Test de Pentiment sur Nintendo Switch

En résumé

  • Sorties :
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L'avis de Chozo

Si vous avez la chance de lancer Pentiment sans vous être vraiment renseigné sur sa proposition, présentant un RPG qui se passe au Moyen Âge, vous apprenez soudain qu'il s'agit d'un jeu d'enquête. Cela peut être un frein dans sa première appréciation, puisque son côté austère, bavard, lent et mystérieux peut amener rapidement à se demander ce qu'on est venu foutre là et ce que le jeu allait demander de faire. Mais lorsque l'on saisit enfin les enjeux de l'aventure après avoir toléré la première journée, s'agissant d'une scène d'exposition du contexte et des personnages propres à ce genre, c'est là qu'on se prend tout dans la tronche. La première baffe arrive bien vite sans réellement savoir qu'on allait devoir se confronter de façon aussi brutale aux conséquences imposées par les choix libres, mais limités par le temps. Frustration, c'est bien le mot important, et ce qui en découle révèle la forte teneur émotionnelle de l'expérience, puisque psychologiquement, la proposition joue de façon réellement inédite avec le médium du jeu vidéo. Si cette conclusion manque de clarté, c'est que vous ne vous êtes pas encore plongés dans les mystères de Pentiment, elle n'est là que pour vous intriguer.

Les plus

  • L'écriture, évidemment, comme sa localisation
  • Une mise en scène et des gimmicks artistiques dans le dessus du haut du panier
  • La frustration en contradiction avec la grande liberté, un sentiment unique
  • Des thèmes et un contexte inédits
  • D'une richesse énormissime
  • Historiquement, on apprend des choses, sans bailler
  • Des options d'accessibilité bienvenues

Les moins

  • C'est austère au début, et la première approche est déstabilisante
  • Très textuel, vous savez à quoi vous attendre
  • Le jeu joue avec la frustration, à voir comment on digère cela
  • Pas de version physique européenne...
  • Nintendo-Difference

    par Chozo

    le 10 avril 2024 20:15

C’est un petit événement, alors que les rumeurs courraient et nourrissaient les news quotidiennes des influenceurs en tout genre, oui, certaines productions estampillées Xbox Game Studios ont récemment connu un portage sur les machines concurrentes. Ainsi, à l’instar de l’œuvre de Moon Studios il y a quelque temps, Pentiment des Californiens d’Obsidian Entertainment se retrouve sur l’eShop Switch, avec ses airs de jeu indépendant créé par un studio réputé pour son travail de qualité. Et c’est peu dire que ce titre consistant en un RPG narratif à tendance point & click n’a rien de très sexy de prime abord. Über référencé historiquement et artistiquement, influencé par des manuscrits, des gravures de l’art médiéval et de la prédominance bénédictine bavaroise du XVIᵉ siècle, Pentiment joue la carte de l’austérité aux curseurs mis au max pour nous la faire totalement à l’envers. Parce que si cet ovni ressemble à un vieux machin de musée historique teuton poussiéreux, il est avant tout un chef-d’œuvre d’écriture, où le blasphème est permanent et où les apparences n’ont jamais été aussi trompeuses. Expérience unique en approche, vous êtes prévenus.


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Nous voici en 1518 dans l’abbaye bénédictine de Keirsau, à proximité de la bourgade bavaroise de Tassing. Concrètement, ce contexte historique n’est pas choisi innocemment, puisqu’il s’agit d’une période hautement transitoire entre le Moyen Âge et la Renaissance, où religion et politique connaissent un bouleversement considérable, subtilement illustré dans la présente œuvre. Le joueur incarne l’artiste et illustrateur Andreas Maler, nouvellement débarqué dans la communauté fermement dominée par le corps ecclésiastique, sans le sou, hébergé par une famille de fermiers et employé au sein du scriptorium de l’abbaye de Keirsau, le lieu de confection des manuscrits qui précéda historiquement l’introduction de l’imprimerie.

Si ses collègues moines et scribes travaillent de manière traditionnelle sur les ouvrages, de la préparation du support, à l’écriture, en passant par la décoration et la reliure, Maler s’attaque à l’un des défis de sa vie, réaliser son dernier chef-d’œuvre. Il sera cependant pris dans une série de meurtres mystérieux dont les enjeux et conséquences s’étaleront sur un bon quart de siècle. Le premier de ces assassinats se déroule sur les terres de l’abbaye, et c’est l’un des amis de Maler qui se voit plutôt injustement accusé. On vous le donne en mille, qui va se charger d’enquêter pour innocenter son pote, alors que pour beaucoup, il se mêle de choses qui ne le concernent pas ?

Pentiment est le fruit des équipes de développeurs chez Obsidian, organisées autour de Josh Sawyer et Feargus Urquhart, l’actuel CEO, mais sa genèse date du tout début des années 2000 où ces deux bonhommes travaillaient encore au sein Black Isle Studios. Sawyer, c’est l’Amérique, le symbole de la liberté. Et Sawyer s’est inspiré de la fiction historique de Darklands, un vieux jeu du début des nineties de Microprose, qui traitait du surnaturel au temps du Moyen Âge. Urquart n’est pas chaud à cette époque, voyant le seul intérêt pour un jeu pareil chez les férus d’histoire. Ce n’est qu’en 2018 que Sawyer relance la machine, alors qu’il était désormais chez Obsidian, juste après la publication de Pillars of Eternity II : Deadfire. Le principe du jeu se focalise cette fois sur une aventure narrative aux composantes d’enquête un tantinet point & click, au gameplay rappelant des indés à la Oxenfree ou Night in the Woods.

Avec une équipe de la taille du public niche initialement visé par le jeu, Sawyer débauche deux ou trois historiens, mais surtout la directrice artistique Hannah Kennedy, dont le style va rayonner sur l’ensemble de l’œuvre et lui donner cette touche, certes pas grand public, mais suffisamment accrocheuse pour intriguer n’importe quel joueur à la recherche d’exotisme. C’est aussi au travers de Microsoft que la proposition s’est démocratisée, puisque l’acquisition d’Obsidian en 2018 et l’entrée de fonds pour ce projet ont permis de prendre en charge plus aisément l’accessibilité et la localisation avec des traductions de haut niveau, une obligation pour un jeu qui se veut quasi-totalement textuel.


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Pentiment illustre sous la forme la plus fidèle possible le quotidien d’un bourg paysan soumis aux lois de l’Église, où le réalisme est au max, allant jusqu’à la composition des repas en cohérence historique et différenciée en fonction du statut social des personnes à table. C’est aussi une narration multipliant les personnages dans un environnement débordant de détails pertinents dans leur contexte, au point où, volontairement, l’aventure peut facilement donner le vertige et questionner régulièrement quant à la direction donnée par l’expérience, sans pour autant décourager qui que ce soit. Et ça, ça mes amis, c’est la preuve que l’écriture et la mise en scène du jeu sont du jus de miel divin.

Le délire va plus loin encore, étant entièrement dénué de doublage, le titre propose une différenciation de police d’écriture et de sound design dans les bulles de dialogue pour désigner notamment la classe des interlocuteurs. Le mystère à résoudre s’étale sur des décennies, autour d’une enquête fascinante où complot, occultisme, jeux de pouvoir et révoltes paysannes vont architecturer une proposition de récits dont les choix et l’univers sont complètement ouverts.

L’ouverture, c’est le leitmotiv du jeu. Maler peut aller où bon lui semble pour mener son investigation, discuter sur la place du village comme dans les chaumières, se faire inviter à manger par de multiples familles, et, surtout, faire les choix cruciaux, dont les conséquences se ressentiront des minutes, des heures, des jours ou des années plus tard, en totale liberté. Il n’y a jamais de mauvaise réponse, et ce principe s’applique même lorsqu’il s’agit de désigner un coupable de meurtre.

Outre son écriture, c’est aussi sa direction artistique qui s’avère plus que remarquable. Et ces bruits de grattage de plume dans les discussions, et ces corrections de texte en direct montrant le niveau d’éducation des personnages, et ce gribouillage de mots lorsque les interlocuteurs sont dans une situation de stress, et cette ambiance de spleen lancinant sur fond de fronde envers la domination ecclésiastique recouvrant toute l’interface du jeu, totalement dessinée à la main… Oui, on est sur une production aux moyens sensiblement plus élevés qu’un indé qui aurait pu avoir la liberté de réaliser un tel jeu, et cela transpire par tous les pores.


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Et des choix, il y en a partout, tout le temps, autant que de grosses poitrines dans les JRPG. Les réponses les plus impactantes sont ainsi soulignées d’un « ce ne sera pas oublié », façon productions Telltale, mais puissance 1000, tant une décision peut nous retomber sur les épaules au moment où on s’y attend le moins, avec des conséquences allant du refus de collaborer dans l’enquête, à la mort d’un personnage. Oui, c’est chaud à ce point. Cela commence d’ailleurs dès le début du jeu où il s’agira de choisir les éléments du passé de Maler, son origine, ses activités antérieures, ses formations et connaissances, et même ses qualités et défauts.

Andreas peut être, si le joueur le souhaite, un gros beauf addict à la bière qui n’aura jamais assez de paroles tendancieuses envers la gent féminine, mais aussi spécialisé en occultisme et en latin grâce à ses études dans une université française. Et à partir de là s’enchevêtrent de multiples embranchements à l’envergure fascinante, dépendant de la liberté totale accordée au joueur dans ses décisions à venir discuter avec certaines personnes plutôt que d’autres. Le récit se voit par moments entrecoupé de scènes d’introspection psychologique de la part du protagoniste, revenant de manière très intelligente sur ses souvenirs et passifs. On n’en dira pas trop ici, la découverte vaut réellement le détour.

Si les choix sont ouverts, il n’est cependant pas possible pour le joueur de discuter avec tout le monde en une journée, car Pentiment impose un système d’horloge qui suit l’Angelus, rythmant les temps de travail, de repas et de sommeil. Choisir de suivre un personnage plutôt qu’un autre fait avancer cette horloge, tout comme les diners et soupers. Pour ces derniers, et comme cela a déjà été évoqué, la décision appartient au joueur de sélectionner une famille parmi celles proposant d’accompagner Andreas pour le repas, afin de débloquer discussions et mini-jeux qui amèneront à un embranchement spécifique.

On l’aura compris, les chemins envisageables sont plus que foison, ce qui obligera un minimum de réflexion avant de valider un choix, une réponse ou une action, les conséquences étant irréversibles pour le reste de l’aventure. La rejouabilité est absolument énorme, puisqu’après une première run d’une quinzaine d’heures pour découvrir la révélation finale, vu le nombre de personnages loupés dans nos décisions, l’envie d’y retourner est évidente, aidée par cette merveille d’écriture et par sa mise en scène, malgré un côté austère de prime abord assez déstabilisant. Vous ne vous êtes jamais intéressé à l’histoire teutonne du XVIᵉ siècle ? Pentiment devrait être utilisé dans les cours d’histoire au collège, no joke, tant la qualité du rendu historique, mêlée au soin donné à l’habillage du jeu donne envie d’apprendre. Une sacrée prouesse.

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