Sakura Note

En résumé

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  • Non renseignée
  • 5 Novembre 2009

L'avis de Xeen

Sakura Note possède toutes les qualités et, hélas, les défauts des jeux d’aventure point’n click proches du film ou du roman interactif. Si le titre charme par son univers, son humour, ses personnages attachants, une fort belle réalisation technique globale (graphisme, musique…) et que son scénario captive de bout en bout, il ne parvient pas non plus à convaincre à cause d’un gameplay limité et d’une faible durée de vie. La nouvelle production de Ueda montre à quel point il est difficile de combiner œuvre purement artistique et/ou expérimentale, et jeu vidéo en tant que « jeu ». Si Sakura Note est indéniablement une œuvre remarquable, c’est aussi malheureusement un jeu moyen qui peinera à convaincre ou remportera une complète adhésion suivant ce que l’on recherche dans un jeu vidéo.

Les plus

  • Univers poétique très Miyazaki-like
  • Scénario riche à la fois drôle et doux-amer
  • Personnages attachants
  • Réalisation globale (graphisme, animations, musique)

Les moins

  • Gameplay limité
  • Peu de challenge, d’énigmes, de combats
  • Faible durée de vie
  • Pas vraiment un jeu au sens premier
  • Nintendo-Difference

    par Xeen

    le 2 janvier 2010 23:00

Après un atypique Contact, fourmillant de bonnes idées mal exploitées, Akira Ueda et le studio Audio Inc reviennent sur DS
avec un nouveau jeu d’aventure, Sakura Note, en étant aussi épaulés par
une dream team de luxe : Nobuo Uematsu à la musique, Kazuhige Kojima au
scénario et Hideo Minaba à la direction artistique. S’étant montré sous
un beau jour avec son univers rappelant les productions de Miyazaki, Sakura
Note est finalement sorti au Japon le 5 novembre. Un ovni en marge de la production actuelle, envoutant mais aussi
déconcertant.


Divisé en quatre chapitres, Sakura Note conte
les aventures de Toru Kurosawa, un jeune garçon menant une vie
d’écolier ordinaire entre ses amis et ses parents : Haruka, vraie
maman-poule, et Kaname, véritable geek programmeur de jeux vidéo et fan comme beaucoup de « Ancient Warrior Nasukaizer », le dernier sentai à
la mode. Cependant, le quotidien routinier de Toru va être bouleversé
par l’arrivée en ville et à l’école d’une nouvelle élève, Nanami
Yoshida, dont la mère récemment divorcée, Takako, est une ancienne
connaissance de Kaname. En effet, Nanami va se retrouver traquée par
des esprits venus d’un autre monde et bien sûr, les circonstances vont
faire que Toru va être impliqué et devenir pour elle une sorte de
protecteur, de héros. Pourquoi les esprits s’intéressent-ils à Nanami ?
Cela aurait-il un lien avec les deux cerisiers surplombant la ville ?
C’est ce que nos jeunes protagonistes vont tenter de découvrir, aidés
dans leur recherche par Traumerei, le chat de Toru, Reinholt, le chien
de Nanami et enfin un drôle de vieux bonhomme, Kikichi.

Un gamin, un chien, un félin

Dès le début, Sakura Note déroute.
Premièrement, même s’il se joue à la croix directionnelle (le stylet
n’est d’ailleurs pas utilisé), on est en présence d’un jeu d’aventure
proche du point-and-click (comme Another Code, Sam & Max ou Monkey
Island) et non d’un jeu d’aventure à la Zelda. Toutefois, le gameplay
de Sakura Note est ramené à sa plus simple expression dans la mesure où
Toru parle automatiquement aux gens lorsqu’il s’approche d’eux, idem
quand il s’agit de ramasser/examiner un objet ou d’en utiliser un dans son inventaire quand une « énigme » est à résoudre.
Ainsi, difficile de bloquer au cours de l’aventure, d’autant que  l’endroit où l’on doit se
rendre est
souvent indiqué sur la carte de chaque quartier (cinq au total), affichée sur l’écran supérieur de la DS. L’ensemble des quartiers n’est pas non plus accessible durant
chaque chapitre, ce qui implique que Toru n’évolue pas en totale liberté.
Néanmoins, ce dirigisme est en partie tempéré grâce au système de «
larmes ». En effet, si chaque chapitre est constitué d’un épisode principal
mettant en scène Toru, il est aussi composé de plusieurs épisodes
annexes qui se débloquent une fois un certain nombre de larmes
recueillies. Ces épisodes mettent en scène Traumerei et Reinholt (il en existe six à huit par animal
et par chapitre), et ne sont pas anodins puisque les deux animaux aident
Toru chacun de leur côté, offrant ainsi différents points de vue pour
une meilleure compréhension de l’intrigue. Ils offrent même, à l’occasion, l’opportunité
de se rendre dans des lieux inaccessibles dans l’épisode principal. De
même sont déverrouillés à la fin de chaque chapitre des épisodes
spéciaux mettant en scène Kaname, des sound tests, ainsi que des biographies
détaillées des protagonistes (pour comprendre certains points non
explicités dans l’histoire). Pour collecter les mille larmes de chaque
chapitre, Toru doit ramasser tous les items récupérables, réaliser
l’ensemble des actions possibles du chapitre comme répondre
correctement lors de dialogues, ou résoudre certaines énigmes, à
condition de les réussir dans un ordre parfois bien précis. Par
exemple, dans le chapitre trois, Toru doit ramasser le marteau qu’a
laissé tomber par terre un garçon réparant le toit d’une maison de son
quartier (petit clin d’œil, il s’agit de Terry, le héros de Contact,
dans son habit de mineur). Au lieu de lui redonner de suite pour se
voir récompenser par quelques larmes, Toru doit au contraire le garder
un temps puis ramasser une planche de bois traînant par terre près d’un
ruisseau pour aller réparer le mur délabré d’une autre maison de son
quartier en échange de larmes supplémentaires. C’est dans même ce
chapitre que se trouve la seule énigme « bloquante » pour un
non-japanophone. Dans la version altérée de l’école, il faut dans une
pièce ouvrir un casier frappé d’une malédiction. Pour cela, Toru doit
se rendre dans la salle la jouxtant et, de gauche à droite, ouvrir les
casiers 1-3-5, les refermer puis ouvrir les casiers 2-4.

Enfin,
Sakura Note comprend aussi un mode combat, lui aussi assez limité vu
qu’en tout et pour tout, il n’y a en que neuf, relativement faciles en
plus. Seuls deux boutons sont utilisés : un pour l’attaque l’autre pour
la défense sauf que cette seconde action diminuera le nombre de larmes
pouvant être acquises après l’affrontement. On notera tout de même un
système de collision un tantinet hasardeux. Les caractéristiques de
Toru (vie, force…) augmentent suivant diverses actions effectuées dans
le mode aventure ou le mode combat (généralement ne  pas se défendre
et/ou ne pas se faire toucher une seule fois). Toutes sont répertoriées
dans le menu d’inventaire, dans la partie NewExp.#row_end

C’est un beau roman, une belle histoire

La
relative facilité de l’ensemble à des conséquences sur la durée de vie.
Sakura Note se termine en six heures, voire moins. En outre, si on tient compte du dirigisme prononcé et du gameplay minimaliste, on comprend
alors que Ueda a avant tout voulu conter une belle histoire, proposer
une œuvre artistique plutôt qu’un jeu au vrai sens du terme. Cela se
ressent jusque dans le manuel d’instruction : sur la couverture d’une
part avec la photo d’un chat et d’un chien dont les pelages sont les
mêmes que ceux de Reinholt ou Traumerei, et dans les dernières pages où
apparaissent des avatars de Ueda, Uematsu, Minaba et Kojima tels qu’ils
auraient pu être dans le jeu. On est finalement en présence d’un jeu
dans la veine d’anciens titres PC tels que Dragon Lore, Urban Runner,
Lost Eden ou Inherit for Earth, appartenant à une catégorie de jeu
d’aventure point’n click plus proche du roman ou du film interactif.
Ils ne sont pas non plus comparables aux véritables « romans
interactifs » (visual novels) où le principe se résume à lire un script avec parfois des choix occasionnels modifiant quelque peu
la suite du récit. Du fait d’une interactivité limitée, d’un fort dirigisme et d’une durée de vie réduite, ces jeux
tirent leurs forces de leur univers et leur scénario, d’où généralement
une somptueuse réalisation graphique et une bande originale immersive
pour les valoriser au maximum.

C’est le cas ici, puisque Nobuo Uematsu
signe des compositions en parfaite adéquation avec chaque lieu et chaque événement, renforçant ainsi l’immersion et apportant souvent une petite
touche d’onirisme et de mélancolie. Ces compositions rappellent aussi par
leur côté « synthétisé » les BO qu’il signait sur les jeux de l’époque
SNES. On notera en revanche l’absence totale de doublage. Graphiquement parlant, l’univers et les personnages qui
semblent tout droit sortis d’une œuvre de Miyazaki, sont magnifiés
par une belle 2D. Les décors sont lumineux, riches en détails
(extérieurs comme intérieurs des bâtiments) avec souvent des petites
pointes d’humour (des chats se dorant la pilule sur des panneaux
solaires, des esprits savourant des glaces pendant que leurs petits
copains sèment le chaos), des clins d’œil (Terry), voire
d’éventuelles références (l’esthétique noir/couleurs fluorescentes de
l’école démoniaque est comparable à celle du film Tron). On voit
d’ailleurs à de nombreux instants qu’ils portent la marque des
développeurs de Contact. Tout comme dans la modélisation des sprites
des personnages. Le travail sur leurs animations est remarquable,
humains comme démons, laissant transparaître leurs émotions, leurs
caractères avec pleins de petites mimiques. Même si elles utilisent le
moteur graphique du jeu, les scènes de dialogues font plus penser à des
cinématiques qu’à de banales conversations vu le souci de la mise en
scène. D’un autre côté, cela était un mal nécessaire et évident afin de
les rendre attachants, vivants, et d’être davantage happé par le
scénario.

Les protagonistes collent ainsi parfaitement aux archétypes
qu’ils incarnent. Haruka, en maman-poule, va se met en mode panique dès
lors que Toru ne rentre pas à l’heure voulue, moulinant des bras dans
le vide, ou se propose de l’accompagner pour aller voir Nanami chez
elle. Kaname, en parfait otaku, semble toujours un peu en décalage avec
la situation présente et n’hésite pas à mimer en public comme devant
son ordinateur les mouvements de son héros préféré. Si Reinholt et
Traumerei ne s’expriment que par aboiements et miaulement quand le
point de vue de Toru est adopté, ils sont pleinement compréhensibles
lors de leurs propres épisodes. Ainsi, le chien a tout du meilleur ami
de l’Homme en étant un parfait boy-scout alors que le chat, même en
ayant la patte sur le cœur (Traumerei a peur que les récentes tensions
entre Haruka et Kaname ne finissent par s’aggraver et blessent Toru,
aussi essaie-t-il d’y mettre un terme), est un brin cynique (il
philosophe avec ses autres potes matou aux abords du temple shintoïste
local), indépendant et accepte les câlins uniquement suivant son envie
(pauvre Nanami partie pour se faire griffer alors qu’elle voulait lui
faire une caresse pour le remercier de l’avoir sauvée dans le chapitre
deux). De même, le félin adore tourmenter et narguer le vétérinaire
local et sa nature un poil vindicative va faire que certains larbins
démoniaques vont devenir phobiques.

Le scénario, dans lequel on
retrouve des thèmes chers aux productions japonaises (la relation entre
l’Homme et la Nature, le manque de communication, le conte
initiatique), se montre quant à lui tour à tour drôle et doux-amer mais
toujours emprunt de la légèreté et du positivisme qui caractérisaient
Contact. Comme pour la précédente production d’Audio Inc, certaines
situations sont potaches (Toru donnant un coup de pied dans les parties
intimes d’un jeune voyou) et/ou décalées (dans l’école altérée,
l’esprit d’une écolière, enfermée dans les toilettes, va demander à
notre jeune héros de retrouver sa culotte). On a aussi droit à des
moments de pure poésie et/ou artistiques comme dans le chapitre quatre
quand les âmes de Kaname et Traumerei survolent les lignes et
géoglyphes de Nazca avant d’atteindre les rivages célestes plus proche
de la représentation bouddhiste et administrés par… un pigeon.

Au
final, Sakura Note laisse une impression en demi-teinte. Formellement,
le jeu subjugue, conquiert par sa poésie, son univers, son histoire,
ses protagonistes, sa réalisation technique mais son gameplay limité et
sa fugacité ternissent l’ensemble. On aurait aimé une aventure plus
longue avec plus de possibilités, voir encore plus de lieux, affronter
davantage d’esprits… Le plaisir procuré du début à la fin est évident
mais il ne provient pas « du fait de jouer » mais de celui de suivre
l’intrigue, comme si on lisait un livre. Un livre que l’on range dans
un rayon une fois fini et qu’on rouvre que bien plus tard pour se
remémorer de bons moments passés en sa compagnie. Comme d’autres
productions, Sakura Note montre qu’il est difficile de concilier œuvre
purement artistique/expérimentale et jeu vidéo si ce dernier est pris
dans le sens du pur divertissement. En gros, une œuvre magique mais un
« jeu » relativement moyen. A chacun de trancher suivant ce qu’il
désire d’un jeu vidéo suivant la définition qu’il lui donne.

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