Test Nintendo Switch de Steins;Gate Elite, un fleuron du visual novel, plus accessible que jamais

Second épisode des Science Adventure, une série de visual novel développée par 5pb., Nitroplus et Chiyomaru Studio, Steins;Gate est initialement sorti sur Xbox 360 en 2009 avant d’être porté sur différents supports. Il a alors fallu attendre quelques années supplémentaires pour le voir débarquer enfin en Occident, que ce soit sur PC (en 2014), sur PSP et PS3 (en 2015) ou sur iOS (en 2016). Un temps qui aura servi à développer, autour de l’œuvre, un véritable petit univers cross-media avec manga, série télévisée, film d’animation, light novel, drama CD, jeu de plateau et bien sûr jeux vidéo. Outre une suite directe intitulée Steins;Gate 0 – disponible depuis 2016 sur les PS4 et PS Vita européennes –, on peut ainsi souligner la sortie, en 2011, d’un anime réalisé par le studio White Fox.

En effet, ce dernier a récemment servi de base au développement d’une toute nouvelle version du titre, baptisée Steins;Gate Elite, dont l’objectif était de dynamiser un peu le genre très statique du visual novel. Pour ce faire, les développeurs ont donc conservé l’histoire, tout en remplaçant les images fixes et les descriptions textuelles d’origine par de nombreuses séquences tirées de l’anime ou créées sur mesure. Un travail d’adaptation considérable qui s’est achevé l’an passé – avec la parution d’une version PS Vita exclusive au Japon – et auquel nous pouvons désormais goûter sur Nintendo Switch, depuis le 19 février dernier.

 

Un test rédigé par Kayle Joriin.


Le poids des mots, le choc des animations

Plus encore que pour un jeu d’aventure ou un RPG, l’intérêt principal d’un visual novel réside sans doute dans son scénario. Il faut dire qu’en terme de gameplay, beaucoup se résument principalement à appuyer sur un bouton afin de faire défiler des textes – la manœuvre pouvant souvent être automatisée. L’interactivité n’est toutefois pas totalement mise de côté et il est généralement possible d’orienter le cours des évènements, ce qui conduit à différentes routes scénaristiques. Certains représentants du genre proposent également quelques mini-jeux occasionnels, mais la plupart du temps, il faut d’abord apprécier la lecture.

 

Or, malgré ses ambitions, Steins;Gate Elite n’échappe pas à la règle. Il est vrai que ses nombreuses séquences animées permettent de fluidifier considérablement la narration et donnent davantage l’impression de regarder un film ou une série que de lire un livre. Néanmoins, avec son mélange de dialogues en japonais et de textes en anglais, le titre exige une réelle appétence pour les mots. S’il ne parlera logiquement pas aux joueurs qui n’envisagent leur passion que par le prisme de l’action frénétique, les moins littéraires et les non-anglophones pourront donc aussi passer leur chemin. C’est peut-être dommage vu la qualité du récit, toutefois Steins;Gate reste une expérience qui se mérite, même dans sa version moderne plus facile d’accès.

L’habillage graphique, totalement retravaillé, joue bien entendu un grand rôle dans cette nouvelle attractivité. Les fans de la première heure regretteront probablement les artworks sombres et stylisés de Ryohei Fuke – plus connu sous le pseudonyme « Huke » – qui était le character designer original. Cependant, le trait sobre de Kyuuta Sakai demeure très plaisant, et si elles datent déjà de 2011, les séquences animées offrent un petit coup de jeune à la réalisation, qui s’appuie par ailleurs sur une excellente bande-son. Là encore, les esprits chagrins pourront pester contre l’absence de doublages français, dans la mesure où l’anime en bénéficie. Cela dit, profiter des voix nippones reste toujours un vrai plaisir, et vu que le jeu s’éloigne régulièrement de la série animée, on peut se dire que doubler les scènes inédites n’aurait pas été simple.

 

 

Contrairement à l’adaptation du studio White Fox, qui se devait logiquement de présenter une trame unique, le récit de Steins;Gate Elite respecte en effet la structure de la version de 2009 avec pas moins de six fins différentes. Quatre d’entre elles se débloquent naturellement, en prenant certaines décisions à des moments déterminants de l’aventure. En revanche, accéder aux deux autres nécessitera potentiellement le recours à un guide de jeu, car elles exigent un enchaînement précis d’actions difficile à prévoir. Comme dans de nombreux visual novel, le gameplay ne se résume ainsi pas uniquement à lire des kilomètres de texte – souvent passionnants –, mais offre également quelques options d’interaction bienvenues.

D’une part, il est possible à tout moment d’accéder à un copieux glossaire dont les nombreuses définitions permettent de mieux appréhender un background plutôt dense. D’autre part, on pourra suivre de petites histoires parallèles via des échanges de mails laissant le choix entre différentes réponses grâce à un système de mots-clefs. Or, si ces discussions semblent initialement assez neutres, voire anecdotiques, elles peuvent en réalité infléchir le cours du scénario en donnant accès à des scènes alternatives et aux deux fins précitées. Une subtilité qui peut passer totalement inaperçue lors du premier run et obligera les complétistes à relancer une partie pour découvrir l’ensemble de l’intrigue. La tâche sera heureusement facilitée par un système de sauvegarde bien conçu, avec des checkpoints réguliers et des sauvegardes manuelles qu’on peut verrouiller pour éviter les accidents.

 


El Psy Kongroo

À ce stade de la lecture, les plus attentifs auront remarqué qu’après avoir noté que l’intérêt d’un visual novel se situait d’abord dans son histoire, l’auteur de la présente critique a soigneusement évité de parler du fond pour mieux se concentrer sur la forme. Cette approche n’est toutefois pas innocente, car il faut bien reconnaître que lorsqu’on évoque un titre comme Steins;Gate Elite, le fait de dévoiler le moindre détail scénaristique peut rapidement virer au spoiler.

Alors comment présenter les choses sans trop en dire ? Peut-être en vantant simplement la grande qualité du récit qui traite de sujets forts – voire parfois dérangeants – avec ce qu’il faut de finesse, d’humour et de sincérité, tout en ménageant son lot de scènes bouleversantes. On ajouterait qu’il est rare d’observer ce niveau d’audace dans les productions vidéoludiques actuelles, tout en soulignant que les visual novel – avec leur positionnement si particulier et leur public de niche – osent souvent davantage de choses que des genres plus en vue. Puis, on conseillerait au lecteur qui ne souhaite pas trop en apprendre de passer directement à la lecture du verdict, afin de conserver toute la force des révélations à venir.

 

Il est cependant difficile d’avancer tout cela sans donner quelques éléments de contexte. Et indépendamment de l’excellence du script, le joueur curieux peut légitimement avoir envie de savoir où il met les pieds. Steins;Gate Elite nous narre donc les mésaventures d’Okabe Rintaro, un jeune homme de 18 ans au caractère pour le moins singulier. Il présente en effet tous les signes du « Chunibyo », un terme japonais que l’on peut traduire par « syndrome de la deuxième année du secondaire » et qui est utilisé pour décrire le comportement de certains préadolescents aux tendances mégalomanes. Dans leur volonté de sortir du lot, ces derniers s’auto-persuadent ainsi qu’ils possèdent des pouvoirs cachés ou des connaissances secrètes, s’en vantant même auprès de leurs proches.

S’il s’agit d’un état fréquent chez de nombreux enfants, il est généralement transitoire et n’a guère de conséquences, hormis peut-être une certaine gêne lorsqu’on se remémore ses délires quelques années plus tard. Dans le cas d’Okabe, les fantasmes ne se sont toutefois pas atténués – bien au contraire. Notre héros clame haut et fort que son véritable nom est Hououin Kyouma, savant fou aux pouvoirs mystiques et à l’intelligence machiavélique, dont l’objectif est de plonger le monde dans le chaos, afin de le débarrasser de l’influence d’une société secrète omnipotente.

 

Respectant à la lettre son personnage, il ne manque d’ailleurs pas de s’illustrer par ses attitudes mythomanes, paranoïaques, voire manipulatrices, se lançant régulièrement dans de grandiloquentes tirades, simulant des discussions téléphoniques avec de mystérieux interlocuteurs et usant d’un langage assez cryptique. S’il peut parfois en devenir un brin agaçant – notamment pour le joueur – cela ne l’empêche pas d’être entouré par un petit groupe d’amis fidèles qui supportent étonnement ses excentricités. Sans doute parce qu’ils sont également un peu à part et qu’ils n’hésitent pas à casser ses délires lorsqu’ils vont trop loin.

 

Retour vers le passé

Malgré ses bravades, Okabe a en effet plutôt bon fond et possède un sens aigu de l’amitié, bien que cela ne se voit pas forcément au premier abord. Le Futur Gadget Lab, un pseudo-laboratoire qu’il a fondé pour développer les armes nécessaires à son « combat », ressemble ainsi davantage à un club d’otakus désœuvrés qu’au quartier-général d’un génie du mal. En témoigne le profil de ses premiers membres : Mayuri Shiina, l’amie d’enfance au caractère totalement lunaire, et Itaru Hashida, le hacker fan de moe et d’eroge. Le petit groupe sera néanmoins amené à grandir au fil des évènements, en particulier après la mise au point, totalement accidentelle, d’un appareil capable d’envoyer des messages dans le passé. Cette machine à textoter dans le temps sera alors à l’origine d’une aventure aussi rocambolesque que poignante, car après avoir expérimenté sans réel discernement, Okabe va se rendre compte que jouer avec le passé n’est pas forcément une bonne idée.

 

En dire plus serait un impardonnable divulgâchage, mais il faut toutefois préciser que sur cette base, Steins;Gate développe une histoire passionnante et bourrée de références – qu’il s’agisse d’éléments de pop culture nippone ou de concepts scientifiques assez sérieux et plutôt bien vulgarisés. Certains rebondissements pourront certes faire sourire en 2019. Pourtant, à la sortie initiale du titre, ils faisaient écho à des craintes qui n’étaient pas si anciennes. Notamment celle concernant le risque de création de trous noirs lors de la mise en route, en 2008, du Large Hadron Collider – un accélérateur de particule de 27 kilomètres de circonférence situé dans la région frontalière franco-suisse et géré par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, plus connue sous le nom de CERN.

Pour comprendre le rapport qui peut exister entre le plus grand centre de recherche mondiale sur la physique des particules et une bande d’otakus un peu timbrés, il faudra cependant tenter soi-même l’aventure. Ce qu’on ne saurait d’ailleurs trop conseiller à tous les amateurs de bonne science-fiction. Car si Steins;Gate Elite demande certains prérequis pour être apprécié à sa juste valeur, il propose un scénario réellement marquant et constitue un formidable ambassadeur pour le visual novel.

 

Au regard de la pauvreté de son gameplay, d’aucuns pourraient considérer que vendre un tel jeu au prix fort est un brin exagéré – surtout au vu des tarifs actuels de l’original sur PS3 et PS Vita. Mais ce serait dévaloriser la refonte visuelle considérable dont cette mouture 2019 a bénéficié afin de la rendre accessible au plus grand nombre. Quelques longs passages purement textuels s’avèrent toujours assez rébarbatifs, néanmoins, il est difficile de trouver aujourd’hui une meilleure manière de découvrir l’odyssée d’Okabe Rintaro. En particulier sur une Switch qui bénéficie une nouvelle fois de l’avantage de la portabilité et ne souffre d’aucune lacune technique notable.

De quoi profiter au mieux de l’expérience durant trente ou quarante heures, voire davantage si on souhaite relancer une partie. Et c’est sans compter sur le sympathique digestif que constitue 8-BIT ADV Steins;Gate, un jeu d’aventure rétro – offert gratuitement avec cette version Switch – qui revisite très librement l’intrigue principale. Il faudra toutefois prendre garde aux spoilers et se ménager suffisamment de temps pour parcourir le jeu d’une traite, car il ne dispose pour sa part d’aucun système de sauvegarde.

 

 

Conclusion : OUI ! ND AWARD

Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y jouer dans sa version originale, Steins;Gate Elite sera sans doute une révélation. En tant que visual novel, il ne faut certes pas y chercher de l’action débridée ou une grande profondeur de gameplay. Fondamentalement passive, l’expérience proposée ici se rapproche en effet davantage de celle d’un livre ou, en l’occurrence, d’un anime. C’est d’ailleurs précisément l’objet de cette nouvelle version : remettre au goût du jour un titre acclamé par la critique afin de le rendre plus abordable. Et la mission est parfaitement réussie. Si les non-anglophones et ceux que la lecture fatigue pourront passer leur chemin, le titre reste donc un indispensable pour tout amateur de bonnes histoires. Ainsi qu’un des gros coups de cœur du premier semestre 2019.

LES PLUS : 

+ Scénario marquant

+ Univers hyper référencé

+ Personnages mémorables

+ De l’humour, de la réflexion et de l’émotion

+ Les voix japonaises

+ Bonne durée de vie

+ Plus accessible que l’original

+ 8-BIT ADV Steins;Gate en bonus

 

LES MOINS :

– Gameplay logiquement très limité

– Pas de traduction française

– Solution nécessaire pour accéder à certaines fins


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Le système de verdict de Nintendo-Difference repose sur trois niveaux :

– OUI ! (nous recommandons l’achat de ce titre, peu importe quel joueur vous êtes : vous l’apprécierez, à condition de ne pas être hermétique au genre)

– “Peut-être” (nous recommandons de bien lire le test avant d’acheter le jeu, car il peut ne pas correspondre à tout le monde, et ce pour des raisons qui peuvent largement être différentes d’un jeu à un autre). Par exemple, un titre peut être tout à fait exceptionnel et obtenir un “Peut-être” parce qu’il se classe dans un genre de niche qui ne correspondra pas à tout le monde alors qu’un autre pourra s’avérer vraiment moyen et à ne réserver qu’aux puristes du genre ou aux fans inconditionnels (comme dans le cas d’une adaptation par exemple).

– NON (nous ne recommandons pas l’achat de ce jeu). Trop mauvais ou trop cher pour ce qui est proposé.

Nous avons abandonné l’idée des notes, car celles-ci n’aident en rien à faire un choix, avec ce système vous savez si vous pouvez acheter les yeux fermés, s’il faut bien lire le test pour savoir si le jeu peut vous convenir ou s’il faut tout simplement s’enfuir.

  • Nintendo-Difference

    par Draco

    le 18 août 2019 à 13:48

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