jour entendu le nom de Sun Wukong. Ce singe immortel, héros principal de La Pérégrination vers l’Ouest (un roman majeur de la Chine, écrit par l’auteur Wu Cheng En), est en effet une des figures fictives les plus célèbres au monde. Les plus jeunes ainsi que les moins érudits (sans jugement aucun), quant à eux, s’étonneront de le retrouver comme modèle de nombreuses inspirations plus récentes : Son Goku de Dragon Ball (par Akira Toriyama), Simiabraz de Pokémon, Saiyu de Hunter × Hunter (par Yoshihiro Togashi), ou encore les innombrables itérations MOBAesques (Wukong pour League of Legends, Monkey King pour Dota 2 et Heroes of Newerth, voire littéralement Sun Wukong lui-même pour SMITE). Unruly Heroes lui, va encore plus loin : il s’agit ici de vivre la grande aventure au sein d’un jeu de plates-formes et d’action en 2D, seul ou à plusieurs. Disponible sur le Nintendo eShop depuis le 23 janvier dernier, développé et édité par Magic Design Studios (une équipe montpelliéraine composée d’ex-Ubisoft), sa sortie surprise faisant suite au dernier Indie Highligths de Nintendo a de quoi laisser songeur…

Un test rédigé par Kalimari.

Papers, Please

L’harmonie du monde, préservée par un parchemin sacré, n’est désormais plus. Le Saint Rouleau de Papier, en mille morceaux déchirés, doit être de nouveau recomposé. Les ténèbres ayant submergé la lumière, les paisibles bêtes sont devenues d’odieux monstres. Quatre héros tout aussi improbables qu’indomptables s’acquittent de restaurer l’équilibre, envers et contre tout. Un singe, un cochon, un colosse et un moine endormi seront ainsi les acteurs de cette épopée majeure. Drôle de façon que de proposer un court résumé de cette histoire, n’est-ce pas ? Elle est – d’une certaine manière – raccord avec le ton du jeu, très édulcoré. Une petite remarque qu’il est bon de prendre en compte, tant le titre insiste lourdement sur l’humour et une vision légère du conte chinois. Exit donc tout aspect respectueux de l’œuvre ou toute volonté de verser dans l’épique, mouchant ainsi les attentes de ceux qui ne se seraient pas informés avant un potentiel achat.

Un humour franchement peu amusant soit dit en passant, la faute à un style trop convenu, pour ne pas dire cliché. C’est facile, un peu bas du front, mais surtout déjà vu un nombre incalculable de fois. Peu importe, le scénario n’étant nullement la clef de voûte du titre montpelliérain. S’il y a bien une chose qui frappe en lançant cette aventure simiesque, c’est à quel point elle brille par sa direction artistique. Dès le premier coup d’œil, impossible de ne pas penser aux derniers Rayman et à leur moteur, le UbiArt Framework, alors même qu’il s’agit ici du Unity 3D. Chaque scène est colorée, comme peinte à la main, et fourmille de nombreux détails. Même les arrière-plans, pourtant soumis à un flou artistique, sont extrêmement vivants et apportent leur lot d’événements tantôt amusants, tantôt épiques (toutes proportions gardées). Très agréable en mode portable, c’est évidemment sur un grand écran de télévision que le soft brillera de mille feux.


Ar(c)tistic Monkey(s)

Les environnements, relativement variés, mèneront les joueurs dans des champs, aux abords de cours d’eau, dans l’outre-monde ou au pied d’un volcan. Embellis par de chouettes effets de lumière, c’est aussi et surtout à travers ses animations qu’Unruly Heroes peut se targuer d’être aussi flamboyant. Une petite pépite qui, là aussi, rappellera les plus beaux mouvements des derniers Rayman. C’est plein de punch, c’est cartoon, c’est fluide, bref, que du bonheur. C’est peut-être un peu moins vrai pour les ennemis et les boss, en comparaison des quatre héros, mais il n’empêche que chaque instant est suffisamment délicieux à visionner pour passer outre. Un laissé-passé dont ne bénéficiera pas la bande-son, parfois longuement absente, mais régulièrement oubliable. Il y avait pourtant de quoi faire voyager le joueur à l’aide de ses notes traditionnelles, qui manquent toujours d’accrocher l’attention du promeneur.

Les bruitages, plutôt réussis, ne parviendront nullement à contrebalancer ce vide cruel. À cela s’ajoute la mauvaise idée d’y incorporer des doublages anglais, lesquels manquent clairement de vie et, plus que tout, d’envie. C’est – à défaut de se répéter – là aussi cliché, à base d’antagonistes qui accentuent longuement certains mots, histoire de bien faire comprendre qu’ils sont « méchaaaaants ». Les menus du jeu et l’affichage tête haute sont quant à eux bien réalisés, quoique relativement sommaires. Enfin, et même si ce défaut touche plus au gameplay qu’à l’enrobage visuel ou sonore du titre, force est de constater que les rares dézooms de la caméra nuisent plus à la lisibilité de l’action qu’ils ne renforcent la baffe artistique (leur but premier). C’est déjà peu pratique lorsqu’un jeu exige une certaine maîtrise de la plate-forme, mais c’est encore pire quand ladite plate-forme est le plus gros point faible du jeu en question.

L’Empire cé(pas)leste

Car, il est tristement vrai, Unruly Heroes pêche cruellement dans les sensations de plaisir qu’il tente de transmettre au joueur. Oubliez toute comparaison aux derniers opus de Rayman mentionnés plus haut, le jeu de Magic Design Studios ne se rapprochant que de manière très superflue de ce dernier. Outre leur direction artistique, difficile de réellement rapprocher les deux œuvres, malgré quelques similitudes évidentes. Il y a bien ces sauts flottants dont sont capables le cochon et le moine somnambule, mais rien qui n’aille jusqu’à la nervosité de la course du héros sans bras, ni jambes. Unruly Heroes est terriblement mou, tant ses personnages sont lents, avec ou sans ruée en avant, laquelle permet au joueur d’esquiver pièges et attaques ennemies. C’est d’autant plus surprenant que lors de ces affrontements, le jeu parvient à offrir une patate agréable. Là où Rayman enchaîne à deux mille à l’heure des bonds et la destruction d’obstacles, le quatuor héroïque peine à enchaîner correctement les doubles sauts, la faute d’une maniabilité discutable.

Sans trop savoir qu’elle en est la cause, se déplacer de plate-forme en plate-forme relève parfois de l’épreuve ultime, notamment durant les premiers pas ou sur les derniers niveaux. Peut-être une physique trop lourde, des masques de collision douteux ou des environnements trompeurs ? Reste qu’il faudra de multiples essais au joueur pour réussir ne serait-ce qu’un double saut vers un promontoire élevé ou une escalade entre deux murs. Pire encore, rares seront les moments de grâce du level design, sacrément bateau la majeure partie du temps. Il n’y a guère que le troisième monde, composé en tout et pour tout de quatre niveaux et d’un boss, qui puisse afficher fièrement ses riches idées de construction. Le reste est au mieux sympathique, au pire ennuyeux. Enfin, il faut également souligner la présence de casse-têtes, dénués d’intérêt et qui plombent encore plus le rythme mollasson du jeu. Fort heureusement, tout n’est pas à jeter dans le gameplay d’Unruly Heroes, à commencer par son système de combat.

Tendre le bâton pour tous les battre

En plus d’un double saut ou d’un saut parachuté, suivant le personnage incarné, le joueur pourra également effectuer une série de coups divers et variés, au corps à corps ou à distance, chaque héros possédant un panel de mouvements qui lui est dédié. Ces mouvements varient en fonction de si le personnage est dans les airs ou sur terre, qu’il vise en haut, en bas ou sur le côté. Les choppes, présentes, permettront surtout de balancer le vil adversaire dans un piège ou un élément mortel de l’environnement (eau, lave, ravin, etc.). Asséner un monstre d’un long combo offrira au joueur des points de charge qui, lorsque la barre dédiée sera remplie, pourra être consommée pour activer une attaque spéciale. Puissante et invincible, mieux vaut alors l’utiliser contre de puissants ennemis ou boss. Seul ou à plusieurs en coopération locale (jusqu’à quatre), chaque héros dispose d’un pouvoir unique : la création d’une plate-forme pour le singe, la destruction de certains éléments pour le colosse, la capacité de se gonfler et de flotter pour le cochon ou encore l’activation à distance de mécanismes uniques pour le moine dormeur. En outre, chaque personnage possède sa propre barre de vie et de charge.

Ainsi, briser un vase de soins ne bénéficiera qu’à l’auteur du coup, contrairement aux encensoirs dispersés avec parcimonie. Ces derniers, en plus de servir de points de sauvegarde, ragaillardiront toute la troupe, y compris ceux tombés au combat, à condition d’avoir suffisamment tabassé d’ennemis au préalable. Comme dans un New Super Mario Bros., une fois mort, il sera possible de rejoindre ses alliés sous forme de bulle après quelques secondes d’attente. Le joueur appréciera sans nul doute les mécaniques de combat du titre, pleines de dynamisme et agréables à jouer. Les boss – au nombre de quatre – seront tout aussi plaisants à affronter, puisque variés et assez imaginatifs, en plus d’être réussis visuellement. Dommage toutefois qu’ils ne présentent aucun challenge. Enfin, il ne faudrait pas non plus oublier les quelques surprises ici et là dont regorge Unruly Heroes et qui permettent au jeu de ne pas trop sombrer dans une redondance certaine, comme ces phases où le joueur contrôle un monstre, aspire de la fumée et des plates-formes, gèle des blocs de lave ou vole sur un nuage.

Au bout du rouleau de printemps

Il y aurait encore tant à dire sur le titre, qu’il s’agisse de ces petites trouvailles ou de ses panoramas grandioses, mais ce serait gâcher le plaisir de la découverte. Alors peut-être vaut-il mieux finir sur les ultimes et inévitables informations, comme la présence de quelques bugs particulièrement gênants lors de ce test ? On notera surtout un niveau en particulier où, durant l’écran de chargement, appuyer sur quelques boutons et déplacer le stick empêchera l’affichage de l’écran de jeu sur la télévision. Il est possible de jouer en mode portable ou sur table, mais impossible de retourner sur le grand écran à moins de finir le niveau ou de le quitter, après avoir éteint et rallumé le moniteur. Dans un autre niveau, à cause d’une trop grande rapidité dans la progression d’un casse-tête, la caméra est restée bloquée, empêchant de continuer et de terminer le stage en question. Seule solution : quitter et recommencer, en faisant bien attention de ne pas répéter le même scénario au prochain essai.

Le joueur solitaire pestera également sur le système de rotation des héros. Là où Trine permet d’intervertir les siens vers la gauche ou la droite à l’aide des deux gâchettes, Unruly Heroes complique les choses en ne permettant que la rotation par la droite. Ainsi, si le joueur désire revenir sur le singe, mais qu’il contrôle le moine narcoleptique, il lui faudra alors presser trois fois la gâchette gauche (celle de droite servant à effectuer une ruée, ce qui provoque quelques erreurs létales). C’est peu pratique, d’autant plus qu’il y a ici quatre héros en lieu et place des trois de Trine, demandant encore plus de manipulations fastidieuses. D’une difficulté aisée durant le premier monde, la difficulté tend à se transformer en die and retry au fur et à mesure que le joueur progresse. À plusieurs, pas de soucis, mais seul, le titre risque au final de se révéler frustrant pour celui qui ne possède ni réflexes accrus, ni talent pur et dur ; mourir avec un personnage ramène obligatoirement en arrière, là où à plusieurs, si quelqu’un passe, tout le monde peut le rejoindre sous forme de bulle. Composé de vingt-neuf niveaux (dont quatre dédiés à un combat de boss), Unruly Heroes demandera au joueur près de sept heures pour être traversé en ligne droite. Il lui en faudra entre quinze et vingt pour compléter le jeu à 100 % (obtenir tous les collectibles ainsi que la médaille d’or dans chaque niveau). Un mode arène, réussi, est également disponible pour ceux qui désirent prolonger l’expérience.


Conclusion : PEUT-ÊTRE !

Pour près de vingt euros et malgré tous ses petits défauts, à commencer par un aspect plate-forme peu flatteur, un rythme mollasson et une bande-son aux abonnés absents, Unruly Heroes reste un titre sincère et généreux. Un potentiel coup de cœur qui s’apprécie avant tout pour sa direction artistique, son aspect beat’em all et son jeu en coopération locale. Plein de bonne volonté, mais définitivement trop imparfait pour atteindre le haut du sommet, Unruly Heroes est un achat à méditer, pourquoi pas à l’aide d’une une petite promotion. Il n’empêche que le voyage marquera très certainement le joueur, par sa beauté étourdissante et ses quelques idées ingénieuses disséminées ici et là, à défaut de l’envoûter pour toujours.

LES PLUS : 

+ L’aspect beat’em all, réussi
+ Une direction artistique sublime
+ Des animations aux petits oignons
+ Les quatre héros, tous uniques
+ Des boss originaux et agréables
+ Un bestiaire assez varié
+ Une bonne durée de vie
+ De la coopération locale jusqu’à quatre

 

LES MOINS :

– L’aspect plateforme, raté
– Une bande son peu présente et peu marquante
– Des casse têtes qui brisent un rythme déjà mou
– Une difficulté inégale
– Des doublages peu convaincants
– Des dézooms de caméra ennuyeux, surtout en mode portable
– De rares bugs particulièrement gênants

_______________________________________________________________

Le système de verdict de Nintendo-Difference repose sur trois niveaux :

– OUI ! (nous recommandons l’achat de ce titre, peu importe quel joueur vous êtes : vous l’apprécierez, à condition de ne pas être hermétique au genre ou à l’univers). Le Oui accompagné du ND Award récompense les titres soit exceptionnels que vous devez acheter quoiqu’il arrive, soit ceux nous ayant provoqué de gros coups de coeur !

– “Peut-être” (nous recommandons de bien lire le test avant d’acheter le jeu, car il peut ne pas correspondre à tout le monde, et ce pour des raisons qui peuvent largement être différentes d’un jeu à un autre). Par exemple, un titre peut être tout à fait exceptionnel et obtenir un “Peut-être” parce qu’il se classe dans un genre de niche qui ne correspondra pas à tout le monde alors qu’un autre pourra s’avérer vraiment moyen et à ne réserver qu’aux puristes du genre ou aux fans inconditionnels (comme dans le cas d’une adaptation par exemple).

– NON (nous ne recommandons pas l’achat de ce jeu). Trop mauvais ou trop cher pour ce qui est proposé.

Nous avons abandonné l’idée des notes, car celles-ci n’aident en rien à faire un choix, avec ce système vous savez si vous pouvez acheter les yeux fermés, s’il faut bien lire le test pour savoir si le jeu peut vous convenir ou s’il faut tout simplement s’enfuir.

  • Nintendo-Difference

    par Draco

    le 2 février 2019 à 12:44

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