Wolfenstein : Youngblood

En résumé

  • Sorties :
  • 26 Juillet 2019
  • 26 Juillet 2019
  • 8 Aout 2019

L'avis de Kayle Joriin

Avec son approche plus ouverte et sa dimension RPG intéressante, Wolfenstein : Youngblood avait clairement un coup à jouer. Malheureusement, si l’expérience reste plaisante et que la montée en puissance des jumelles Blazkowicz est addictive, la répétitivité de l’ensemble s’avère frustrante sur la durée, notamment à cause de choix de game design contestables. Quant à l’histoire racontée, elle est loin de valoir celle de Wolfenstein II. Nous avons donc là un spin-off sympathique, mais loin d’être indispensable. Quant à la version Switch, certes assez impressionnante pour le support, elle n’est pas dénuée de défauts et reste évidemment loin de valoir ses consœurs sur un plan technique. Elle se réserve donc à ceux qui n’ont que cette console ou qui souhaitent absolument y jouer en nomade.

Les plus

  • Mécaniques RPG efficaces
  • Progression libre et monde semi-ouvert
  • Beau et fluide pour le support
  • Combats funs et nerveux
  • Arsenal particulièrement varié
  • Maniabilité au gyroscope
  • Bonne durée de vie
  • Mode coop en ligne, facilité par le Buddy Pass

Les moins

  • Ennemis qui réapparaissent sans arrêt
  • Système de sauvegarde agaçant
  • Allers retours trop fréquents
  • Des lacunes techniques et des bugs
  • La coopération aurait pu être plus poussée
  • Histoire et narration en net retrait
  • Ici, c’est Paris ?
  • Nintendo-Difference

    par Kayle Joriin

    le 16 mai 2020 22:00

Fondé en 2007 par quatre anciens d’Acclaim Entertainment, ayant bossé entre-temps chez Inevitable Entertainment (racheté ensuite par Midway Games), le studio Panic Button fait ses premières armes sur Wii et Xbox 360 en développant quelques jeux pas forcément mémorables. Puis, à partir de 2012, il se spécialise dans le portage, travaillant sur des titres comme Ms. Splosion Man (PC), Injustice : Gods Among Us (PlayStation Vita) ou Octodad : Dadliest Catch (Wii U). C’est toutefois sur Switch que la société va réellement acquérir sa notoriété. D’abord, avec le portage du très populaire Rocket League, mais surtout grâce à l’adaptation remarquée de DOOM version 2016. Depuis, c’est une histoire qui marche entre les Texans et Bethesda Softworks, la collaboration ayant donné lieu aux sorties successives sur la console hybride de Nintendo de Wolfenstein II : The New Colossus, Wolfenstein : Youngblood, DOOM 3, et bientôt DOOM Eternal. En attendant de pouvoir retourner déchiqueter du démon en mode portable, c’est donc au spin-off des aventures de B.J. Blazkowicz, sorti le 26 juillet 2019, que nous nous sommes intéressés.

Paname, Paname, on arrive

Se déroulant vingt ans après les événements de The New Colossus, ayant vu la victoire de Blazko le Barjo sur Hitler et la cruelle générale Irene Engel, Wolfenstein : Youngblood prend place en 1980 à Paristadt, l’ancienne capitale française sous la domination des nazis depuis qu’ils ont remporté la Seconde Guerre Mondiale. En net repli sur le reste du globe, le Troisième Reich est ainsi toujours solidement implanté en Europe, profitant des dissensions entre ses adversaires ; ces derniers n’arrivant manifestement pas à se mettre d’accord afin de lancer un assaut conjoint. Or, c’est le moment que choisit ce bon vieux B.J. Blazkowicz pour disparaître, laissant sa femme et ses filles mortes d’inquiétude. Tandis qu’Anya fait part de sa frustration à son amie Grace Walker, devenue directrice du FBI, les jumelles Jessie et Sophia décident, quant à elles, de prendre les choses en main avec l’aide d’Abby, la fille de Grace et du regretté Norman « Super Spesh » Caldwell.

Scientifique et hackeuse de talent, c’est elle qui va leur fournir les exosquelettes indispensables à la recherche de leur père, puis les emmener jusqu’à la Ville Lumière où les jeunes femmes vont contacter la résistance locale, menée par Juju Desjardins et Jacques Martel (deux noms bien de chez nous). Après avoir fait leurs preuves en éliminant le général Walter Winkler, venu remplacer l’ancien gouverneur de Paristadt déchu de ses fonction, Jess et Soph vont alors découvrir les quartiers de la cité par le biais de missions, obligatoires ou optionnelles, confiées par leurs nouveaux alliés. Il ne faudra toutefois pas s’attendre à visiter des lieux connus, car si on met de côté le plan de métro permettant de sélectionner sa destination, les environnements traversés, du reste assez plaisants, ne sont pas spécialement reconnaissables. Sans doute la faute de décennies d’occupation allemande.

Two girls, one coop

Or, ces différentes zones, les jumelles vont être amenées à y revenir de nombreuses fois et à les explorer de fond en comble, malgré une mini-carte pas spécialement pratique. Là où Wolfenstein II proposait en effet une aventure linéaire et étonnamment scénarisée, possédant également son lot d’objectifs annexes, ce spin-off prend une orientation radicalement opposée en offrant une progression beaucoup plus libre dans un monde semi-ouvert, le tout accompagné de mécaniques RPG très efficaces. On sent d’ailleurs clairement là l’influence des Français d’Arkane Studio, venus épauler MachineGames sur cet épisode. Les développeurs lyonnais ayant depuis longtemps démontré leur savoir-faire dans le domaine des jeux d’action en vue subjective à tendance rôliste, entre Arx Fatalis, Dark Messiah of Might and Magic et la série des Dishonored.

Fondamentalement, la formule fonctionne ainsi plutôt bien, avec l’acquisition régulière d’armes, d’argent et de points d’expérience permettant une montée en puissance fort plaisante. Chaque niveau gagné nous gratifie d’un point à investir dans diverses capacités, actives ou passives. Quant aux biftons récoltés, on peut les dépenser dans l’amélioration de l’arsenal, la personnalisation de son apparence ou le déblocable de nouveaux signes ; ces derniers octroyant des bonus particulièrement utiles pour se soutenir entre frangines. Car comme on pouvait s’y attendre, le titre est entièrement jouable en coopération – uniquement en ligne, malheureusement. Et si l’intelligence artificielle peut rendre service aux joueurs solitaires, la véritable expérience Youngblood passe d’abord par le multijoueur. Une approche facilitée par le Buddy Pass, inclus dans la version Deluxe Edition, qui donne la possibilité d’inviter un ami, même s’il ne possède pas le jeu. Dommage cependant que la recherche de parties se fasse seulement entre amis ou via un matchmaking automatique.

Des idées dans la suite ?

Paradoxalement, on ne peut pas dire que le tandem soit pourtant exploité à fond en termes de gameplay ou de level design. Au-delà du stock de vies communes, diminuant lorsque les deux sœurs se retrouvent KO et incitant donc à se soigner mutuellement en cas de pépin, la collaboration portera essentiellement sur l’ouverture de portes ou caisses, voire l’activation de mécanismes. Le reste du temps, jouer à deux permettra juste de mieux gérer les nombreux ennemis rencontrés, prompts à appeler du renfort dès lors qu’ils nous ont repérés, sachant que l’approche furtive est possible, bien qu’elle ne soit pas forcément mise en avant. En revanche, il ne faut pas s’attendre à de quelconques efforts de mise en scène, par exemple en séparant les jumelles et en les obligeant à évoluer chacune de leur côté. La plupart des cartes restent certes relativement ouvertes et on peut mettre en place de petites stratégies pour prendre les adversaires en tenaille ou progresser via des chemins différents, afin de couvrir davantage de terrain. Toutefois, cela reste superficiel et systémique.

D’un point de vue scénaristique, le constat n’est pas forcément meilleur, avec une histoire beaucoup moins percutante et intéressante que celle du second volet, en partie compensée par un univers toujours aussi dense, développé par le biais de nombreux éléments à collectionner. Malgré le sympathique trio formé par Jess, Soph et Abby, donnant à l’aventure un petit côté « Girls Power » pas déplaisant, le casting de ce spin-off fait en effet pâle figure en comparaison de celui de The New Colossus. Les échanges entre les frangines sont parfois drôles, mais demeurent très inégaux, et on est loin des réflexions et des monologues intimes, parfois poignants, que B.J. pouvait nous confier. L’antagoniste principal se révèle également assez tardivement, nous laissant affronter, pendant plusieurs heures, des nazillons lambda sans grande personnalité. Ironiquement, les meilleurs moments du jeu sont ainsi ceux impliquant des figures connues, comme Anya, B.J. ou Grace Walker.

Wieder und wieder

Néanmoins, le vrai problème de Wolfenstein : Youngblood reste sûrement sa grande répétitivité, due à quelques choix malheureux de game design. Dans l’absolu, l’approche plus ouverte de cet épisode s’avère payante en termes de sensations, notamment grâce à la dimension RPG associée. Seulement, les tâches qui nous sont confiées imposent de fréquents allers-retours entre la base de la résistance (situé dans les Catacombes) et les quartiers de Paristadt, voire entre les différents quartiers à proprement parler. Et cela peut être franchement lassant à la longue. Surtout que les adversaires ont la fâcheuse manie de réapparaître à chaque changement de zone ou lorsqu’on traîne un peu trop longtemps dans un coin. Du coup, on doit sans arrêt éliminer les mêmes groupes d’ennemis aux mêmes endroits, et bien qu’on finisse par prendre le coup, on est souvent tenté de trouver des raccourcis pour contourner les affrontements.

Si cette répétitivité touche essentiellement les quêtes secondaires, demandant de revenir dans des lieux déjà visités avec parfois de nouvelles portions de carte débloquées, l’aventure principale souffre d’un autre souci agaçant. D’une densité et d’une durée pourtant supérieure à la moyenne, les phases correspondantes doivent en effet être parcourues d’une seule traite, ou presque, car il n’est pas possible de sauvegarder manuellement. Des checkpoints sont présents pour ne pas avoir à tout refaire lorsqu’on meurt, en revanche, le fait d’interrompre sa partie renverra au début du secteur en cours, obligeant à le parcourir de nouveau entièrement, tout en conservant la monnaie, l’expérience et les éventuelles armes récupérées durant son premier passage. Ce choix assez étrange, sans doute pris à cause de la dimension multijoueur, peut cependant s’avérer extrêmement frustrant lorsqu’on perd une ou deux heures de jeu, car on a dû s’arrêter avant la fin de la mission.

Texanische Qualität

Toutes les lacunes évoquées précédemment sont d’autant plus regrettables que Youngblood offre une expérience fort plaisante dans l’absolu. Outre les évolutions déjà évoquées, le titre conserve le fun et la nervosité des combats de la série, le tout avec un arsenal d’armes et de capacités considérablement élargi ; la maniabilité au gyroscope, très pratique, répondant également présent. Quelques affrontements peuvent certes avoir tendance à s’éterniser, notamment lorsqu’ils nécessitent des approches spécifiques, pas forcément évidentes à découvrir. Par ailleurs, il est nécessaire d’alterner régulièrement entre les différents types de munitions disponibles, afin de faire tomber les barrières de protection dont jouissent certains ennemis et qui les rendent particulièrement laborieux à abattre. Au-delà du plaisir bourrin de buter des nazis en leur vidant ses chargeurs dessus, la stratégie a donc également sa place dans l’équation et il ne faut pas l’oublier en pleine fusillade.

Heureusement, le portage réalisé par Panic Button tient une nouvelle fois la route en termes de fluidité, même si quelques passages et cinématiques ont manifestement du mal. Le reste du temps, on dispose néanmoins d’un framerate à peu près stable, aux alentours des trente images par seconde, aidé par un flou cinétique assez agressif. Bien entendu, pour y arriver, les développeurs ont dû faire pas mal de concessions, et techniquement, on est clairement en dessous de ce que proposent les versions PlayStation 4, Xbox One et PC. Contrairement à pas mal d’autres productions Switch, l’ennemi principal ici n’est toutefois pas l’aliasing, étonnamment discret, mais plutôt les changements dynamiques de définition d’image, provoquant parfois de vilains flous. Encore que cela semble un peu moins fréquent et marqué que dans Wolfenstein II.

Le SAV des nazillons

Globalement, Wolfenstein : Youngblood est loin d’être vilain sur la console de Nintendo et il s’avère même impressionnant sur certains aspects. Malheureusement, il n’est pas non plus toujours constant dans sa qualité visuelle et certains éléments jurent parfois avec le reste. Comme les visages de Jess et Soph, un peu trop « bruts », qui tranchent avec leur armure très détaillée. Coté bande-son, le résultat est globalement correct, malgré quelques dialogues (en français) qui sonnent faux. En revanche, nous avons pu noter un certain nombre de bugs gênants durant notre partie test, entre des soucis de compression, des bruitages se répétant de manière anormale, voire des baisses soudaines de volume obligeant à relancer le jeu (et à se retaper la mission de zéro). Sans compter deux ou trois plantages purs et simples. Des soucis de stabilité étranges pour un titre sorti depuis plusieurs mois et ayant déjà fait l’objet de diverses mises à jour.

Au final, difficile donc d’être catégorique sur ce spin-off, car si on passe honnêtement de bons moments dessus, il souffre d’un certain nombre de soucis structurels qui font parfois s’arracher les cheveux et l’empêchent d’être à la hauteur de Wolfenstein II : The New Colossus. C’est dommage, car au niveau du contenu, l’offre est également honnête avec une durée de vie oscillant entre une dizaine et une trentaine heures (voire davantage), suivant que l’on souhaite se concentrer sur les missions principales ou viser le 100 % ; sachant que des tâches quotidiennes et hebdomadaires nous sont régulièrement confiées par Abby pour qu’on ne s’ennuie pas. Pas si mal pour un tarif demandé de 29,99 € en version standard et 39,99 € en version Deluxe Edition. D’autant que techniquement, il ne s’agit pas d’une petite production à petit budget.

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