Test de Vampyr sur Nintendo Switch

En résumé

  • Sorties :
  • 29 Octobre 2019
  • 29 Octobre 2019
  • 24 Decembre 2020

L'avis de Kayle Joriin

Loin d’être parfait dans son gameplay, avec une exploration parfois laborieuse et des combats assez répétitifs, Vampyr vaut avant tout le coup pour sa dimension aventure et son univers très réussis. Malheureusement, si l’expérience proposée est globalement convaincante, cette version Switch souffre de trop de défauts techniques – ralentissements, temps de chargement ou bugs – pour qu’on puisse la recommander sans réserve. Libre donc à chacun de tenter l’aventure en fonction de son degré d’indulgence, mais il y a malgré tout moyen de passer un bon moment en incarnant le docteur vampire.

Les plus

  • Univers sombre et envoutant
  • Scénario et personnages travaillés
  • La dualité incarnée par Jonathan
  • Bande-son de qualité
  • Durée de vie honorable (grâce à la rejouabilité)
  • De bonnes idées de gameplay

Les moins

  • Pas mal de soucis techniques
  • Combats largement perfectibles
  • Exploration un peu rébarbative
  • Des difficultés pour s’orienter
  • Quelques incohérences morales
  • Nintendo-Difference

    par Kayle Joriin

    le 9 février 2020 23:00

Ennemi traditionnel des héros de fantasy et antagoniste principal de plusieurs célèbres franchises vidéoludiques, le vampire a aussi régulièrement droit aux premiers rôles. On peut notamment citer la série des Legacy of Kain, les adaptations du jeu de rôle papier Vampire : La Mascarade ou certains Castlevania, comme Symphony of the Night ou Lords of Shadow 2. Sans être particulièrement fréquent, le fait d’incarner un suceur de sang n’est donc pas inhabituel et il existe même quelques références en la matière. Du coup, lorsqu’il a été révélé – dès janvier 2015 – que DONTNOD Entertainment travaillait sur un action RPG intitulé Vampyr, le projet avait de quoi attirer l’attention. Après l’échec commercial de Remember Me, l’avenir du studio restait en effet incertain. Life is Strange n’était pas encore le carton qu’on connaît et l’annonce d’un nouveau titre, dans un genre inédit pour les développeurs parisiens, pouvait ressembler à un coup de poker, heureusement financé par Focus Home Interactive. Au final, le jeu a néanmoins réalisé des ventes très satisfaisantes lors de sa sortie sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, un premier palier à 450 000 exemplaires ayant été franchi en juillet 2018, suivi du million d’unités en avril 2019. Un chiffre que l’éditeur français ambitionne d’ailleurs de doubler, comptant vraisemblablement sur le succès de la version Switch, disponible depuis 29 octobre dernier. Or, ce n’est pas forcément gagné…


Artwork de Vampyr

There will be blood

L’histoire de Vampyr débute avec le retour en Angleterre de Jonathan Reid, un brillant chirurgien et hématologue, tout juste démobilisé du front de la Première Guerre mondiale. Rentrant au bercail alors qu’une épidémie de grippe espagnole sévit à Londres en cette fin d‘année 1918, l’infortuné médecin se fait malheureusement agresser dès la cinématique d’introduction et se réveille, totalement désorienté, au beau milieu d’une fosse commune. Il ne le sait pas encore, mais il est déjà mort. Ou pour être exact, il vient d’être transformé à son insu en Ekon – un type de vampire. Comble de malchance, la première victime involontaire de son irrésistible soif de sang va être sa petite sœur Mary, qui venait de le retrouver à la suite de sa disparition. Horrifié par son acte, traqué par les chasseurs de la Garde de Priwen, Jonathan va dès lors se mettre en quête de réponses.

Dans son entreprise, il recevra rapidement l’aide du Docteur Edgar Swansea, un collègue praticien appartenant à la Confrérie de l’étole de Saint-Paul, société secrète étudiant les vampires. Engagé au sein de l’équipe de nuit du Pembroke Hospital, le néo-immortel va désormais disposer d’une planque sûre et d’une couverture idéale pour ses activités nocturnes. Celles-ci se partageront entre la recherche de la vérité sur sa métamorphose, l’apprentissage de sa nouvelle condition et la lutte contre l’épidémie menaçant la capitale britannique – les trois étant potentiellement liés. En chemin, il fera en outre la connaissance de différents personnages, à l’histoire souvent trouble, qu’il pourra choisir d’aider (notamment d’un point de vue médical) ou de saigner discrètement, laissant parler ses plus noirs instincts.

Docteur Reid et Mister Jon

Ce choix entre humanité et bestialité constitue d’ailleurs l’un des principaux éléments de gameplay, tout en ayant des implications scénaristiques notables – la disparition de certains habitants n’étant pas sans conséquences. En tant que Jonathan Reid, il faudra donc décider qui aura le dessus, du docteur ou du vampire, le jeu pouvant aussi bien être parcouru sans occire aucun PNJ (du moins pas directement) qu’en faisant un véritable carnage. Dans le premier cas, on devra se contenter de l’expérience gagnée en résolvant diverses quêtes et en survivant à de nombreuses rencontres hostiles, que ce soit avec les membres de la Garde de Priwen ou d’autres créatures de la nuit. Dans le second, il sera possible d’augmenter considérablement ses pouvoirs en s’abreuvant à la carotide des pauvres mortels, mais cela aura pour résultat d’aggraver la situation sanitaire des quartiers concernés. Et passé un seuil critique, ces derniers seront envahis par des ennemis supplémentaires, compliquant quelque peu les déplacements.

En pratique, le dilemme moral est ainsi géré de manière plutôt astucieuse et les développeurs ont même fait preuve d’un certain vice en nous incitant à nous rapprocher de nos proies potentielles afin d’en apprendre davantage sur elles et améliorer la « qualité » de leur sang – celle-ci influant sur la quantité de points d’expérience qu’il rapporte. Si jouer au gentil docteur limitera sensiblement les capacités qu’on pourra acquérir, augmentant le challenge sans que cela soit rédhibitoire, croquer dès le premier soir sera également loin d’être une solution optimale. Déjà, car il sera nécessaire de disposer d’un niveau suffisant de persuasion pour amener sa victime à l’écart et accomplir sa sombre besogne en toute discrétion. Ensuite, parce qu’il sera plus rentable de prendre soin de ses brebis avant de les mener à l’abattoir – un individu malade rapportant moins d’XP.

Image de Vampyr

Deux pouls, deux mesures

Force est néanmoins de constater qu’il existe quelques petites incohérences dans la gestion des pulsions sanguinaires de Jonathan. Alors que se repaître de supposés innocents aura des conséquences notables, allant jusqu’à influer sur la conclusion de l’aventure (plusieurs fins étant disponibles), on pourra en revanche trucider des dizaines de chasseurs de vampire sans être considéré comme une bête sanguinaire. Une distinction étrange, évidemment faite à des fins de gameplay, mais qui paraît un peu artificielle. Surtout qu’au-delà de son caractère a priori moins « pervertissant », mordre un agresseur permettra seulement de recharger sa jauge de sang – indispensable pour lancer des sorts vampiriques – et non de gagner de l’expérience. Bien que l’acte soit donc similaire, il est traité différemment. La légitime défense justifiant apparemment les tueries de masse.

On pourra aussi s’étonner que le fait de tuer un citoyen ait systématiquement un impact négatif sur l’équilibre d’un quartier, même lorsqu’il s’agissait d’une sale ordure n’apportant pas grand-chose à la communauté. Certaines morts pouvant par ailleurs être provoquées de manière involontaire – conséquences difficilement prévisibles de choix scénaristiques importants –, on en vient presque à regretter que le jeu ne propose pas davantage de nuances ou de cohérence dans sa façon de traiter la condition du Docteur Reid. En lui permettant, par exemple, de mordre un PNJ sans le tuer, ou en le laissant réguler plus subtilement la population. D’autant que l’ambiance et le scénario s’avèrent pour leur part très plaisants, avec une écriture de qualité, un univers loin d’être manichéen et des personnages souvent intéressants à découvrir. Le tout supporté par de très bons doublages anglais et une bande-son excellente composée par Olivier Derivière, déjà derrière les musiques de Remember Me.

Image de Vampyr

Asleep by Daylight

De manière globale, la dimension « aventure » de Vampyr fait donc honneur à DONTNOD Entertainment et rappelle que les développeurs parisiens savent définitivement raconter des histoires. La dualité de Jonathan est de surcroît plutôt bien gérée, malgré les réserves évoquées précédemment, et on prend plaisir à incarner ce médecin vampire. Malheureusement, le résultat est moins concluant en termes de gameplay, car si le titre est agréable à jouer, il souffre de quelques soucis potentiellement gênants. Concrètement, on alterne ainsi entre des phases de dialogues assez copieuses, l’exploration nocturne des rues de Londres et une multitude de combats contre des empêcheurs d’enquêter en rond, nécessitant un minimum de préparation. Les mécaniques RPG restent cependant assez légères, avec une montée en puissance se faisant essentiellement par l’acquisition de compétences et d’équipements.

Avant de pouvoir faucher sans peine du chasseur de vampire ou se mesurer aux plus puissants représentants de son espèce, le Docteur Reid va néanmoins devoir gagner en force et se doter d’un arsenal adéquat. L’expérience accumulée permettra d’abord de débloquer de nouvelles capacités, actives ou passives, puis de les améliorer. Le tout se faisant via une feuille de compétences suffisamment détaillée, mais accessible uniquement en se reposant dans l’un des abris disséminés dans la ville. Une mécanique d’évolution en deux temps qui s’avère légèrement perturbante au début. D’autant que la vie londonienne se s’arrête pas durant ces siestes imposées. Du coup, on se demande toujours un peu quel sera l’état sanitaire des différents quartiers à notre réveil et s’il faudra refaire la tournée des ruelles pour soigner les citoyens malades. À condition de préférer la médecine à la boucherie, évidemment.

Image de Vampyr

Fardeau de nuit

La gestion de l’équipement reste, quant à elle, assez simple puisqu’elle se résume grossièrement à deux sets d’armes, quelques sérums vampiriques et un stock de médicaments. Sachant que l’inventaire dispose également d’onglets dédiés aux objets de quêtes, aux documents récupérés ici ou là, et aux innombrables babioles qu’on pourra revendre contre une poignée de shillings ou recycler en matériaux utiles. Car si Vampyr n’est pas un Action-RPG d’une incroyable profondeur, il propose quand même son petit système d’artisanat personnel, dont on ne peut là encore profiter qu’au sein des planques. L’occasion de préparer divers remèdes – pour soi ou pour la population – et d’améliorer un armement relativement varié. Ce dernier incluant aussi bien des armes blanches, à une ou deux mains, que des armes à feu dont il faudra logiquement gérer les munitions.

Cet attirail ne tombera cependant pas tout cuit dans les poches de Jonathan. Il devra donc faire la tournée des marchands, piller sans vergogne ses victimes et fouiller le moindre réceptacle – de la poubelle au coffre-fort – afin de récupérer les outils nécessaires à la poursuite de l’aventure. Or, il faut reconnaître qu’il est parfois laborieux de se balader à travers le pseudo-labyrinthe que constitue les rues de Londres. Subdivisée en quatre quartiers, dont les différentes zones se débloquent au fur et mesure, la carte générale n’est d’ailleurs pas des plus lisibles. Bien qu’on dispose à l’écran d’indicateurs montrant la direction générale à suivre, une mini-map aurait clairement été appréciable. Néanmoins, avec tous les allers-retours que nous impose le scénario, on finit par se familiariser un tant soit peu avec l’agencement de la cité et par retenir les chemins pertinents en fonction de la destination choisie.

Image de Vampyr

Les griffes de l’ennui

Malheureusement, une fois passé le plaisir de la découverte, les déplacements peuvent vite devenir rébarbatifs, notamment lorsqu’on se fait régulièrement alpaguer par des groupes d’ennemis au respawn facile. D’autant que les affrontements finissent, eux-mêmes, par tourner un peu en rond, et ce, malgré un système pas déplaisant dans l’absolu. En effet, sans être extrêmement nombreuses, les capacités du héros semblent à première vue suffisantes pour garantir un minimum de diversité aux combats. Outre les esquives, les attaques de base et la possibilité de se soigner en consommant son propre sang (autophagie), on dispose ainsi de compétences tactiques (charge, invisibilité), défensives (paralysie, bouclier) et offensives (griffes, lance de sang, brume de ténèbres). Ces dernières se déclinant en des versions ultimes particulièrement puissantes, dont l’utilisation reste toutefois ponctuelle – l’ensemble obéissant à un système de cooldown assez classique.

Le problème, c’est que ces actions consomment de l’endurance ou du sang, des ressources qui s’épuisent rapidement et incitent alors à recourir à des stratégies répétitives. On va par exemple enchaîner quelques sorts, assommer son adversaire afin de le mordre et de remplir sa jauge de sang, puis recommencer. Ou bien, on pourra choisir de lui porter plusieurs coups au corps à corps, se mettre à distance en esquivant, récupérer de l’endurance, avant de revenir à la charge. Deux méthodes simples, mais efficaces, dont on risque sans doute d’abuser, car il n’est pas tellement nécessaire d’en faire davantage. Et comme les affrontements ne sont ni d’un dynamisme fou, ni d’une précision exceptionnelle – la caméra et le ciblage s’avérant régulièrement défaillants –, difficile d’être réellement enthousiaste. On n’ira pas jusqu’à dire que l’ensemble est mauvais, mais ce n’est clairement pas le point fort du jeu.

Now loading

Pourtant, malgré ses imperfections, Vampyr reste une expérience plaisante. Notamment grâce à son univers, son scénario et ses personnages travaillés. Dans l’absolu, et après quelques mises en garde de rigueur, on pourrait donc le recommander aux amateurs d’Action-RPG aux dents longues. Du moins sur PC, voire peut-être sur PlayStation 4 ou Xbox One, car la version Switch se pointe avec un certain nombre de défauts techniques potentiellement rédhibitoires. Pas forcément vilain au premier coup d’œil, la pénombre ayant tendance à masquer certains défauts, le portage semble d’abord assez solide, même si à plusieurs égards, il ressemble davantage à une production de la génération « PS360 ». Ne serait-ce que sur certaines textures ou modélisations de visage un poil grossières.

Sauf que là où de nombreux studios font le choix de privilégier la fluidité à la qualité visuelle pure – en particulier sur Switch –, les développeurs de Saber Interactive, en charge de la présente adaptation, semblent s’être arrêtés au milieu du gué. Ainsi, le titre ne tombe pas forcément dans l’excès de concessions graphiques, mais souffre en contrepartie de problèmes de framerate récurrents et parfois très agaçants. Ce n’est toutefois rien à côté des temps de chargement, à la fois nombreux, longs et pouvant se déclencher n’importe quand. Que ce soit lors de la transition entre deux zones, en plein combat ou lorsqu’on tente de parler à un PNJ. On peut alors se retrouver à attendre pendant plusieurs dizaines de secondes face à un écran à moitié noir, sans trop savoir ce qu’il se passe. Et on ne parle même pas cet étrange bug qui fait disparaître le butin habituellement récolté sur les cadavres ou dans le mobilier, obligeant à recharger la partie pour remettre les choses en ordre.

Certes, il faut reconnaître que Vampyr n’a techniquement jamais été un foudre de guerre sur les autres supports, et certains soucis ou bugs existaient déjà dans les autres versions. Malheureusement, on a un peu l’impression que l’addition est encore plus salée ici, et s’il est tout à fait possible de passer outre ses défauts, cette version Switch est loin d’être réellement convaincante. Néanmoins, les fidèles de Nintendo ne possédant que la console hybride et souhaitant absolument découvrir l’histoire de Jonathan Reid pourront toujours tenter le coup, si possible à prix réduit. De quoi les occuper pendant 30 ou 40 heures, sachant que le jeu propose une certaine rejouabilité, ne serait-ce que pour tester les deux approches « extrêmes ».

Artwork de Vampyr

LES COMMENTAIRES
Les commentaires sont désactivés.
Les prochaines sorties

9

MAI.

Animal Well

Nintendo Switch - Plate-formes Aventure - Bigmode - Shared Memory

14

MAI.

Biomutant

Nintendo Switch - A-RPG - THQ Nordic - Saber Interactive Experiment 101