Test Nintendo Switch de Disco Elysium – The Final Cut

En résumé

  • Sorties :
  • 12 Octobre 2021
  • 12 Octobre 2021
  • 25 Aout 2022

L'avis de Chozo

S'il nécessite un investissement particulier en termes d'attention avec ses millions de lignes de texte, Disco Elysium récompense son utilisateur avec une expérience saisissante d'immersion, d'engagement et de remise en question personnelle. Une seule partie ne suffira pas, tant les multiples cheminements apportent leur lot d'inattendu. Riche, parfaitement cohérent entre son gameplay et sa narration, objet artistique absolu, Disco Elysium - The Final Cut se voit même encore amélioré sur cette version Switch avec ses doublages, ses textes en français et ses quêtes supplémentaires. Et tout ça, désormais transportable partout. Outre quelques temps de chargement un peu longs et une enquête centrale plutôt scriptée (même si des choix complètement différents sont faits), nous tenons là un jeu qui a fait date, et qui fera date encore plus pour les Nintendosexuels. Du grand art.

Les plus

  • Une narration incroyable
  • Des personnages fous
  • Un doublage parfait
  • Un gameplay au service de l'histoire, sans fioriture
  • Artistiquement dément
  • De multiples manières de recommencer une partie
  • Très bien adapté sur Switch
  • Permet de se défouler comme de contempler
  • Les améliorations de ce Final Cut

Les moins

  • Des temps de chargement parfois longuets
  • L'enquête policière, plus en retrait
  • Forcément, il faut aimer bouffer du paragraphe
  • Nintendo-Difference

    par Chozo

    le 15 mars 2022 12:00

C’est peu dire que les Estoniens de ZA/UM auront marqué les esprits avec ce fameux Disco Elysium, RPG à énorme dominante textuelle, résultat d’un très long processus de développement, notamment de la part du fondateur du studio, Robert Kurvitz, également romancier et musicien à ses heures perdues. Disponible en version Final Cut avec sa traduction française depuis octobre 2021 sur Nintendo Switch, Disco Elysium aura nécessité près d’une décennie de développement et d’écriture, une longue gestation témoignant de l’aspect über artistique et artisanal de l’œuvre, venant renverser les piliers du genre sans sourciller. Pourquoi ? Parce que ce jeu se targue de proposer une expérience innovante et presque insolente, dans son approche radicale d’une aventure textuelle remarquablement scénarisée et artistiquement aboutie. Et ça, c’est rare et risqué.


Gardien de la paix avant tout

Tout est noir. Seul un texte s’affiche sur la droite, lu par une voix reptilienne chelou, jusqu’à ce que le personnage principal apparaisse écroulé par terre, à moitié à poil, se réveillant de ce qui ressemble à une énorme cuite. Blackout total pour ce bonhomme qui sort de l’inconscience, en mode gueule de bois et poudre blanche, sans souvenir manifeste de son identité et de son vécu. Il est immédiatement rattrapé par la réalité d’une enquête concernant un cadavre, découvert pendu dans la cour arrière de l’hôtel dans lequel il se trouve. Ah, c’est vrai, il est flic. Le voilà embarqué dans une double quête, à la fois policière et personnelle, puisqu’en plus de se réveiller comme un caca au milieu d’une chambre à l’hygiène douteuse, il s’avère que ce prétendu enquêteur a foutu un Zbeul monumental dans cet hôtel la veille, sans savoir pourquoi. Les employés de l’établissement, eux, n’ont manifestement pas oublié…

L’histoire se lance alors dans ce quartier glauque de la Martinaise, dans la bourgade de Rechavol, en compagnie du flegmatique Kim Kitsuragi, semblant habitué et fatigué des frasques du protagoniste. Mais il est aussi accompagné d’une multitude de voix dans sa tête, le conseillant dans ses choix et ses actions, au milieu d’un quartier occupé par des toxicomanes bien atteints, des dockers râleurs en grève, des personnages plus ou moins bienveillants, et un décor pourvu d’interactions parfois pertinentes, parfois totalement inutiles. Mais toujours ces voix, pourquoi ?

Oui, Disco Elysium nous joue la carte du personnage amnésique. Mais pas n’importe quel personnage, puisqu’il est soigneusement construit par le joueur à partir d’archétypes divers, et ses points de compétence sont répartis, de son fait, parmi les 24 caractéristiques classées en quatre catégories majeures. Le perso souhaité sera-t-il plus fort, plus sociable, plus téméraire ? Libre au joueur de façonner son avatar comme bon lui semble. Ces compétences sont en fait la clé des dialogues, évoluant aussi en fonction des voix intérieures qui échangent entre elles et personnifient les compétences, celles plus fortes ayant le plus de poids dans les discussions dans la caboche de l’avatar.

Plus le héros est logique, empathique, plus les voix lui donneront des conseils pertinents. Par ailleurs, les jets de dés sont aussi tributaires de ces compétences, les chances de réussite des défis étant dépendantes des points accordés aux capacités nécessaires à la réussite de la quête en cours. Mais attention, faire trop confiance à ces talents majoritaires dans la personnalité de l’avatar peut aussi l’amener vers des décisions et des contextes non souhaités et parfois bien trop extrêmes.

Il y a une différence entre connaître le chemin et arpenter le chemin

Avec son gameplay et sa narration intégralement architecturés autour du texte, Disco Elysium est souvent perçu comme une sorte de livre interactif, mixé à une mécanique de jeu de rôle papier, avec ses jeux de dés et ses points de compétence gagnés ou perdus. Si la comparaison tient la route, elle ne semble que partielle, tant la dimension jeu vidéo est tout de même très déterminante. Avec la multitude de caractéristiques et de traits de personnalité proposés en début de partie, ainsi que les différents choix sélectionnés en cours de jeu ou les points attribués, c’est l’ensemble de l’expérience lue et jouée qui se retrouve totalement différente d’une partie à l’autre. Ainsi, les dialogues, le comportement des autres personnages, le ton général, tout se retrouve modifié en fonction de la session.

Cela ne veut pas dire que Disco part dans tous les sens et que la liberté d’action est totale. Même si les chemins sont nombreux, les choix textuels balisent tout de même l’aventure, qui se voit restreinte par un script dont les branches se nouent et se dénouent pour toujours suivre une intrigue narrative centrale. C’est cependant en multipliant les aventures qu’on se rend compte de la dinguerie qu’est le jeu, et de ses multiples cheminements. Pour autant, en ce qui concerne l’enquête en elle-même, son évolution demeure plutôt identique. La raison est que le jeu se refuse de bloquer l’utilisateur où que ce soit dans la partie. Il pourra tenter toutes les propositions de réponse dans les dialogues, solliciter les personnages à proximité, écouter ses voix intérieures, la solution lui arrivera à l’esprit sans que cela demande une véritable réflexion.

Parce que l’essence-même de Disco Elysium, qui assume son influence de RPG illustres à la Planescape Torment, n’est pas là. Il s’agit avant tout de proposer un lore, qu’il soit textuel ou visuel, immergeant le joueur dans une expérience inédite et déconcertante, avec un game design magistral basé non seulement sur des choix, mais aussi sur des issues dépendant de jets de dés aux probabilités fixées par le contexte et les caractéristiques montées par le joueur. Car si les premiers jets de dés n’ont que très peu d’influence, hors d’une logique forcément punitive de prime abord, ils déterminent tout de même les chemins plus ou moins tordus qu’il faudra emprunter pour arriver au bout, le tout sur fond de perte de ponts de vie, de morale discutable ou d’un trait de personnalité inattendu. Il faut se préparer, dans certains cas, à finir en totale épave et à prendre un petit coup de déprime et de remise en question. Et hop, une nouvelle partie pour voir, si à ce moment-là, je ne choisis pas d’être une brute… Rejouabilité garantie.

En cas d’échec de lancer de dés, pas de panique, le jeu propose plusieurs choix : tenter de gagner des niveaux ailleurs et revenir sur les dés plus tard, récupérer des équipements qui peuvent augmenter les chances, ou encore laisser s’égrener le temps pour voir si la situation ne se débloquerait pas d’elle-même. C’est tout ce qui donne cette impression de cohérence totale dans n’importe quelle situation. Les choix influencent les points de compétences, qui influencent les lancés de dés, qui influencent les dialogues et l’exploration, qui influencent les choix.

Sin City

Bien entendu, pour avancer, il s’agit de se taper une palanquée de textes pendant des dizaines et des dizaines d’heures de jeu, en profitant tout de même de la remarquable interprétation des doubleurs. Mais il va aussi falloir prendre des risques et expérimenter des réponses que notre conscience ou nos mœurs nous déconseillent parfois de sélectionner. L’avatar, si ses caractéristiques l’y poussent, n’hésite pas à ouvertement se moquer des gens, à les insulter, les violenter et à les provoquer, pendant qu’il fouille les moindres recoins de la ville. C’est de cette manière que le jeu interroge l’utilisateur lui-même, le testant jusqu’à remettre en question sa propre éthique, afin qu’il déniche encore un nouveau chemin narratif. Autre possibilité, le personnage peut aussi « oublier » une compétence influant sur sa personnalité, mais cela lui coûtera des points de talent. Si cela peut éviter de devenir un connard violent et xénophobe…

Cette version Final Cut vient ajouter des éléments très attendus. En plus du doublage intégral en anglais, les textes sont désormais disponibles en plusieurs langues, dont le français. Des options permettent d’ailleurs de paramétrer le degré de doublage (intégral, partiel, ou uniquement la voix de la conscience du protagoniste). En outre, quatre quêtes inédites sont proposées dans cette version, apportant encore de nouvelles orientations pour une aventure de plus. Les réfractaires au jeu d’origine, sans doublage et avec les textes exclusivement en anglais, devraient trouver leur bonheur. Cela permet surtout de prendre conscience de la qualité inégalable des dialogues et des thèmes traités toujours avec soin, même s’ils font parfois appel à nos côtés sombres. Politique, religion, racisme, sexisme, rien n’est épargné. Le jeu ne fait ensuite que de s’adapter aux choix de l’utilisateur pour l’amener vers une branche narrative.

Pour la version Switch, la crainte légitime pouvait se ressentir vis-à-vis de la lisibilité des textes. Finalement, la lecture se révèle très agréable, l’interface s’adapte idéalement à l’écran de la Switch, sur TV, mais aussi en configuration portable. La taille des caractères est par défaut calée sur le maximum. Idem pour la jouabilité au Joy-Con, les déplacements se font au stick gauche, la course en poussant le stick à fond, les interactions avec le décor s’activent via le stick droit et la touche A, l’inventaire se consulte avec les gâchettes des manettes. L’écran tactile est également sollicité, entre validation des choix de dialogue et action avec les objets alentours, le tout se fait de manière très naturelle. Du côté technique pure sur Switch, si le jeu se montre très fluide sans chute de framerate particulière, il y a un peu à redire sur les temps de chargement entre zones, et au moment d’entrer et de sortir des bâtiments. Rien de méchant cependant.

Pour découvrir par vous-mêmes les multiples qualités du jeu, vous pouvez vous procurer une version boîte du jeu sur le site officiel de la boutique en ligne de Just For Games à cette adresse.

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